POINT DE VUE

Améliorer la notification aux partenaires en cas d’IST : « les nouvelles recommandations HAS sont importantes »

Dr Antoine Bertolotti

Auteurs et déclarations

13 mars 2023

Dr Antoine Bertolotti

France — Le 9 mars, la Haute autorité de santé (HAS) a publié des recommandations à l’intention des décideurs publics pour favoriser la notification aux partenaires en cas de diagnostic d’infection sexuellement transmissible (IST)[1].

L’objectif est d’augmenter le nombre de personnes informées de leur exposition à une IST, notamment en encourageant les patients à prévenir leur.s partenaire.s et en proposant des évolutions du cadre législatif en matière de secret professionnel (Lire Recommandations HAS : comment mieux prévenir les partenaires en cas d’IST ?).

« En 2022, les IST bactériennes sont globalement en hausse, l’épidémie du VIH est encore très active et le retard au diagnostic persiste, notamment pour les personnes éloignées du système de santé et les populations migrantes », indique la HAS qui précise que la « notification aux partenaires doit s’inscrire dans une approche globale de santé sexuelle et s’insérer dans une démarche de prévention ».

Dans ce contexte, le Dr Antoine Bertolotti (Service de maladies infectieuses - médecine interne – dermatologie, Inserm - Centre d'Investigation Clinique 1410, CHU de la Réunion) nous apporte son éclairage sur ces nouvelles recommandations.

Medscape : La notification aux partenaires reste-elle une problématique importante en France ?

Dr Antoine Bertolotti : Tous les jours, les acteurs du dépistage des IST sont confrontés à ce problème. Quel est l'utilité de traiter un patient porteur d'une IST, si on ne peut pas traiter son ou ses partenaire(s) ? Aborder et parler de sexualité n'est déjà pas facile pour beaucoup alors annoncer son IST à son (sa) partenaire n'est clairement pas le plus aisé. Aborder le sujet des IST quand on a eu un rapport extra-conjugal est encore moins aisé.

Ce sujet est important car pour le patient index, la notification permet la prévention de la réinfection. Il permet aussi la diminution de l'acquisition des IST dans le futur grâce au counseling préventif et à l'information du patient.

Pour le partenaire, c'est l'opportunité d'être testé et traité précocement pour une infection qui aurait pu autrement passer inaperçue. C'est aussi dépister et traiter les autres IST concomitantes. Enfin c'est diminuer l'acquisition.

Quel est l'utilité de traiter un patient porteur d'une IST, si on ne peut pas traiter son ou ses partenaire(s)?

 

Troisièmement il existe un enjeu de santé publique. La notification aux partenaires, c'est permettre un meilleur contrôle des foyers épidémiques des IST. C'est réduire la période de contagiosité associée à la transmission future de l'infection. C'est aussi réduire la transmission suite au changement des comportements à risque dans la population générale et dans les populations à risque. 

Qu’apportent ces nouvelles recommandations ?

Dr A. Bertolotti : Premièrement ces recommandations sont importantes, car elles mettent au-devant de la scène les difficultés quotidiennes des professionnels de santé, associatifs... sur ce sujet. Nous souhaitons guérir nos patients, mais nous souhaitons aussi prévenir tant que possible l'apparition de maladie. Or bien des IST sont asymptomatiques. Sans dépistage, on ne peut pas imaginer qu'elles sont présentes. Hélas, l'absence de dépistage peut entrainer dans certains cas l'apparition de complications très délétères pour la santé des patients.

Aussi, ces recommandations spécifient l'ensemble des modalités de notification aux partenaires. Notifier, ne veut pas dire : appeler à la suite de la consultation le partenaire du patient index traité à l'instant sans son accord. On distingue : (i) la notification passive pour laquelle le professionnel de santé encourage le patient index à informer de lui-même son partenaire (brochure, dépliants, vidéo,...) (ii) la notification double, qui consiste à assister le patient index dans le contact et l'information du partenaire, (iii) la notification par le professionnel de santé à la demande du patient index (téléphone, sms, e-mail,...) (iv) la notification contractuelle qui est employée dans plusieurs pays, établissant un délai réglementaire du patient index pour informer son partenaire et (v) le traitement accéléré du partenaire à l'aide d'une prescription remise au patient index pour le partenaire.

Enfin, ces recommandations distinguent l'importance de la notification et de son délai selon les IST. En effet, il est plus compliqué de réaliser une notification aux partenaires en termes de délai et de séroprévalence dans la population générale face à un sujet index présentant de l'herpès simplex (HSV) plutôt qu'une syphilis précoce.

Ces recommandations spécifient l'ensemble des modalités de notification aux partenaires.

La HAS recommande de faire évoluer le cadre juridique en matière de secret professionnel afin de permettre aux professionnels de santé de prendre le relais lorsque le patient index ne peut pas le faire. Qu’en pensez-vous ?

Dr A. Bertolotti : Cette recommandation permet de voir les disparités sur le sujet au niveau international. En France pour le moment, la notification au partenaire d'un point de vue juridique ne peut être faite que par le patient index.

En Suède, par exemple, il y a une obligation de notification, aux Etats-Unis et au Canada, il y a une possibilité de déroger au secret médical, au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas, le secret médical reste un pilier de la pratique mais des dérogations sont possibles. En Allemagne, en revanche, il n'y a pas de législation.

Il semble donc nécessaire que le cadre juridique de ces notifications aux partenaires puisse être revu et particulièrement celui relatif à l'usage du traitement accéléré du partenaire afin de permettre aux professionnels de santé, associatifs et autres acteurs de la santé sexuelle de prendre en charge au mieux le patient index mais aussi la population.

Il semble donc nécessaire que le cadre juridique de ces notifications aux partenaires puisse être revu et particulièrement celui relatif à l'usage du traitement accéléré du partenaire.

 

Propos recueillis par Aude Lecrubier.

 

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