Déconventionnement : avantages et inconvénients

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

9 mars 2023

France – Les 3 et 4 mars derniers, le syndicat UFML-S organisait les premières assises du déconventionnement. But de l'opération : réunir suffisamment d'intentions de déconventionnement de médecins, certifiées par huissier, pour faire fléchir l'assurance maladie dans le cadre des négociations avec les libéraux.

Faciliter le passage des secteur 1 ou 2 au secteur 3

« L’UFML-S rappelle que l’action vise à permettre aux médecins de poser sous séquestre des intentions de déconventionnement, de cibler un seuil critique de médecins déconventionnés par territoires ou professions, de valider chaque seuil atteint par un retour vers les médecins concernés avec questionnement quant à leur maintien de participation, et de poursuivre l’opération sur plusieurs mois jusqu’à un seuil de 15 000 à 20 000 médecins, dont le déconventionnement, préparé en amont tout au long de l’opération, serait mis en œuvre en l’absence de volonté politique claire et concrète de relance de l’attractivité de la médecine libérale… », explique très clairement l'UFML-S.

Organisées à Paris à la cité internationale universitaire, ces premières assises ont réuni en présentiel quelque 700 congressistes, tandis que 1000 autres médecins suivaient les différentes conférences en distantiel.

Un succès, pour l'UFML-S. À la tribune, de nombreux médecins et responsables syndicaux se sont succédé pour faire un historique de la convention, éclairer le public sur les dernières négociations, ou encore informer sur les avantages et désavantages du déconventionnement.

Parmi eux, le Dr Didier Legeais, chirurgien urologue, et vice-président des médecins de l'Isère, a réalisé un topo complet sur le déconventionnement, afin de faciliter le passage des secteur 1 ou 2 au secteur 3, déconventionné.

Etablir un business plan

En préambule, le Dr Legeais a rappelé que le contexte de pénurie médicale et de vieillissement de la population était propice à un déconventionnement massif des médecins : « Nous avons une opportunité historique pour nous déconventionner : départs à la retraite massifs, arrivée importante de patients à soigner et arrivée de jeunes collègues qui veulent travailler moins, donc l'offre de soins s'effondre, et il y a de la place en secteur 3. »

L'offre de soins s'effondre, et il y a de la place en secteur 3.

 

Reste que, avant de se déconventionner, il faut d'abord en passer par une "étude de marché" : « Dans l'analyse de votre business plan, si vous décidez de vous déconventionner, il faut que vous connaissiez la densité médicale de votre lieu d'exercice. Il est plus facile de se déconventionner quand on est dans un territoire qui manque de médecins que lorsque l'on est dans une zone où il y a pléthore de médecins, sauf lorsque l'on a une grande réputation », a fait remarquer Didier Legeais.

Autre précaution à prendre : connaitre son chiffre d'affaires et le montant moyen de sa consultation. « Il faut considérer votre chiffre d'affaires avant de décider de quitter la convention. Il paraitrait complètement fou de se mettre hors convention alors que l'on n'a pas calculé son point de rupture pour garder la même activité qu'avant. Si votre consultation moyenne est de 34 euros, et si vous vous mettez en secteur 3 à 25 euros vous allez perdre de l'argent. Il faut calculer le montant de votre consultation moyenne », pourvoit le conférencier.

Attention à ceux qui ont perçu des aides à l'installation, et qui décident de quitter la convention : « Je fais juste remarquer à ceux qui veulent se déconventionner et qui ont touché ces forfaits d'installation qu'ils devront les rembourser. »

Je fais juste remarquer à ceux qui veulent se déconventionner et qui ont touché ces forfaits d'installation qu'ils devront les rembourser.

Retraite et cotisations sociales

De même, la retraite des "déconventionnés" est inférieure aux médecins conventionnés : « Il faut aussi considérer la retraite, qui est de 2600 euros, dont 30% provient de l'ASV. Seulement en secteur 3 on ne cotise pas à l'ASV, donc la retraite d'un secteur 3 est inférieure de 30% à celle d'un secteur 1 ou 2. » Aussi, les cotisations sociales d'un secteur 3 ne sont pas prises en charge, en partie, par l'assurance maladie, comme pour les secteur 1, ce qui engendre une charge supplémentaire : « La différence entre secteur 1 et secteur 3 en termes de cotisations, c'est 8% de cotisation en plus et -1824 euros de cotisation retraite en moins (du fait de l'absence de cotisation à l'ASV, NDLR). Pour un chiffre d'affaires de 150 000 euros, il y a une différence de 5000 à 6000 euros. Pour garder le même chiffre d'affaires, il faudra facturer une consultation à 27,50 euros pour rembourser ces 6000 euros plutôt qu'à 25 euros par exemple. »

En secteur 3 on ne cotise pas à l'ASV, donc la retraite d'un secteur 3 est inférieure de 30% à celle d'un secteur 1 ou 2.

Remboursements différents

Enfin, les remboursements effectués par la sécurité sociale sont bien évidemment différents : « Pour les médecins de secteur 1 et 2 en OPTAM c'est 16,50 euros sur 25 euros. En secteur 3, le remboursement est de 0,61 centimes pour les médecins généralistes, et 1,22 euros pour les spécialistes. »

Last but not least : si un médecin de secteur 1 décide de se déconventionner, il aura tout loisir de retourner dans la convention et de regagner son secteur d’origine. Cela n’est pas vrai pour les médecins de secteur 2 : s’ils quittent la convention, ils ne pourront la rejoindre qu’en secteur 1...

Les médecins de secteur 2, s’ils quittent la convention, ils ne pourront la rejoindre qu’en secteur 1.

Liberté

Voilà pour les principaux inconvénients. Sinon, le médecin de secteur 3 bénéficie d'une liberté quasi illimitée, sauf en matière d'inscription à l'Ordre, toujours régi par le conseil de l'Ordre, et dans le domaine de la permanence des soins : « la continuité des soins fait partie de vos obligations professionnelles que vous soyez conventionné ou pas. L'ARS peut fort bien réquisitionner demain un médecin hors convention, pour la permanence des soins. »

Pour les médecins prêts à passer outre ces embûches, le secteur 3 permet aux médecins de facturer comme bon leur semble, sans craindre de subir les foudres de l'assurance maladie, comme pour certains médecins de secteur 2 : « Attention au secteur 2, un décret est sorti pendant le Covid concernant le refus de soins discriminatoire lié à un problème de prise en charge financière. On constate au conseil de l'ordre des médecins de plus en plus de procédures qui visent des médecins de secteur 2, lesquels ont facturé 10, 12 ou 17 euros de dépassement. Une procédure de sanctions très stricte permet à un malade de se faire rembourser des dépassements d'honoraires pris sans tacts et mesures, et d'affliger le médecin de sanctions pécuniaires. Car on considère qu'un dépassement d'honoraires réalisé sans tact et mesures est un refus de soins déguisé. On pense que le secteur 2 n'est pas encore menacé, mais le nombre de procédures lancées aujourd'hui par des associations de patients est en train de remettre en cause cette liberté tarifaire. Cela n'existe pas pour le secteur 3.

« Autre avantage du secteur 3 : faire un trait sur la complexité des politiques tarifaires mises en œuvre par l'assurance maladie : « avec le secteur 3, on n'a pas à se perdre dans la jungle des forfaits, il suffit d'appliquer son propre tarif. »

Avec le secteur 3, on n'a pas à se perdre dans la jungle des forfaits, il suffit d'appliquer son propre tarif.

 

Les médecins de secteur 3 bénéficient aussi d'une plus grande liberté de choix des patients : « Que se passe-t-il pour la prise en charge des CMU ? En secteur 1 et 2, c'est tarif opposable et tiers payant mais en secteur 3 vous faites ce que vous voulez. Les CMUC ont besoin de notre soutien puisque ce sont des indigents. Les patients atteints d'accidents de travail, de maladies professionnelles, vont s'adresser aux médecins en secteur 1 et 2, les secteurs 3 n'ont aucune obligation de les prendre en charge. »

Surtout, le secteur 3 permet de se passer de la tutelle de l’assurance maladie, vécue par de nombreux congressistes comme du harcèlement institutionnel : « Si vous souhaitez passer en secteur 3, il faut considérer votre projet professionnel : le faites-vous parce que vous n'en pouvez plus de la bureaucratie de l'assurance maladie ? ».

À ces mots, les médecins présents ont bruyamment applaudi le Dr Didier Legeais...

 

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