Dans l’Actu : la sécurité des édulcorants

Ryan Syrek

Auteurs et déclarations

10 mars 2023

 

La question de savoir si les édulcorants représentent un bon moyen de réduire les apports caloriques ou s’ils constituent au contraire une option potentiellement dangereuse pour la santé, est toujours à l’étude. Des recherches récentes ont exploré les liens entre diverses alternatives au sucre et les risques pour la santé, notamment au niveau cardiovasculaire et psychologique.

Érythritol et risque CV

Une étude récente menée en plusieurs phases a montré que des niveaux élevés d’érythritol étaient associés à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs sur trois ans. L'étude comportait trois parties : [1]

  1. Chez 1157 patients soumis à une évaluation cardiaque, les chercheurs ont constaté que des niveaux élevés d'érythritol étaient associés à des risques CV accrus. Ces résultats ont ensuite été reproduits dans deux grandes populations sur deux continents différents (voir infographie).

  2. Les investigateurs ont également observé que l'ajout d’érythritol dans le sang total ou les plaquettes entraînait une activation de la formation de caillots sanguins.

  3. Par ailleurs, chez 8 volontaires sains, ils ont également constaté que la consommation de 30 g d'une boisson sucrée à l'érythritol ― équivalant à 1 canette ou à environ 500 ml de crème glacée de type cétogène ― entrainait une augmentation, marquée et durable (> 2 jours), des taux plasmatiques d'érythritol.

La question reste controversée car certains experts soulignent que l'érythritol peut être fabriqué par le corps humain et que l'apport dans le régime alimentaire est généralement faible chez la plupart des gens. Toutefois, l'auteur principal de l’étude, le Dr Stanley L. Hazen, souligne que les données de la National Health and Nutrition Examination Survey de 2013-2014 montrent que la consommation quotidienne d'érythritol atteindrait 30 g/j chez certaines personnes.

Étude française NutriNet

Ce n'est pas la première fois qu'un édulcorant est associé aux maladies cardiovasculaires. L’étude prospective à grande échelle menée auprès d'adultes français et publiée en septembre dernier, a montré que la consommation totale d'édulcorants artificiels, toutes sources confondues, était associée à un risque global accru de maladies cardio- et cérébro-vasculaires. [2] L'étude a porté sur 103 388 adultes de la cohorte NutriNet-Santé, dont 37,1% ont déclaré consommer des édulcorants artificiels. Les substituts du sucre évalués étaient principalement l'aspartame (58% de la consommation d'édulcorants), l'acésulfame de potassium (29%) et le sucralose (10%).

Sur une période moyenne de 9 ans de suivi, la consommation d'édulcorants artificiels a été associée à une augmentation de 9% du risque d'événements cardio- ou cérébrovasculaire. Ces événements comprenaient l'infarctus du myocarde, le syndrome coronarien aigu, l'angioplastie, l'angor, l'accident vasculaire cérébral ou l'accident ischémique transitoire, avec un rapport de risque de 1,09 (IC à 95 %, 1,01-1,18 ; p = 0,03).

La consommation moyenne était de 42,46 mg/j chez ces participants, ce qui correspond à environ un sachet individuel d'édulcorant de table ou 100 ml de soda light. Le taux d'incidence absolue des événements CV ou cérébrovasculaires chez les plus grands consommateurs était de 346 pour 100 000 années-personnes contre 314 pour 100 000 années-personnes chez les non-consommateurs. La consommation d'aspartame était particulièrement associée à un risque accru d'événements cérébrovasculaires, tandis que l'acésulfame de potassium et le sucralose étaient associés à un plus grand risque de maladie coronarienne.

Effet sur l’anxiété chez l’animal

L'aspartame a également été associé à une augmentation du risque d'anxiété dans une étude préclinique récente menée chez l’animal. [3] Les chercheurs ont observé que les souris qui buvaient de l'eau contenant de l'aspartame présentaient des comportements anxieux prononcés dans des tests de labyrinthe. Ce phénomène s'est produit à des doses égales ou inférieures à 15% de la dose journalière maximale recommandée par la FDA américaine. L'exposition à l'aspartame a également entraîné des changements dans l'expression des gènes qui affectent l'amygdale, une région du cerveau qui régule l'anxiété et la peur. L'administration de diazépam, qui est utilisé pour traiter les troubles anxieux généralisés, a atténué le comportement anxieux des souris.

Avis d’experts

Ces nouvelles études placent les cliniciens dans une position difficile. En réponse à l'étude sur l'érythritol [1], le Dr Perry Wilson (professeur à l’école de médecine de Yale, New Haven aux É.-U.) a déclaré qu'il n'était « pas particulièrement inquiet pour le moment » au sujet de son édulcorant aux « fruit des moines », de son chewing-gum sans sucre ou de son dentifrice... Alors que les effets délétères des « substituts du sucre ne sont encore essentiellement que des hypothèses, les méfaits du sucre, eux, sont réels », a-t-il ajouté. Il conclut que l'érythritol pourrait être le « moindre des deux maux ». Il existe en effet des données bien établies concernant les effets des produits sucrés à haute teneur en fructose comme p. ex. le sirop de maïs. Les boissons sucrées sont associées au cancer colorectal, aux maladies inflammatoires de l'intestin, à la stéatose hépatique non alcoolique, etc.

Le Pr Boris Hansel (diabétologue et nutritionniste à l’hôpital Bichat à Paris), conclut également que « dans les données scientifiques actuelles, rien ne permet de dire qu'il vaut mieux manger sucré que de manger édulcoré… ». Quant au  Dr Manuel Rodrigues (oncologue médical à l'Institut Curie à Paris), il appelle également à modérer certaines conclusions d'une autre étude NutriNet concernant la consommation des édulcorants et le risque de cancer.

Le meilleur conseil serait donc de faire preuve de modération dans tous les domaines, en évitant l'excès de sucre et les édulcorants artificiels. Adopter des conseils simples et basés sur des preuves, comme consommer davantage d'eau et moins de boissons transformées, serait la meilleure stratégie.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Suivez Medscape en français sur Twitter, Facebook et Linkedin.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie en français sur Twitter.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....