Paris, France – La prévention de la stéatose hépatique non-alcoolique repose sur deux piliers, la lutte contre la sédentarité et une nutrition équilibrée. Mais quels sont les conseils diététiques spécifiques à délivrer aux patients ? Voici les éléments de réponse livrés lors de la Journée annuelle Benjamin Delessert (JABD, 03 février 2023, Paris) [1].
Due à une surnutrition lipidique et surtout glucidique
La stéatose hépatique non-alcoolique (NAFLD pour « non-alcoholic fatty liver disease ») concerne 25 % de la population mondiale, une prévalence en constante augmentation, et jusqu’à 70 % des patients atteints de maladies métaboliques comme le diabète [2]. Cette maladie est due à une surnutrition lipidique et surtout glucidique (d’où l’appellation de « maladie du soda ») associée à une sédentarité dans un contexte dysmétabolique (surpoids, diabète, hypertension artérielle, excès de lipides sanguins) [3]. Elle traduit un stockage anormal de l’énergie sous forme de lipides.
Elle peut, dans 10 à 20 % des cas, donner lieu à une inflammation hépatique (« stéatohépatite non alcoolique » appelée aussi NASH pour « non-alcoholic steatohepatitis ») susceptible de conduire à une fibrose du foie. Cette fibrose, dans sa forme la plus sévère, correspond à une cirrhose avec le risque de survenue d’un carcinome hépatocellulaire, principalement.
Le pronostic des malades atteints de stéatose hépatique est aussi fonction des complications du syndrome métabolique général (en particulier l’atteinte cardiovasculaire et la survenue de cancers extra-hépatiques)[4]. « Environ 220 000 Français auraient une NASH avec une pré-cirrhose ou une cirrhose [5] », a évalué le Pr Rodolphe Anty, hépatologue au CHU de Nice lors de son intervention à la JABD 2023.
La prévention nutritionnelle, en attendant les thérapeutiques
Sur le plan thérapeutique, de nombreuses médications (en particulier déjà prescrites dans le diabète comme les analogues du GLP-1) font l’objet d’essais thérapeutiques avancés mais, à ce jour, aucune autorisation de mise sur le marché n’a été délivrée [6]. Les mesures préventives, focalisées sur l’hygiène de vie – alimentaire et physique – sont les seules qui existent pour prévenir la survenue de cette maladie en grande partie liée aux habitudes de vie (excès d’aliments et de boissons sucrées, manque d’activité physique) [7].
L’Académie nationale de médecine a formulé en décembre 2022 plusieurs recommandations [3]. Elle insiste sur « l’importance majeure de la prévention, par la mise en œuvre d’une politique de lutte résolue contre la surnutrition glucidique et lipidique ainsi que contre la sédentarité auprès tant du public (dès l’âge scolaire) que des professionnels et des étudiants en santé. »
Rien de bien nouveau, donc. Les dernières recommandations européennes des sociétés savantes concernées, dont l’Association européenne pour l’étude du foie (EASL) mentionnaient déjà clairement : « Les mesures hygiéno-diététiques sont au centre de la prise en charge de ces patients » [8]. Celles-ci doivent s’appliquer au patient et à l’ensemble de sa famille proche, du fait de la transmission des parents aux enfants de facteurs « obésogènes » d’origines génétiques, épigénétiques et environnementales.
Pour Delphine Tran, diététicienne (CSAPA, pôle Santé Mentale, Santé Publique et Addictologie, CHU de Nice), intervenant à la JABD 2023, « la NAFLD et les autres maladies chroniques liées à l’excès de poids trouvent une partie de leur origine dans les vices du système agro-alimentaire mondial actuel, lesquels exposent à la fois une partie de l’humanité à un excès de poids et une autre partie à une alimentation insuffisante et/ou déséquilibrée. À l’image de l’activité physique adaptée (APA), les mesures diététiques doivent être personnalisées et fondées sur une motivation au changement durable du mode de vie et du mode d’alimentation. L’objectif de perte de poids se situe entre 7 et 10 % du poids initial. »
Et d’ajouter : « Au final, le régime méditerranéen traditionnel (à l’exception de la consommation d’alcool) peut être promu pour les patients ayant une NAFLD [9]. Il a en effet l’avantage de préserver la santé en général et de rétablir la santé de l’individu ayant une NAFLD. »
Améliorer la qualité nutritionnelle
Afin de poser un diagnostic diététique précis, il est important d’identifier les forces et faiblesses du patient au cours d’un interrogatoire et d’un entretien motivationnel. Cet accompagnement, dans l’écoute active et la discussion, permet ainsi d’aboutir à une codécision de la meilleure modalité des changements durables à opérer.
« L’objectif de la prise en charge est d’améliorer la qualité nutritionnelle et de trouver un rythme et une alimentation adaptés à chaque individu, poursuit la diététicienne. Les produits riches en fibres doivent être privilégiés et les produits trop gras et trop sucrés [10], édulcorés et/ou ultra-transformés être limités [11]. Il convient également d’augmenter sa consommation de protéines végétales (légumineuses, fruits à coque), de limiter la consommation de viande à 500 g/semaine et de poisson gras à une fois par semaine. Les aliments hépato-protecteurs peuvent être conseillés, comme le café (200 mg/j, environ 2 tasses quotidiennes, selon une étude dans le but de réduire de manière substantielle le risque de cirrhose)[12], le thé vert, l’artichaut[13] et les crucifères (radis noir…) de manière large[14]. »
Les conseils délivrés chez des patients ayant une NAFLD seront orientés vers l’amélioration de la qualité nutritionnelle, l’adaptation des quantités et l’instauration de rythmes prandiaux adaptés, en privilégiant la saisonnalité.
« On se doit d’insister sur la notion d’index glycémique bas, indique Delphine Tran, et de veiller à des apports suffisants en omégas 3 ainsi qu’en vitamine D. »
En effet, les études ont identifié des micronutriments hépato-protecteurs : vitamine C (110 mg/j)[15]et vitamine D[16] du fait d’une activité anti-inflammatoire et antifibrosante, vitamine E (9-10 mg/j)[17] du fait d’une activité anti-inflammatoire, vitamine B9[18]du fait d’une activité anti-inflammatoire et antifibrosante avec un effet de réduction de la stéatose ; ainsi que l’intérêt des probiotiques.
Concernant ces derniers, une méta-analyse de 15 essais randomisés contrôlés concluait récemment au bénéfice de la supplémentation en probiotiques et symbiotiques vis-à-vis de la stéatose hépatique, des taux d’enzymes hépatiques, des profils lipidiques, et de la dureté hépatique chez les patients atteints de NAFLD[19]. »
Delphine Tran, diététicienne (CSAPA, pôle Santé Mentale, Santé Publique et Addictologie, CHU de Nice) déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec sa présentation.
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Citer cet article: Stéatose hépatique non-alcoolique : des conseils nutritionnels ciblés - Medscape - 8 mars 2023.
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