POINT DE VUE

Le régime cétogène, un idéal alimentaire pour la vie ? Pas si simple

Dre Caroline Apovian

Auteurs et déclarations

15 mars 2023

Ne pas reprendre le poids perdu

Le régime cétogène est-il le seul moyen de perdre du poids ? Bien sûr que non. Il « suffit » de réduire le nombre de calories absorbées par rapport aux calories dépensées pour que n’importe qui, ou presque, maigrisse. La vraie difficulté consiste à ne pas reprendre le poids perdu.

Dre Caroline Apovian

Pour comprendre ce concept, il faut s’intéresser à l'adaptation métabolique et à la biologie de l'obésité : notre corps a un poids "de référence" qui est épigénétiquement lié à l'environnement perçu par le cerveau, tout comme l'environnement du fœtus correspond à l'environnement maternel. Lorsque la nourriture est abondante, nos hormones nous forcent à manger jusqu'à ce que notre corps estime que les réserves de graisses sont suffisantes pour survivre. En raison d'influences environnementales telles que les aliments hautement transformés, les conservateurs, le changement climatique et la régulation de la température corporelle, notre cerveau semble avoir décidé que nous avions besoin de plus de tissu adipeux qu'il y a 50 ou 100 ans. Il se pourrait qu'un élément de l'alimentation ait provoqué un dysfonctionnement des voies régulatrices de notre poids corporel, et la plupart d'entre nous "défendent" ainsi un poids corporel plus élevé dans l’environnement actuel.

Comment contrer ce phénomène ? Ce n’est pas simple. Le régime cétogène fonctionne temporairement, comme tout autre régime où l'apport calorique est plus faible que d'habitude. Il semble convenir à de nombreuses personnes car elles se sentent rassasiées après avoir mangé des protéines, des graisses et quelques légumes. Il est certain que les protéines et les graisses sont plus rassasiantes que les glucides simples.

Lorsqu'il est suivi à la lettre, le régime cétogène oblige le corps à brûler les graisses et à entrer en cétose. Sans source de glucose, le cerveau utilise des corps cétoniques provenant des réserves graisseuses. Oliver Owen et ses collègues ont découvert ce phénomène en 1969 lorsqu'ils ont mené leurs études sur le jeûne chez des patients hospitalisés au Brigham and Women's hospital, en administrant des acides aminés par voie IV afin de protéger leur masse musculaire.

Un régime cétogène pour la vie ?

Peut-on considérer que le régime cétogène est sain à long terme ? Certainement pas. Nous avons besoin de sources de glucides riches en fibres, comme les céréales complètes, les fruits et les légumes, pour maintenir le colon en bonne santé et disposer des vitamines et des minéraux nécessaires au bon fonctionnement du cycle de Krebs.

Alors, pourquoi promouvoir les régimes cétogènes chez les personnes souffrant d'obésité et de diabète de type 2 ? Les régimes cétogènes ou à faible teneur en glucides sont faciles à expliquer, et ils peuvent aider rapidement à perdre du poids ainsi qu’à normaliser la glycémie, la pression artérielle et d'autres paramètres métaboliques. Le patient a pour instruction d'éviter tous les aliments hautement transformés. Des études ont montré que ces derniers, créés en maximisant leur saveur, incitent les gens à consommer plus de calories qu’avec des aliments non transformés. C’est une manière de tromper le cerveau, en contournent les mécanismes naturels de satiété qui commencent dans le tube digestif. Lorsque nous mangeons, notre estomac et nos récepteurs mécaniques intestinaux déclenchent un processus qui informe l'hypothalamus de la prise alimentaire. Les aliments ultra-transformés sont généralement dépourvus de fibres. Ils renferment plutôt les calories dans un petit volume, de sorte que les récepteurs mécaniques ne sont pas activés avant que d'autres calories ne soient ingérées.

Cette explication n'est que la partie émergée de l'iceberg, car le cerveau est informé par bien d'autres éléments que les récepteurs mécaniques. Des hormones intestinales sont sécrétées par le tube digestif avant et après les repas, comme la ghréline, le GLP-1 (glucagon-like peptide 1), le GIP (peptide insulinotrope dépendant du glucose) et la cholécystokinine, notamment. Toutes ces hormones peptidiques sont sécrétées par les cellules intestinales dans le sang et/ou au niveau du nerf vague, et elles informent le cerveau sur le fait que de la nourriture a été apportée en quantité suffisante ou pas, pour maintenir le poids corporel à son niveau de référence.

Une adaptation défavorable

Ce système hautement précis régule le poids corporel pour la survie de l'espèce dans son environnement. Ce dernier a cependant changé au cours des 100 dernières années, ce qui n’est pas le cas de notre constitution génétique qui vise à la survie.

Le mécanisme d'action conduisant à atteindre un poids corporel plus élevé dans ce nouvel environnement n'a pas encore été élucidé. Il est fort probable que de nombreux facteurs soient impliqués, comme les modifications de l'alimentation, la sédentarité, la température ambiante, la programmation fœtale, la qualité de l'air, le réchauffement de la planète et le changement climatique, pour n'en citer que quelques-uns.

L'objectif visé par les recherches sur l'obésité est de comprendre les mécanismes sous-jacents de l'augmentation de la prévalence de l'obésité au cours des 100 dernières années. Quant à l'objectif des spécialistes de la médecine de l'obésité, il est de prévenir autant que possible et de traiter cette pathologie par des modifications de l’hygiène de vie et la prise de médicaments dont il a été démontré qu'ils contribuent à "inverser" l'adaptation métabolique à l’environnement actuel.

Dans des modèles animaux, de nouveaux agonistes des récepteurs GLP-1/GIP se sont révélés capables d'agir sur plusieurs voies conduisant à l'obésité. Ils ne sont pas seulement des coupe-faim : ils modulent certes l'appétit et la satiété, mais ils affectent également la dépense énergétique. La réaction normale de l'organisme à un manque d'apport calorique est de réduire la dépense énergétique au repos jusqu'à ce que le poids corporel revienne au poids de référence. Or, ces agonistes empêchent cette adaptation métabolique. C'est pourquoi ils sont de véritables agents capables de traiter l'obésité.

Tromper le cerveau...

Pour en revenir au régime cétogène, s’il peut tromper le cerveau temporairement en utilisant les protéines et les graisses pour provoquer la satiété malgré un apport moindre en calories, il se voit contrecarré notamment par les hormones intestinales au bout d’un certain temps : l’énergie dépensée au repos se réduit, tout comme la dépense énergétique totale, de manière à ce que le corps retrouve son poids de référence.

Suivre un régime cétogène force à éviter les aliments ultra-transformés. Mais en fin de compte, tout type de régime qui réduit l'apport calorique est efficace pour perdre du poids, mais c'est le maintien de cette perte de poids qui fait la différence à long terme, et cela implique de combler le déficit métabolique que l'organisme génère pour défendre sa masse grasse. La meilleure compréhension de cette physiopathologie permettra aux spécialistes de la médecine de l'obésité d'aider les patients obèses à perdre du poids et à ne pas en reprendre.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix

Suivez Medscape en français sur Twitter, Facebook et Linkedin.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie en français sur Twitter.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....