L'insomnie et le manque de sommeil sont liés à un risque accru d'infarctus du myocarde

Marlene Busko

Auteurs et déclarations

8 mars 2023

Alexandrie, Égypte – D’après une nouvelle étude publiée dans la revue Clinical Cardiology et présentée lors du congrès de l’American College of Cardiology (ACC) / Congrès mondial de cardiologie (WCC) 2023, l’insomnie, c’est-à-dire la difficulté à s’endormir ou à rester endormi, est associée à un risque d’infarctus du myocarde (IM) 69 % plus élevé chez les adultes qui en souffre que chez les adultes sans insomnie.

Les personnes qui dormaient 5 heures ou moins par nuit présentaient le risque le plus élevé d’infarctus du myocarde, et celles qui souffraient à la fois de diabète et d’insomnie avaient un risque deux fois plus élevé d’infarctus du myocarde que les patients ne présentant pas ces comorbidités.

Les résultats sont issus d’une méta-analyse d’études portant sur plus d’un million de patients, presque tous sans antécédent d’infarctus, qui étaient en moyenne âgés d’une cinquantaine d’années et suivis pendant neuf ans.

Yomna E. Dean

Yomna E. Dean, étudiante en médecine à l’université d’Alexandrie, en Égypte, a fait part de ces résultats lors d’une conférence de presse le 25 février, et l’étude a été publiée simultanément dans Clinical Cardiology.

« L’insomnie et le sommeil ≤ 5 heures sont fortement associés à une incidence accrue d’IM, une association comparable à celle d’autres facteurs de risque d’IM et, à ce titre, ils devraient être considérés comme un facteur de risque d’IM et être intégrés dans les directives de prévention de l’IM », concluent les chercheurs.

« Nous pensons que [l’insomnie] devrait faire l’objet d’un dépistage et que les patients devraient être sensibilisés à l’importance du sommeil, car de nos jours, l’insomnie n’est plus une maladie le manque de sommeil pourrait aussi être un choix de vie », a déclaré la Dre Dean lors d’une conférence de presse organisée avant le congrès.

« Les cliniciens doivent sensibiliser les patients à l’importance du sommeil pour le maintien d’un cœur sain et encourager une bonne hygiène du sommeil », a répété la Dre Dean dans un courriel adressé à theheart.org | Medscape Cardiology.

« Et si un patient souffre toujours d’insomnie, d’autres méthodes doivent être envisagées, comme la thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie (TCC-I). »

Une étude qui vient renforcer les preuves croissantes

Cette étude ne permet pas de savoir si le traitement de l’insomnie réduit le risque de crise cardiaque, a noté la Dre Jennifer L. Martin, présidente de l’American Academy of Sleep Medicine (AASM), dans un courriel adressé à theheart.org | Medscape Cardiology.

Elle ne rend pas non plus compte de la diversité des participants à l’étude, puisque l’insomnie est également un problème d’équité en matière de santé, a-t-elle noté, et que les symptômes et les comorbidités de l’insomnie ont été auto-déclarés.

Cependant, cette analyse « s’ajoute aux preuves croissantes qu’un sommeil de mauvaise qualité ou insuffisant est associé à une mauvaise santé », a déclaré la Dre Martin, professeure de médecine à la David Geffen School of Medicine de l’UCLA (Los Angeles, États-Unis). Elle n’a pas participé à cette recherche.

L’étude renforce la recommandation de l’American Heart Association, qui inclut le « sommeil sain » parmi les « 8 essentiels de la vie » pour la santé cardiaque, a noté la Dre Martin.

« En particulier dans le cadre des soins primaires, où la prévention des maladies et la promotion de la santé sont importantes, les cliniciens devraient interroger tous les patients sur leur sommeil - tout comme ils le font pour l’alimentation et l’exercice physique - comme un aspect essentiel du maintien de la santé cardiaque », a-t-elle déclaré.

Des conseils sur l’hygiène de base du sommeil constituent une première étape, a-t-elle noté.

Lorsque l’amélioration de l’hygiène du sommeil ne suffit pas à traiter l’insomnie chronique, les directives de pratique clinique de l’American Academy of Sleep Medicine et les directives du Département de la défense et des anciens combattants, recommandent un traitement de première intention avec la TCC-I, généralement proposée par un spécialiste du sommeil ou un clinicien en santé mentale.

De même, l’American College of Physicians suggère que les somnifères soient réservés à une utilisation à court terme chez les patients qui ne bénéficient pas suffisamment de la TCC-I.

Dormir trop peu ou trop, tout aussi néfaste

« Des études ont montré que l’insomnie et le manque de sommeil qui s’ensuit soumettent l’organisme à un stress », a déclaré la Dre Dean. « Cela déclenche la libération de cortisol qui pourrait accélérer l’athérosclérose » et augmenter le risque d’infarctus.

Pour cette analyse, les chercheurs ont identifié neuf études d’observation, publiées de 1998 à 2019, avec des données sur les IM incidents chez les adultes qui souffraient d’insomnie.

Le diagnostic d’insomnie était basé sur les codes de diagnostic de la CIM ou sur le DSM-5, qui définit l’insomnie comme la présence de l’un des trois symptômes suivants : difficulté à initier le sommeil, difficulté à maintenir le sommeil, ou réveil matinal précoce avec incapacité à se rendormir.

Les patients souffrant d’apnée du sommeil ont été exclus.

Les études ont été menées auprès de populations en Chine, en Allemagne, en Norvège, à Taiwan, au Royaume-Uni et aux États-Unis, auprès de 1,1 million d’adultes âgés de 18 ans et plus.

Les patients avaient un âge moyen de 52 ans et 13 % souffraient d’insomnie.

Au cours du suivi, 2 406 des 153 881 patients souffrant d’insomnie et 12 398 des 1 030 375 patients sans insomnie ont subi un infarctus.

Dans l’analyse groupée, les patients insomniaques présentaient un risque significativement plus élevé d’infarctus (risque relatif [RR] 1,69, P < 0,00001), après ajustement pour l’âge, le sexe, le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie et le tabagisme.

Dormir 5 heures ou moins était associé à un plus grand risque d’infarctus que dormir 6 heures, ou 7-8 heures, mais dormir 9 heures ou plus était tout aussi nocif.

Tableau. Risque d’infarctus du myocarde en fonction de la durée du sommeil

Durée du sommeil (heures/nuit)

Risque relatif d'infarctus du myocarde

P value

≤ 5 vs 6

1,38

< 0,00001

≤ 5 vs 7-8

1,56

< 0,00001

≤ 5 vs ≥ 9

1,04

0,57

6 vs 7-8

1,14

0,0002

6 vs ≥ 9

0,75

< 0,00001

7-8 vs ≥ 9

0,67

0,67

 

Les patients qui avaient des difficultés à initier et à maintenir le sommeil  deux symptômes de l’insomnie  avaient un risque accru de 13 % d’IM par rapport aux autres patients (RR = 1,13, P = 0,003).

Cependant, les patients qui avaient un sommeil non réparateur et un dysfonctionnement diurne malgré un sommeil adéquat  ce qui est courant  n’avaient pas un risque accru d’infarctus du myocarde par rapport aux autres patients (RR = 1,06, P = 0,46).

Les femmes insomniaques présentaient un risque d’infarctus du myocarde 2,24 fois plus élevé que les autres femmes, tandis que les hommes insomniaques présentaient un risque d’infarctus du myocarde 2,03 fois plus élevé que les autres hommes.

Les patients souffrant d’insomnie présentaient un risque d’infarctus plus élevé que ceux qui n’en souffraient pas dans les sous-groupes basés sur l’âge des patients (< 65 et > 65), la durée du suivi (≤ 5 ans et > 5 ans) et les comorbidités (diabète, hypertension et hyperlipidémie).

 

Financements et liens d’intérêts
Les auteurs ne signalent aucune relation financière pertinente.

 

Cet article a initialement été publié sur Medscape.com Insomnia, Short Sleep Linked to Greater risk for MI. Traduit et adapté par Mona El-Guechati.

 

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