Lancement d’une plateforme d’aide psychologique pour les déplacés ukrainiens

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

6 mars 2023

France – Presque 8 millions d‘Ukrainiens, majoritairement des femmes et des enfants traumatisés par la guerre, arrivent depuis un an dans des pays européens. Ces derniers n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour prendre en charge les troubles mentaux déclenchés par les expériences traumatiques d’enfants et d’adultes réfugiés.

C’est pourquoi un an après le début de la guerre, la Fondation FondaMental lance « Écoute Psy Ukraine – Aide psychologique aux personnes temporairement déplacées d’Ukraine » ayant pour vocation d’apporter une aide et un soutien psychologique aux plus de 110 000 victimes de la guerre accueillies en France. L’initiative bénéficie du soutien du Groupe Dassault et est le fruit d’un partenariat avec l’association Écoute Ukraine et les start-ups Humans Matter et Aliae.

Atténuer les effets des traumatismes

« La guerre en Ukraine est un traumatisme de masse qui entraîne une perte de repères importante pour toute une communauté dont la routine est brisée et qui a été exposée à des situations très violentes », a rappelé la Pre Marion Leboyer, directrice générale de la Fondation FondaMental, en introduction à la présentation de la plateforme [1].

« Les troubles liés au trouble de stress post-traumatique (TSPT), surtout s’ils sont mal, trop tardivement ou non pris en charge, ont et auront un impact sévère sur la santé et la qualité de vie des personnes déplacées et ce, à long terme. Il est donc essentiel d’informer des conséquences de ces traumatismes sur la survenue de troubles mentaux, et de faciliter leur dépistage et leur prise en charge, a complété le Pr Wissam El-Hage, expert du stress posttraumatique, responsable du centre régional de psychotraumatologie de Tours. On sait même, de par les expériences précédentes, que le soutien social est protecteur vis-à-vis du développement de ces TSPT ».

D’où la naissance du projet « Ecoute Ukraine » pour proposer des outils aux personnes déplacées afin, d’une part, de répondre à leurs besoins les plus immédiats et, d’autre part, d’atténuer les effets des traumatismes et prévenir l'apparition de symptômes neuropsychologiques liés à des conditions de stress prolongé.

Une plateforme gratuite et un chat bot en ukrainien

Le projet s’articule en deux parties. Premièrement, la création d’Écoute Psy Ukraine, une plateforme d’aide aux personnes déplacées pour faciliter la compréhension et la gestion des troubles neuropsychologiques associés au syndrome de stress post-traumatique (troubles anxieux, troubles dépressifs...).

Cette plateforme, entièrement bilingue français-ukrainien, a pour but de répondre aux besoins de base de toute personne qui a fui son pays (où se loger, comment manger, trouver de l’argent, contacter des compatriotes, etc).

Puis quand arrive l’heure des constats, celle où l’on prend conscience des dégâts pour soi et pour ses proches, des pertes, et des conséquences psychologiques pour soi, la plateforme offre la possibilité de s’évaluer, a expliqué la Dr Coraline Hingray (psychiatre, Responsable du centre psychotrauma de Lorraine sud, Besançon). En cliquant sur les items tels que « je suis sous le choc », « je me sens triste, déprimé(e) », « je souffre de la perte de quelqu’un », l’internaute va « comprendre et donner du sens à ses symptômes ».

Les informations sur le ressenti notamment des réfugiés ont vocation à être très rassurantes et déstigmatisantes. « Cela permet de se dire « je ne suis pas folle, ce que je ressens d’autres le ressentent aussi » » complète-t-elle.

 

A ce titre, la plateforme dispose de plus d’une centaine de ressources structurées selon des thématiques (gestion des émotions, deuil,…) et accessibles dans les deux langues, a précisé Franck Tarpin-Bernard, directeur général délégué de Humans Matter.

Autre outil à disposition des réfugiés, une IA (Intelligence Artificielle) conversationnelle conçue avec des experts de la santé mentale qui discute sur un mode empathique avec ses interlocuteurs.

« C’est un peu comme parler à un professionnel de santé qui serait disponible au quotidien », fait valoir Philippe Jolivet, co-fondateur de la startup Aliae. Ce dialogue, instauré en format texto/SMS sur une application qui leur est familière (Telegram), permet de lutter contre les conséquences des traumatismes de guerre, en proposant des liens vers la plateforme psy Ukraine et des conseils adaptés, y compris à destination des enfants.

Passer d’un état de sidération à une mise en action

L’idée derrière la création de ces 2 outils est « d’accompagner les réfugiés sur le chemin pour avancer, de leur donner des clés pour aller vers plus de sérénité et vers une reconstruction ».

Concrètement, cela peut passer par des exercices de relaxation, de sophrologie, pour lutter contre les insomnies, des modules pour parler du deuil à ses enfants.

Enfin, l’application et le chat bot sont aussi à même, quand cela est nécessaire, d’inciter à consulter et d’orienter vers des médecins ou des psychologues.

Au final, ce qui a prévalu à la création de ces outils est de permettre aux déplacés « de passer d’un état d’impuissance, de sidération à une mise en action, un empowerment », a résumé Coraline Hingray.

 
Permettre aux déplacés de passer d’un état d’impuissance, de sidération à une mise en action, un empowerment.
 

 

 

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