Fibrose pulmonaire idiopathique : les points clés des nouvelles recommandations

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

6 mars 2023

Marseille, France – Depuis les précédentes recommandations françaises publiées en 2017, les connaissances concernant la fibrose pulmonaire idiopathique ont tellement évolué qu’une actualisation s’imposait, détaillée en session plénière au 27e Congrès de pneumologie de langue française (CPLF 2023)[1].

Dr Elodie Blanchard

Ce nouveau texte tient compte des progrès obtenus en termes de critères diagnostiques radiologiques, d’identification des facteurs de risque d’exacerbation, de prise en compte des comorbidités dont la dénutrition, la fragilité et l’emphysème ainsi que l’appréciation du risque de cancer bronchique. Présentation et décryptage de la Dr Elodie Blanchard (service de pneumologie, CHU Bordeaux).

Deux traitements spécifiques antifibrosants

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est la forme la plus fréquente de pneumopathie interstitielle diffuse idiopathique chronique de l’adulte. Cette maladie irréversible et progressive émaillée d’éventuelles exacerbations aiguës au sombre pronostic se caractérise par un excès de fibroblastes et de matrice extracellulaire dans le poumon et est circonscrite à celui-ci.

La prévalence de cette maladie rare est estimée à 8,2 /100 000 habitants, ce qui représente 5500 personnes en France. Son incidence est de 1800 nouveaux cas par an. La FPI apparaît rarement avant l’âge de 50 ans et le sexe-ratio hommes/femmes est de 1,5 à 1,7.

Le diagnostic et la prise en charge reposent sur le réseau OrphaLung (filière maladies rares RespiFil) avec un centre de référence, des centres constitutifs et des centres de compétences [2].  

Deux traitements spécifiques antifibrosants per os sont disponibles en France, dont l’objectif est de ralentir le déclin de la fonction respiratoire : la pirfénidone (génériquée) et le nintédanib. La pirfénidone est phototoxique. Pour les deux antifibrosants, les principaux effets indésirables rapportés sont une cytolyse hépatique à surveiller, ainsi qu’un amaigrissement et des troubles digestifs.

« Ces thérapeutiques sont à l’origine de symptômes digestifs dans 65 % des cas (principalement dans les 6 premiers mois de traitement), comme les diarrhées, le manque d’appétit, à l’origine d’une perte de poids et de masse musculaire, ce qui peut conduite à une restriction des activités sociales, un déconditionnement à l’effort, et participer à  la dyspnée…, pointe la Dr Elodie Blanchard, membre du groupe de travail des recommandations publiées en 2022 et coordonnées par le Pr Vincent Cottin (Lyon).

Pour cette raison, une prise en charge nutritionnelle et une activité physique adaptée sont indispensables ». En cas de progression sous traitement antifibrosant, la meilleure stratégie thérapeutique de switch d’antifibrosant ou de combinaison n’est pas connue.

L’étude en cours PROGRESSION-IPF (PHRC) a pour objectif de répondre à cette question. 

Des pistes de recherche sont prometteuses. Un inhibiteur de phosphodiestérase 4 est en cours d’évaluation (essai clinique phase III). 

Quand penser à la FPI ?

Le diagnostic de FPI doit être envisagé devant tout patient qui présente une dyspnée d’effort d’installation progressive, chronique, une toux non productive, des râles crépitants secs bilatéraux (râle velcro) aux bases et/ou un hippocratisme digital (50 % des cas), ce tableau survenant de manière inexpliquée. Une exacerbation aiguë peut, dans de rares cas, être l’élément révélateur de la FPI.

En effet, les patients entrent le plus souvent dans la pathologie avec un symptôme respiratoire - toux ou dyspnée. La toux chez une personne avec une FPI doit faire rechercher une progression de la maladie, une infection ou un éventuel reflux gastro-œsophagien (RGO) qui est une comorbidité fréquente.

En l’absence de diagnostic différentiel, la toux peut être imputée à la maladie elle-même et doit être soulagée. Elle est très souvent réfractaire aux traitements spécifiques de la fibrose. Hyperréactivité bronchique, distension, encombrement... les mécanismes impliqués sont multiples, d’où la préconisation d’essayer la corticothérapie inhalée, parfois la corticothérapie systémique à faible dose, la kinésithérapie de drainage bronchique jusqu’aux dérivés morphiniques (exemple de la codéine) à faible dose.

Oxygénothérapie et réhabilitation respiratoire

Un autre symptôme inaugural et qui altère la qualité de vie est la dyspnée, à l’effort puis, progressivement, au repos. L’oxygénothérapie peut aider lorsque la dyspnée s’accompagne d’une désaturation.

L’une des recommandations stipule que l’oxygénothérapie de déambulation est possible chez un patient ayant un diagnostic confirmé de FPI et présentant une désaturation d’exercice < 80 % ou une désaturation d’exercice < 85-89 % associée à une dyspnée d’effort importante ou à une limitation à l’exercice s’améliorant sous oxygène.

Il est par ailleurs possible de prescrire une oxygénothérapie de longue durée au moins 15h par jour en cas de FPI avec insuffisance respiratoire chronique grave, définie par une PaO2 ≤ 55 mmHg (7,3 kPa) au repos ou SpO2 ≤ 88 % en oxymétrie de pouls, ou une PaO2 comprise entre 56-60 mmHg (7,3 8 kPa) au repos ou SpO2 ≤ 89 % en présence d’au moins l’un des critères suivants : polyglobulie (hématocrite > 55 %), signes d’hypertension pulmonaire, signes documentés d’insuffisance cardiaque droite, désaturations nocturnes non apnéiques.

« Particulièrement en cas d’altération de la qualité de vie, de limitation à l’effort, souvent associées à de l’anxiété, la réhabilitation respiratoire est à proposer car souvent bénéfique, assure la pneumologue. Un soutien psychologique et l’éducation thérapeutique également. Parmi les mesures générales, on citera la vaccination (pneumocoque, grippe, SARS-CoV2 pour prévenir les infections pouvant décompenser la maladie), l’activité physique du fait d’une part de déconditionnement à l’effort dans la dyspnée ressentie, la nutrition, le soutien aux aidants, ainsi que la rédaction de directives anticipées et l’éventuel recours aux équipes de soins palliatifs pour gérer les symptômes et/ou la fin de vie. 

Point très important, la demande d’Affection Longue Durée, au titre de l’ALD 14 Insuffisance Respiratoire ou de celle Maladie Rare (ALD 31), doit être demandée et appliquée dès l’établissement du diagnostic, les traitements étant très coûteux. »

 
Point très important, la demande d’Affection Longue Durée, au titre de l’ALD 14 Insuffisance Respiratoire ou de celle Maladie Rare (ALD 31), doit être demandée.
 

Prendre en charge les fréquentes comorbidités

Du fait du profil des patients souffrant de FPI, les comorbidités sont fréquentes, principalement cardiovasculaires (cardiopathies ischémiques, diabète, etc.), anxiodépressives, nutritionnelles (dénutrition), mais également respiratoires avec le syndrome des apnées du sommeil, sans oublier l’emphysème majoritairement en lien avec un passé et/ou un présent tabagiques (le tabac est probablement un élément favorisant).

« La présence d’un emphysème modifie la présentation clinique de la FPI, indique la Dr Blanchard, avec la dyspnée au premier plan, des explorations fonctionnelles respiratoires faussement rassurantes, une modification de l’aspect scannographique du fait de la coexistence de lésions d’emphysème et de fibrose, et une plus forte prévalence de l’hypertension pulmonaire dans ces syndromes appelés "emphysème-fibrose". »

L’hypertension pulmonaire, qui est déjà une complication fréquente de la FPI (10 % au diagnostic 30-45 % au moment du bilan pré-greffe) est encore plus souvent retrouvée en cas de syndrome emphysème-fibrose (Pré-capillaire : PAPm > 20 mmHg PAPO ≤ 15 mmHg R ≥ 3 Uwoods ; Sévère si PAPm ≥ 35 mmHg ou ≥ 25 mmHg et IC < 2 L/min/m2).

Elle est le plus souvent liée à l’hypoxémie et le principal traitement sera donc la correction de l’hypoxémie de repos et d’effort par l’oxygénothérapie. Cependant, d’autres mécanismes peuvent être associés nécessitant le recours à des équipes expertes dans la prise en charge de l’hypertension pulmonaire, souligne-t-elle, avec une exception lorsqu’un cathétérisme pulmonaire droit s’avère pertinent. »

Le pronostic oncologique grevé par la présence de la FPI

Quant au cancer broncho-pulmonaire, la fréquence dans la population des patients avec une FPI est élevée, justifiant une surveillance scannographique annuelle.

Une méta-analyse [3] ajustée pour l’âge, le sexe et le tabagisme a compilé 25 cohortes (11 976 personnes dont 1854 avec FPI). La prévalence du cancer broncho-pulmonaire était de 13,7 % (IC 95 % : 10,2 à 17,3 %) au cours de la FPI, l’incidence de 6,4 % et l’incidence annuelle de 1,8 personne-année, ces chiffres étant plus élevés dans les populations asiatiques.

« Prendre en charge un cancer bronchopulmonaire chez un patient atteint de FPI est bien particulier, explique Elodie Blanchard, et nécessite des adaptations diagnostiques et thérapeutiques. Car chez les personnes dont la fonction respiratoire est précaire, la stratégie diagnostique du cancer qui comporte souvent une fibroscopie ou une ponction sous scanner peut s’avérer plus périlleuse et est parfois contre-indiquée. De plus, la chirurgie thoracique et la radiothérapie sont des procédures à risque d’exacerbation. La stratégie thérapeutique doit donc être discutée en RCP et, si besoin, en RCP nationale Cancer et pneumopathie interstitielle diffuse. »

 
Prendre en charge un cancer bronchopulmonaire chez un patient atteint de FPI est bien particulier.
 

L’exacerbation aigüe est, en effet, une complication redoutable. Celle-ci peut être déclenchée par une infection ou une procédure diagnostique. La détérioration respiratoire aiguë sans cause parenchymateuse (type embolie pulmonaire) est rapide, et de mauvais pronostic avec une mortalité à trois et quatre mois estimée aux alentours de 50 %.

A ce propos, des experts français ont démontré en 2022 dans l’essai EXAFIP [4] publié en 2022 qu’il ne fallait plus utiliser de cyclophosphamide intraveineux en cas d’exacerbation aiguë, en plus des corticoïdes. L’essai EXAFIP 2, qui débutera en 2023, évaluera la corticothérapie versus placebo dans les exacerbations aiguës au cours de la FPI.

En résumé, pour limiter autant que possible la survenue des complications de la FPI, il convient de « corriger l’hypoxémie de repos et d’effort, liste la Dr Blanchard, prévenir les infections respiratoires par la vaccination et les mesures barrières, éviter les situations associées au risque d’exacerbation (chirurgie thoracique, radiothérapie) et proposer les médicaments antifibrosants ; le nintédanib ayant montré qu’il retardait la survenue de la première exacerbation. »

 
Corriger l’hypoxémie de repos et d’effort, prévenir les infections respiratoires par la vaccination et les mesures barrières, éviter les situations associées au risque d’exacerbation (chirurgie thoracique, radiothérapie) et proposer les médicaments antifibrosants.
 

Pour en savoir plus :

- Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) Fibrose pulmonaire idiopathique :

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3278607/fr/fibrose-pulmonaire-idiopathique

- Conseils pour l’accompagnement médico-social :

Vivre avec une maladie rare en France /Aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants) :

https://www.orpha.net/orphacom/cahiers/docs/FR/Vivre_avec_une_maladie_rare_en_France.pdf

- Soutien des aidants :

https://solidarites.gouv.fr/agir-pour-les-aidants

- Association Fibroses Pulmonaires France :

 https://www.asso-fpf.com

 

La Dr Elodie Blanchard déclare les liens d’intérêt suivant en rapport avec la présentation : Laboratoires Boehringer Ingelheim, Roche

 

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