
Pr Paul G. Auwaerter
Les infections capables de décimer des populations entières ont depuis longtemps inspiré les auteurs de science-fiction. L’épidémie de Covid vient d’une certaine façon de leur redonner du crédit. Dans ce contexte, le Pr Paul G. Auwaerter, spécialiste en infectiologie à la fac de médecine Johns Hopkins (Baltimore, Maryland) a récemment consacré son blog vidéo publié sur le site de Medscape.com à la série événement « The last en us » diffusée sur la chaine américaine HBO (visible en France sur la chaine de streaming d’Amazon depuis janvier 2023). En résumé, dans un futur proche, le monde que nous connaissons n’existe plus. Une épidémie dévastatrice – due à un champignon – a transformé la plupart des Terriens en zombies et seule une poignée de survivants demeure. Si cette vision postapocalyptique relève de la fiction, l’hypothèse de la propagation fongique n’est pas sans rappeler à l’infectiologue un article scientifique récent publié dans la très sérieuse revue JAMA. Si cette accroche a suscité votre curiosité, lire ci-dessous la transcription en français de son blog pour en savoir plus. SL
Baltimore, Etats-Unis – Bonjour, je suis le Dr Paul Auwaerter, merci d’être avec nous sur Medscape, nous allons parler des maladies infectieuses. Récemment, j’ai remarqué que les divertissements s’inspirant du thème des pandémies étaient encore très populaires en 2023 malgré le virus du SARS-CoV-2 qui circule parmi nous depuis un certain temps.
Je suis un cinéphile depuis bien longtemps, et si l’on regarde en arrière, on dénombre plus d’une centaine de films, de séries ou autres types de divertissement qui ont utilisé ce dispositif dans le cadre de leur narration.
Le romancier américain Sinclair Lewis a publié dans le milieu des années 1920 le roman Arrowsmith, qui met en scène un médecin et chercheur idéaliste qui se rend aux Antilles et affronte la peste bubonique. Une adaptation cinématographique est sortie en 1931. Ce film a reçu quatre nominations aux Oscars et vaut toujours la peine d’être regardé, surtout si vous n’avez pas envie de lire ce genre de roman classique.
Lorsque j’étais enfant, le film La menace d’Andromède (The Andromeda Stain) tiré du livre de Michael Crichton me fascinait. Ici, l’histoire est un peu différente. Il ne s’agit d’un micro-organisme extraterrestre qui menace la planète.
Plus récemment, deux films de cette veine ont été appréciés par la critique et le public. Il s’agit d’Alerte ! (Outbreak) est un film de 1995 avec Dustin Hoffman sur un virus de type Ebola qui apparait dans une petite ville de Californie. Et, le film Contagion, sorti en 2011 a également eu du succès. Il s’agit d’un film sur une infection hautement mortelle, avec Matt Damon et Gwyneth Paltrow, entre autres.
La plupart de ces histoires ont utilisé des virus, principalement parce qu’ils se répandent rapidement. C’était le cas d’une mini-série diffusée il y a deux ans, Station Eleven, dans laquelle un virus éliminait 99 % de la population. Bien que ce ne soit pas la définition d’un virus prospère pour la plupart d’entre nous, cela a néanmoins donné lieu à une bonne fiction.
Le dernier blockbuster pandémique
Mais le divertissement qui m’a inspiré cette vidéo est The Last of Us, une série télévisée qui vient de débuter en janvier 2023 et qui est un peu différente des autres. La série capte l’attention du public dès le début, du moins si vous vous intéressez aux maladies infectieuses (bande annonce).
La première scène s’ouvre sur une émission de télévision datant de 1968, dont le modèle ressemble à un épisode du « Dick Cavett Show », avec deux scientifiques et un modérateur. En raison de l’année à laquelle il se déroule, on peut penser à la grippe de Hong Kong.
Les invités discutent du potentiel d’une pandémie, l’un d’eux estimant que le virus de la grippe A/H1N1 serait le principal coupable, tandis que l’autre scientifique affirme qu’un champignon en serait la cause, bien que quelque peu improbable. Cette affirmation est accueillie avec un certain scepticisme par les autres invités. Cependant, le scientifique pense qu’un tel champignon pourrait infecter une personne et se traduire par une forme de contrôle de l’esprit.
Il s’est inspiré de la psilocybine, un composé psychédélique plus connu sous le nom de champignon hallucinogène, qui est, bien évidemment, un mycène. Le scientifique propose qu’un autre champignon puisse exercer le même effet sur les personnes.
Pour appuyer ses propos, le scientifique présente le concept très étrange de l’ Ophiocordyceps , un champignon qui peut infecter les fourmis, modifier leur comportement et les transformer en ce qu’on appelle parfois des « fourmis zombies ». Il y a donc une certaine réalité dans la nature pour cette entité particulière.
La série se déplace ensuite vers ce qui semble être l’époque actuelle à Chicago, où une épidémie rapide et apparemment mortelle a été causée par un champignon appelé « Cordyceps », qui en réalité n’infecte pas les humains, du moins à notre connaissance.
Ce champignon est généralement observé dans les climats chauds. Mais dans la série, ce champignon infecte apparemment de nombreuses personnes, produisant à leur tour des comportements de type zombie, etc.
Un écho étrange dans la littérature récente
Avec cette série à l’esprit, j’ai trouvé quelque peu étrange de prendre un exemplaire du JAMA et d’y trouver un bel article de Rita Rubin sur le Candida auris .
Ce champignon pathogène pose plusieurs problèmes, car il est souvent très résistant et a tendance à se propager dans les services hospitaliers. La plupart des personnes, même si elles sont colonisées par ce champignon, sont asymptomatiques, mais elles peuvent développer une infection invasive.
Les taux de mortalité ont atteint jusqu’à 60 %. De graves inquiétudes ont été exprimées car certains isolats sont hautement résistants, notamment au fluconazole, et même jusqu’à 5 % aux échinocandines.
L’État du Nevada connaît une épidémie de Candida auris depuis 2021. Plusieurs établissements ont eu des problèmes, et certains dépistent l’agent pathogène chez les patients à haut risque pour aider à prévenir les épidémies.
Bien que Candida auris ne provoque certainement pas un comportement de type zombie, je pense que cela reste quelque chose de très préoccupant. Bien sûr, cela peut être dû à l’utilisation agricole et humaine des antifongiques azolés dans les années passées, mais il a toujours été un peu difficile de le distinguer des autres espèces de Candida. Néanmoins, désormais, on y prête plus attention.
Je ne sais pas si vous regardez ce type de séries ou des films ayant pour objet les pandémies. Vous avez peut-être eu votre compte. Mais cette série particulière, The Last of Us, utilise cette toile de fond pour approfondir nos questionnements sur la nature humaine et les conflits plutôt qu’elle ne décrit la lutte contre la pandémie, en soi.
Il est certain que le sujet d’une infection fongique pose des défis pour l’avenir et pour le contrôle de ces infections difficiles.
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Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé 'The Last of Us': Hit Pandemic Show Is Fantastical but Not Scientifically Baseless. Traduit et adapté par Mona El-Guechati.
Crédit photo de Une : HBO
Medscape © 2023
Citer cet article: The Last of Us : une série fiction non dénuée de fondement - Medscape - 3 mars 2023.
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