Peut-on prévenir l’asthme chez l’enfant à naitre ? Revue de la littérature

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

2 mars 2023

Marseille, France – Contrôle de l’asthme maternel, éviction des acariens, prise de probiotiques, supplémentations vitaminiques… Existe-t-il des preuves solides en faveur de certains comportements chez la femme enceinte pour réduire le risque d’asthme de l’enfant à naître ? Au 27e Congrès de pneumologie de langue française, la Pre Cécile Chenivesse (Service de pneumologie et immuno-allergologie, CHRU de Lille) a répondu, en ne retenant que la littérature scientifique disposant d’un bon niveau de preuve [1].

Quels facteurs de risque ?

Les facteurs de risque de développer un asthme diffèrent selon l’âge. « Lors de la période fœtale, le premier facteur de risque d’asthme chez l’enfant est d’avoir des parents asthmatiques, notamment la mère, affirme la Pre Cécile Chenivesse. Un second facteur important est le tabagisme, de la mère au cours de la grossesse en premier lieu, mais également de l’environnement de la femme enceinte, dont fait partie le père mais pas uniquement ».

L’asthme parental, la fumée de tabac ambiante prénatale et la prématurité (en particulier la naissance très prématurée) sont des facteurs de risque bien établis d’asthme infantile [2]. De plus, les résultats actuels suggèrent des effets causals légers à modérés sur l’asthme infantile de certains comportements ou expositions modifiables pendant la grossesse (prise de poids ou obésité maternelle, utilisation maternelle d’antibiotiques ou de paracétamol et stress maternel), durant la période périnatale (accouchement par césarienne) ou au cours de la vie postnatale (infection grave par le virus respiratoire syncytial, surpoids ou obésité, exposition intérieure à des moisissures ou à des champignons et pollution de l’air extérieur). Tout cela demande à être confirmé par des études interventionnelles ou du moins par des études prospectives bien conçues. 

Prendre des corticoïdes inhalés pendant la grossesse

Contrôler l’asthme maternel peut-il prévenir l’asthme ? « Oui, affirme la Pre Chenivesse. Prendre des corticoïdes inhalés (CSI) précocement et bien contrôler l’asthme pendant la grossesse (sans se limiter aux CSI d’ailleurs) réduit la survenue d’un asthme chez l’enfant [3].

Il est logique de penser que l’exposition pendant la vie fœtale à une inflammation de type Th2 puisse constituer un facteur de survenue d’un asthme. Une étude australienne monocentrique randomisée contrôlée en double aveugle, menée chez 179 des femmes recrutées avant 22 SA confirme que le traitement de l’asthme guidé par la mesure de la fraction exhalée du monoxyde d’azote (FeNO ; marqueur de l’inflammation éosinophilique) pendant la grossesse réduit l’incidence de l’asthme chez l’enfant, entre 4 et 6 ans (140 enfants ; 36 % d’asthmatiques) [4]. Déjà, cette étude dégage un effet protecteur des corticoïdes inhalés pour tous ; ils diminuent le risque d’asthme chez l’enfant. »

Au final, les patientes incluses dans le groupe FeNO ont eu une introduction et une modification de la dose de CSI beaucoup plus précocement que celles du groupe contrôle. « L’effet bénéfique observé dans le groupe FeNO est essentiellement dû à la rapidité de l’introduction des CSI, ajoute la pneumologue. A la fin de l’étude, il y avait plus de femmes enceintes qui prenaient des CSI et des β2-agonistes de longue durée d’action mais avec une dose plus faible de CSI dans le groupe guidé par la mesure du NO.

En augmentant la fréquence de prise chez ces patientes, on diminue la fréquence de survenue d’un asthme chez les enfants ». La réduction du risque d’asthme entre 4 et 6 ans passe de 43,2 % à 25,9 % (OR= 0,46 (95% : 0,22-0,96). On ne sait pas si cet effet est maintenu à l’âge adulte. 

Tabac, acariens…l’éviction pendant la grossesse joue-t-elle un rôle ?

Très peu de données sur les multi-interventions existent. Une étude de ce type conduite chez 545 enfants à haut-risque (asthme chez un apparenté au 1er degré ou allergie IgE-médiée autre chez 2 apparentés au 1er degré) a mis en place une intervention depuis le dernier semestre de grossesse jusqu’à la 1ère année post-partum (éviction de poussières, sevrage tabagique, allaitement exclusif encouragé et supplémentation avec une formule partiellement hydrolysée) [5].

« Nous n’avons pas de réponse car personne n’a cessé de fumer, regrette Cécile Chenivesse, ni ne s’est séparé de son animal de compagnie. Il reste l’effet de la lutte contre l’exposition aux acariens. La diminution à l’âge de 1 an du risque d’asthme est légère (15,1 % contre 20,2 % ; OR : 0,66 (90%IC : 0,44-0,98), et se maintient à l’âge de 2 et 7 ans (diminution du risque de 14,9 % contre 23 % dans le groupe contrôle à 7 ans).

La spécialiste en déduit que « dans les situations à risque, il faut préconiser l’éviction des acariens pendant la grossesse et l’allaitement (exclusif ou associé à une formule partiellement hydrolysée), au regard de la littérature [6]. » 

Quid de la vitamine D ?

Une supplémentation en vitamine D pendant la grossesse réduit-elle le risque d’asthme chez l’enfant ? « On ne sait pas, reconnaît Cécile Chenivesse. Difficile en effet de conclure sur ce chapitre des vitamines, A, D, E, etc. car les études disponibles sont essentiellement des études de cohorte ou des cas-contrôles. » Une méta-analyse ayant compilé 14 études de ce genre (23 030 paires mère/enfant ; 2073 asthmes incidents) retrouve une association positive entre une alimentation riche en vitamine D et un plus faible risque d’avoir un enfant avec des sifflements persistants ou un asthme (OR : 0,78 :95%CI : 0,69-0,89 ; p 0,002) [7].

Mais de là à conclure à l’intérêt d’une supplémentation en vitamine D dans l’optique de réduire le risque d’asthme chez le futur enfant, la spécialiste se garde de franchir le pas.

Et autres vitamines ?

« La supplémentation en vitamine A pendant la grossesse est associée à un risque accru d’asthme chez l’enfant indique une étude récente », indique la pneumologue [8]. Un excès de vitamine A (≥ 2,5 fois l’apport recommandé) pendant la grossesse était associé à un risque accru, tandis qu’un apport en vitamine D proche des recommandations était associé à un risque réduit d’asthme chez les enfants d’âge scolaire. En revanche, rien ne suggère des effets antagonistes des vitamines A et D avec des apports élevés des deux nutriments. 

Quant à la prise de vitamine D et E pendant la grossesse et chez l’enfant, une étude longitudinale de 1924 enfants nés de femmes recrutées pendant la grossesse apporte des éléments de réponse [9]. Les apports maternels en vitamine D et E pendant la grossesse ont été évalués et des questionnaires respiratoires ont été remplis par les enfants à l’âge de 10 ans. 

Les analyses longitudinales ont inclus des données recueillies à 1, 2, 5 et 10 ans. Les auteurs concluent que de faibles apports maternels en vitamines D et E pendant la grossesse sont associés à un risque accru d’asthme chez les enfants au cours des 10 premières années de vie.

Quid des probiotiques ?

 « Si l’administration prénatale de probiotiques est intéressante sur le plan conceptuel, une méta-analyse n’a retrouvé aucune association positive, et même une association négative dans certaines études [10], fait remarquer l’oratrice.

Par conséquent, aucun conseil ne peut être donné à ce jour. » Les auteurs de la méta-analyse concluaient que l’administration prénatale et/ou précoce de probiotiques (Lactobacillus acidophilus) réduisait le risque de sensibilisation atopique et diminuait le taux d’IgE totales chez les enfants, mais ne pouvait pas réduire le risque d’asthme/respiration sifflante. Les futurs essais sur la prévention de l’asthme devront sélectionner avec soin la souche probiotique et envisager un suivi plus long.

Quelle efficacité des oméga 3 ?

« Il en existe probablement une, mais plutôt chez les femmes carencées en acides gras polyinsaturés longue chaîne, tempère Cécile Chenivesse.

La seule étude interventionnelle portant sur l’alimentation au cours de la grossesse et son impact sur le risque d’asthme chez le futur enfant a recruté 736 femmes enceintes à 245 semaines de grossesse [11]. Celles-ci ont reçu soit 2,4 g d’acide gras polyinsaturés à longue chaîne oméga 3 (huile de poisson) soit un placebo (huile d’olive). D’après les résultats chez 695 enfants, la supplémentation en huile de poisson réduit bien le risque d’asthme (sifflements persistants ou asthme) à 3 ans, de 16,9 % contre 23,7 % soit une diminution du risque d’environ 30 %.

Mais si la supplémentation en AGPI-LC n-3 au troisième trimestre de la grossesse abaisse le risque absolu de respiration sifflante persistante ou d’asthme et d’infections des voies respiratoires inférieures chez la progéniture, « en creusant l’étude, on se rend compte que cet effet bénéfique est réel mais n’est retrouvé que chez les femmes carencées, aux taux les plus bas en acides gras polyinsaturés (EPA et DHA). Ce serait la correction de cette carence qui réduirait le risque d’asthme. »

 

Le Pr Chenivesse déclare des liens d’intérêt avec la présentation :
Bourses de recherche de Santelys et Novartis
Honoraires de ALK-Abello, AstraZeneca, Boehringer-Ingenheim, Chiesi, GSK, Sanofi-Regeneron
Invitations congrès : AstraZeneca, Novartis, Boehringer-Ingenheim

 

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