POINT DE VUE

Fibrillation atriale et insuffisance rénale, quel traitement anticoagulant choisir ?

Pr Ph Gabriel Steg

Auteurs et déclarations

16 mai 2023

France __ Bonjour. Je voudrais vous parler d’insuffisance rénale et d’anticoagulants oraux. Plus spécifiquement de l’utilisation des anticoagulants oraux directs comparés aux antivitamines K dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux emboliques et des embolies systémiques chez les patients en fibrillation atriale.

Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que ces médicaments sont largement utilisés sur la base d’essais randomisés bien connus : RE-LY, ROCKET, ARISTOTLE et, pour l’édoxaban, ENGAGE. Ces essais ont montré que ces médicaments étaient supérieurs aux antivitamines K, soit en termes d’efficacité, soit en en termes de sécurité et, parfois, les deux.

Que faire lorsque la fonction rénale se dégrade ?

Se pose la question de l’utilisation de ces médicaments chez les insuffisants rénaux – la population des gens qui ont une insuffisance rénale est une population âgée où l’insuffisance rénale est prévalente – et que faire lorsque la fonction rénale se dégrade et qu’on va d’une insuffisance rénale légère à une insuffisance rénale moyenne ou sévère ?

Je ne parlerai pas aujourd’hui de l’insuffisance rénale terminale et des hémodialysés, qui posent des problèmes spécifiques. La tentation est grande de réduire les doses lorsque la fonction rénale se dégrade par crainte d’augmenter le risque hémorragique. Qu’avons-nous comme données ?

Une étude coopérative – qui a rassemblé dans un collectif l’ensemble des données individuelles des quatre essais randomisés de grande taille testant ces quatre molécules dabigatran, rivaroxaban, apixaban et édoxaban [vs antivitamines K] : un data set qui s’appelle COMBINE-AF– a étudié plus de 71 000 patients pour nous dire ce qui se passe lorsque la fonction rénale se dégrade.

Anticoagulants versus antivitamines K : quel rapport bénéfice risque ?

Les enseignements sont les suivants : premièrement, cela était attendu, lorsque la fonction rénale se dégrade, le risque tant ischémique qu’hémorragique augmente. Le risque d’AVC ischémique, le risque d’embolie systémique augmente, mais également le risque de saignement et même le risque de mortalité toute cause – cela n’est pas une grande découverte.

Deuxièmement, il y a un bénéfice tant en termes d’efficacité que de sécurité à l’utilisation des anticoagulants oraux directs par rapport aux antivitamines K. Le bénéfice est d’autant plus grand que la fonction rénale est dégradée, c’est une relative surprise qui incite non pas à switcher aux antivitamines K lorsque la fonction rénale s’aggrave, mais, plutôt, au contraire, à tenir à l’utilisation des anticoagulants oraux directs.

Ainsi, plus l’insuffisance rénale est marquée, jusqu’à au moins 15 ml/min, plus le bénéfice est grand.

Il y a un bénéfice tant en termes d’efficacité que de sécurité à l’utilisation des anticoagulants oraux directs par rapport aux antivitamines K.

Il n’est pas toujours intéressant de réduire la dose

Troisièmement, qu’en est-il des doses dans les essais ?

Ce que l’on observe, c’est que lorsque la dose a été réduite, il n’y a pas une réduction du risque hémorragique par rapport à une dose plus grande ou par rapport aux antivitamines K.

En revanche, il y a une certaine perte d’efficacité, de telle sorte qu’il ne faut réduire la dose des anticoagulants oraux directs que lorsque les patients remplissent les critères pré-spécifiés de réduction de dose.

Je rappelle qu’on réduit la dose de rivaroxaban de 20 mg/jour à 15 mg/jour en une prise si la clairance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min et on réduit la dose d’apixaban de 5 mg/jour à 2,5 mg deux fois par jour si et seulement si deux des trois critères suivants sont réunis : âge supérieur à 80 ans, poids corporel inférieur à 60 kg ou créatinine plasmatique supérieure ou égale à 133 mmol/L.

Lorsque ces critères ne sont pas réunis il n’y a pas de bénéfice à réduire la dose des anticoagulants oraux directs et il y a, au contraire, une perte de l’efficacité. Donc, il ne faut pas réduire de façon inappropriée la dose et il ne faut pas switcher vers les antivitamines K.

Il ne faut pas réduire de façon inappropriée la dose et il ne faut pas switcher vers les antivitamines K.

Voilà. Des implications pratiques de données issues de la recherche clinique et des essais randomisés. J’espère qu’elles vous serviront dans votre pratique quotidienne et que ça vous a intéressés.

Merci et à bientôt sur Medscape.

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