France __ Bonjour. Gilles Pialoux, je suis ravi de vous retrouver sur Medscape France aujourd’hui. Je vais essayer de faire un résumé de la conférence CROI, conférence américaine sur le VIH, qui est maintenant une conférence sur les IST, mPox, et la prévention en santé sexuelle. Cette première conférence s’est déroulée en présentiel depuis 2019 à Seattle. Il y avait 3 500 personnes dont 150 étaient en virtuel et 950 abstracts donc il y avait de quoi faire et on va essayer d’être synthétique.
Un mot quand même : masque FFP2 obligatoire et QR code avec deux vaccinations imposées aux gens qui rentraient dans le congrès. Voilà pour le cadre.
Patient de Düsseldorf : "la science pour la science"
Quelque chose qui n’était pas à la CROI mais que vous avez dû voir ou lire sur Medscape, c’est le fameux patient de Düsseldorf : le troisième cas de guérison dite fonctionnelle par une greffe de moelle de cellules souches à partir d’un donneur ayant une double délétion Detla-32 qui rend les cellules imperméable à la pénétration virale par le récepteur CCR5. On connaît la mécanique, le proof of concept, avant c’était le patient de Berlin qui est décédé en 2020, patient ‘’guéri” depuis 12 ans du VIH, c’est le record, et qui avait eu deux greffes de cellules souches, deux irradiations corps total. Enfin, on est dans la science pour la science et ce patient de Düsseldorf rejoint le patient de Londres et celui de Berlin décédé, l’étude n’était pas présentée à la CROI.
Focus sur la PreP et la prise en charge des IST
Alors la CROI a été envahie par la PreP, et les préventions post-exposition la PEP et par la prise en charge des IST.
Voici un état des lieux : 3 850 000 personnes sous PreP dans le monde, PreP orale essentiellement. Ce qui est intéressant de voir ce sont les posters du CDC d’Atlanta qui ont montré les disparités de prescription aux Etats-Unis. Comme vous le savez il y a à la fois le choix entre la PreP orale, par le ténofovir FTC, sous sa forme génériquée, par le TAF qui n’est pas disponible en France et depuis novembre 2021 par les injections de cabotégravir qui sont recommandées et qui ne sont toujours pas disponible en France.
Qu’est-ce qu’on voit ? Une cassure de la prescription de la forme princeps au profit des génériques de l’association de tenofovir FTC et une augmentation très progressive et très modeste, plus chez les femmes, de l’injectable aux États-Unis. Ce qui a été montré aussi, c’est la disparité, aux États-Unis, en fonction notamment du contexte social et de l’ethnie, et l’on voit qu’il y a une augmentation d’accès à la PreP beaucoup plus importante chez les hommes blancs que chez les femmes hispaniques ou noires.
D’autres essais ont été présentés avec le cabotegravrir injectable en prévention, en PreP, chez les hommes et chez les personnes trans avec une très bonne acceptabilité et une efficacité qui est finalement plus importante dû à une meilleure observance qu’avec la forme par comprimé.
C’était la première fois qu’on montrait des résultats de PreP en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en Ouganda sur la PreP chez les adolescents de 12-18 ans. On constate, là aussi, une préférence pour la PreP injectable pour 92 % des participants qui optent pour l’injectable.
L’un des éléments clés a été la communication de l’essai DOXIVAC qui est un essai de prophylaxie post exposition par la doxycycline et par le vaccin anti-méningococcique Bexero, les deux dans le but (c’était une proof of concept qui avait déjà faite aux États-Unis) de prévenir les infections gonococciques émergentes mais surtout à chlamydia trachomatis et à mycoplasma mais aussi à syphilis.
Les résultats sont très significatifs et confortent ce que l’on avait vu : lorsqu’on regarde cette randomisation à quatre bras soit avec doxycycline, soit sans, avec vaccin contre les méningocoques B ou pas de vaccin, on voit une diminution de la résurgence de la syphilis de 79 %, de 89 % pour la chlamydia trachomatis, une baisse moindre pour le gonocoque avec un hasard ratio à 0,49, et pour le mycoplasma genitalium, un HR à 0,55, soit une diminution de 45 %.
Doxycycline, résistance, microbiome...
Une autre étude intéressante est en cours avec notamment des résistances importantes du gonocoque qui montre que la prévention par la doxycycline ne semble pas avoir un impact sur l’émergence de nouvelles résistances.
On a aussi une étude sur le microbiote puisque la question était "est-ce qu’une prophylaxie post exposition par des antibiotiques peut avoir un impact sur le microbiome ?" Il semble que si l’on prend les staphylocoques résistants ou les BLSE, il n’y a pas de différence entre ceux qui sont sous prophylaxie post exposition par la doxycycline et ceux qui ne le sont pas.
Il y avait aussi une étude similaire aux Etats-Unis, DoxyPEP, qui a évalué l'impact éventuel de la doxycycline sur les résistances à 3 germes. On observe une efficacité sur la réduction du gonocoque avec un peu plus de résistance aux tétracyclines, une réduction de 14 % des colonisations à staphylocoque avec une augmentation de 13 % de la résistance au staphylocoque doré et pas de différence de résistance pour les Neisseria commensales.
Parmi les mauvaises nouvelles, une étude menée au Kenya sur la doxycycline en post exposition chez la femme a montré des résultats négatifs sur les différentes IST, ce qui est contradictoire avec les données de pharmaco qui ont été présentées dans le même congrès et qui montrent une diffusion similaire chez l'homme au niveau rectal, et que la femme et une bonne diffusion au niveau vaginal et du col.
Parmi les autres informations, il y a eu les données poolées chez 8 000 femmes sous PreP par prophylaxie pré exposition per os donc par Truvada et avec des données qui corrèlent complètement le niveau d'observance avec l’efficacité.
Syndrome de LEVI
Un nouveau syndrome est né à la CROI, le syndrome de LEVI pour long acting early viral inhibition qui est en fait la surveillance des infections malgré la PreP par injection de cabotegravir. Le niveau des infections est très bas. Dans les essais américains sur plus de 4 500 personnes, on avait six cas. Ces six cas étant analysés car il semble quand même qu'il y a un retard au dépistage lié au fait que les tests antigènes/anticorps sont portés négatifs et qu'ils font donc un dépistage par la PCR.
Le futur de la Prep
Plusieurs cas ont été présentés aussi en poster. Le futur de la PrEP s'annonce. On a un dispositif intra rectal qui ressemble à un suppositoire contenant à la fois du tenofovir sous forme TAF et de l’elvitegravir développé par une firme qui s'appelle Conrad et qui donne de très bons résultats en phase 1 de pharmaco. *
Plus futuriste encore, un ultra long acting implant chez l'animal cette fois-ci, qui permet d’injecter un temps de manière semestriel ou annuel de l’islatravir, c'est un modèle en développement.
Double infection mPox et VIH
Un mot sur mPox. Une très belle étude européenne de Chloé Orkin de Londres réalisée dans 19 pays chez 382 patients infectés par VIH et mPox avec des formes sévères dont trois cas de forme disséminée montre un taux de décès de 57 % chez ces patients qui avaient moins de 350 CD-4.
Vaccin anti-VIH : où en sommes nous ?
Un mot enfin pour finir, sur le vaccin. La recherche vaccinale anti VIH est dans un effet on-off. On a vu les résultats négatifs de l’essai de phase 3 MOSAICo avec des modèles adénovirus (Janssen). Il a été arrêté.
En parallèle, on a eu la communication française d'Yves Lévy sur l'essai de phase 1 ANRS VRI06 avec un nouveau modèle de candidat vaccin (CD40.HIVRI.Env) très intéressant qui cible les cellules dendritiques avec des anticorps anti CD-40 . Il semble y avoir une très bonne réponse immune chez le volontaire sain et on est probablement dans une réécriture des modèles de candidats-vaccins.
Côté antirétroviraux pour finir, on retiendra l’étude du lénacapavir, ce nouvel inhibiteur de la capside du VIH 1 développé par Gilead avec deux anticorps neutralisants à large spectre qui donne des résultats très intéressants.
De même, on se tranquillisera avec les données de la baisse des CD-4 sous islatravir qui semble être très modérée et sans impact pour les doses les plus basses. Il y a une reprise des essais avec cette molécule.
Je vous remercie.
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Citer cet article: PreP, prévention des IST, mpox et vaccin contre le VIH : les nouvelles de la CROI - Medscape - 7 mars 2023.
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