SFD : les points marquants du congrès, avec Jean-François Gautier et Boris Hansel

Pr Jean-François Gautier, Pr Dr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

31 mars 2023

Focus sur le congrès de la Société Francophone du Diabète (SFD) 2023 , avec des avancées dans la prévention du diabète de type 1 et l’avènement d’une boucle pratiquement « totalement » fermée, mais aussi le point sur les complications hépatiques et la personnalisation thérapeutique dans le diabète de type 2. Avec Jean-François Gautier, président de la SFD, et Boris Hansel.

TRANSCRIPTION

Boris Hansel – Comme chaque année, le congrès de la Société Francophone du Diabète (SFD) s’est déroulé en France et a fait le point sur tout ce qui bouge dans le domaine de la diabétologie. Les plus grands experts français étaient là. On va débriefer cela avec le professeur Jean-François Gautier, qui est chef de service de diabétologie à l’hôpital Lariboisière et également président de la SFD. Nous allons parler de sujets qui ont des implications pour la pratique quotidienne et de ce qu’il va falloir faire pour nos patients diabétiques dans les toutes prochaines années. Nous allons aborder 4 thèmes.

Prévention du DT1 avec le téplizumab

Le premier thème est quelque chose d’assez révolutionnaire, et tu vas me dire, Jean-François, si tu confirmes cette appréciation : la prévention du diabète de type 1 (DT1). On connaît bien la prévention du diabète de type 2, mais depuis longtemps on cherche à prévenir également le DT1 chez les personnes à risque. Depuis quelques mois, qu’on a un traitement, le téplizumab, disponible aux États-Unis, en France pas encore. Où en est-on sur ce point, que sait-on de ce traitement et de ce qu’il pourrait faire pour nos patients français ?

Jean-François Gautier – C’est un traitement qui est maintenant autorisé aux États-Unis par la FDA. L’EMA est d’accord dans le traitement précoce du DT1, mais ne l’a pas encore validé en termes de prévention du DT1. Ce qu’on sait, c’est que ces anticorps qui sont dirigés contre les lymphocytes qui vont détruire la cellule bêta qui secrète l’insuline, quand on les administre au bon moment, avant la découverte ou la révélation du diabète, on diminue l’apparition du diabète, on la retarde de deux à trois ans. On voit donc que cela ne traite pas ou ne prévient pas totalement le diabète, mais on comprend que ce type de traitement peut avoir des implications extraordinaires, en particulier chez le tout petit enfant.

Boris Hansel – Et en France, aucune expérience encore avec ces médicaments ? Qu’est-ce qu’on en a dit à la SFD ?

Jean-François Gautier – Non. Les laboratoires Sanofi ont une sorte de contrat, de partenariat, avec la start-up qui a créé ces anticorps, qui sont actuellement disponibles uniquement sous forme intraveineuse, donc très certainement Sanofi va travailler pour avoir une forme plus confortable, sous forme d’injection sous-cutanée. Actuellement, ce sont des injections intraveineuses récurrentes – je ne connais pas le protocole exact, mais, en tout cas, ce n’est pas rien. Donc cela sera probablement un traitement accessible à assez court terme.

Boucle « ultra » fermée : une véritable révolution

Boris Hansel – On va parler maintenant de quelque chose qui est actuel et qui s’envole, si je puis dire, au grand plaisir des diabétologues et des patients : la boucle fermée. On rappelle que la boucle fermée est désormais possible en France, elle est remboursée dans certains cas, avec certains outils technologiques : la pompe qui délivre de l’insuline en permanence, un capteur qui mesure le glucose interstitiel en permanence et un algorithme entre les deux qui permet d’ajuster la dose d’insuline au glucose. Et là encore, il y a eu quelque chose d’extrêmement intéressant, une session plénière avec Marc Breton, qui a développé l’algorithme pour l’une des boucles fermées et des données hyper intéressantes sur ce qu’on pourrait avoir à court terme avec une boucle « ultra fermée ».

Jean-François Gautier – Oui, c’est effectivement la boucle fermée, en tout cas le pancréas artificiel, comme on l’appelle. C’est bien une révolution pour nos patients diabétiques de type 1. C’est une révolution en termes de qualité de vie, mais également d’efficacité thérapeutique, d’hémoglobine glyquée et sans hypoglycémie sévère. Il y a eu beaucoup de temps forts avec les boucles fermées au cours de la SFD, mais c’est vrai que c'était très intéressant lors de la conférence de clôture réalisée par Marc Breton – qui est un chercheur franco-américain qui dirige une unité à Charlottesville, en Virginie. Il nous a montré des données extrêmement importantes de boucles fermées. Jusqu’à présent, avec le pancréas artificiel, il faut quand même que le patient soit présent et indique à la pompe « je vais manger tant de glucides. » Maintenant, on est vraiment au début des algorithmes qui vont prédire que le patient va manger et qui vont également prédire, en fonction de la pente, du début d’augmentation de la pente de la glycémie, combien de glucides va manger le patient. Cela fait encore moins bien par rapport aux algorithmes hybrides…

Boris Hansel – Hybride, c’est-à-dire que la dose basale est automatique, mais la dose lors des repas est indiquée par le patient ou, en tout cas, il met ce qu’il va manger…

Jean-François Gautier – Exactement. Hybride veut dire que le patient dit « je vais manger, je vais manger tant de glucides » et après, c’est la pompe qui fait le reste. Mais là, elle est « complètement fermée », cela veut dire qu’il n’y a aucune intervention de la part du patient. Maintenant, les boucles fermées font mieux que les patients qui ne sont pas forcément au clair avec leur intervention vis-à-vis de la pompe. Donc on est vraiment au début des boucles fermées totalement… Ce qu’il nous a montré montre que c’est tout à fait possible.

Boris Hansel – Donc on va bien vers un vrai pancréas artificiel.

Jean-François Gautier – Exactement

On va bien vers un vrai pancréas artificiel.

 

 

DT2 et cirrhose métabolique

Boris Hansel – Concernant le diabète de type 2 (DT2), il y a une donnée qui est encore peu connue des médecins, c’est celle du lien entre le diabète et le foie, la cirrhose métabolique. Je rappelle ces chiffres qui avaient été donnés par une étude sur 700 patients à Bobigny où 1 % à 2 % des patients diabétiques présentaient une fibrose avec, au fibroscan, une élastométrie à plus de 13 kPa. Et un autre chiffre qui concerne encore plus les hépatologues : un tiers des patients cirrhotiques sont diabétiques… Jusqu’à présent on disait « le diabétique de type 2 meurt du cœur » – c'est ce qu'on enseigne aux étudiants. Est-ce qu’on est en train de dire maintenant que le patient diabétique de type 2 va décéder de cirrhose ? Et est-ce qu’on en fait assez, aujourd’hui ? Cela a été très discuté à la SFD.

Jean-François Gautier – Effectivement. On savait depuis longtemps que la NASH ― ou ce qu’on appelle la NAFLD ou la stéatose hépatique ― prédit le DT2, parce qu’on a deux fois plus de chances de devenir diabétique de type 2 quand on a une atteinte hépatique métabolique. Mais ce qu’on sait aussi, c’est que quand on est diabétique de type 2 et qu’on a une atteinte hépatique métabolique, on a deux fois plus de risque de mourir du cœur. Mais là, c’est tout à fait autre chose. Maintenant, ce qui est certain, pour un diabétique de type tout venant, c’est que la prévalence des lésions hépatiques sévères est de l’ordre de 50 %, quand on fait des biopsies pour des gens qui ont un phénotype hépatique très modéré, par exemple des ALAT très discrètement augmentées. Et on sait que la prévalence, sur histologie, de la cirrhose est de 10 %. Donc 10 %, c’est encore plus que ce qu’ont montré les gens de Bobigny. Cela veut dire qu’il y a une prise en charge spécifique de ces patients-là – il faut surveiller les médicaments, il faut faire une fibroscopie gastrique, etc. Donc le dépistage des lésions du foie doit être partie intégrante du check-up qu’on fait de manière régulière chez nos patients diabétiques. Et il était question de cela à la SFD. Il faut maintenant que les services de diabétologie s’équipent d’un fibroscan à la recherche d’une fibrose avancée qui nécessiterait d’aller plus loin, c’est-à-dire de référer à un hépatologue, voire de faire une biopsie hépatique.

Quand on est diabétique de type 2 et qu’on a une atteinte hépatique métabolique, on a deux fois plus de risque de mourir du cœur.

 

Boris Hansel – C’est intéressant, parce que c’est aussi ce qui a été une nouveauté dans les recommandations dans la prise en charge de l’obésité : le dépistage de la maladie hépatique métabolique. On se rejoint, puisqu’il s’agit des personnes en situation d’obésité, avec des anomalies métaboliques. C’est celles qui sont à risque d’hépatopathie. Donc c’est un message important, ce dépistage. Il n’y a pas de recommandations de la SFD ?

Jean-François Gautier – Oui, il y a des recommandations internationales qui sont basées sur le FIB-4, qui est un indice biologique…

Boris Hansel – ASAT, ALAT, plaquettes et âge.

Jean-François Gautier – Exactement. Et au-delà de 1,3, on recommande dans la population générale d’aller plus loin et de réaliser une échographie, voire une élastométrie par fibroscan.

Boris Hansel – Donc à suivre ce qu’en fera la SFD en termes de recommandation.

Jean-François Gautier – Exactement.

Diabète : du concept des mille visages à la médecine personnalisée

Boris Hansel – Pour terminer, on a parlé de DT1, de DT2, mais en réalité ― et peut-être le savez-vous ou peut-être allez-vous l’apprendre maintenant ― il n’y a pas de diabète de type 1/diabète type 2 !... Je caricature. On parle en fait du fameux concept des mille visages… Ce n’est pas une nouveauté, déjà, le Lancet publiait en disant « mais est-ce que, vraiment, il y a un type 1/type 2 ? » On en a beaucoup parlé. Jean-François, tu travailles sur ce sujet depuis longtemps. Alors, il y a combien de diabètes et est-ce qu’on peut aller vers un diagnostic personnalisé selon le type de diabète pour améliorer la prise en charge ?

Jean-François Gautier – Oui, c’est un sujet qui est extrêmement important, on est au cœur de notre métier de diabétologue, puisque vous savez que le diabète de type 2, d’une part est une maladie extrêmement hétérogène – sur l’âge de survenue, sur le niveau d’insulinorésistance, le niveau du déficit d’insulinosécrétion, sur le type de complication également. Et deuxièmement, on n’a pas de diagnostic étiologique qui dit « là, c’est un diabète de type 2 », par opposition au diabète de type 1 où il y a les autoanticorps. Pour les diabètes secondaires et endocrinopathies, on a les dosages hormonaux ; pour le diabète monogénique, on a le génotypage ; pour le diabète pancréatique, on a l’imagerie pancréatique. Là, on n’a rien du tout. Donc quand on regarde entre les cinq à dix dernières années, finalement il y a une tentative des diabétologues-chercheurs-cliniciens pour essayer de stratifier le diabète de type 2 afin d’avoir une stratégie thérapeutique beaucoup plus adaptée.

Grosso modo, maintenant on sait que dans le diabète de type 2, il y a un sous-groupe où on a des anticorps, des anticorps positifs, donc il y a là-dedans un pourcentage de gens qui ont une maladie auto-immune ; il y a un groupe qui ressemble au diabète de type 1, mais les patients n’ont pas d’anticorps et ils font beaucoup de rétinopathies, plus de neuropathies, on est obligé de les traiter à l’insuline plus rapidement ; il y a un groupe très insulinorésistant qui va faire des complications cardiovasculaires et qui va faire la complication néphrologique ; il y a un groupe de sujets âgés pour lesquels on connait la survenue des complication ; et puis il y a un groupe de diabète associé à l’obésité, qui est un diabète plutôt tardif.

On entrevoit donc plusieurs endotypes… auxquels il faut rajouter ce sous-groupe de patients probablement monogéniques ― puisque vous savez que quand vous êtes sûr que c’est monogénique, vous envoyez un prélèvement au généticien et il ne vous répond positivement que dans 20 % des cas, alors qu’il y a de la consanguinité, qu’il y a vraiment un diabète syndromique… Donc, probablement que dans 80 % des cas, il y a aussi des choses qui se passent au niveau des gènes, mais on ne les connaît pas encore. Tout ceci fait l’objet d’une étude nationale qui s’appelle GLUCOGENE et qui va débuter dans le cadre du programme génomique du Plan français 2025. Mais actuellement, ce qui se passe, c’est qu’on essaie d’étudier si ces sous-groupes de diabète de type 2 sont associés à une physiopathologie différente. Par exemple pour le sous-groupe très insulinorésistant, on sait qu’ils ont un profil inflammatoire totalement différent de celui du groupe qui a un déficit d’insulinosécrétion marqué. Très certainement, au cours des cinq prochaines années, on aura le diabète de type 2A, 2B, 2C, etc., avec une proposition thérapeutique différente pour chaque type de patient.

Boris Hansel – Très intéressant. Cela nous amène à penser à cette thématique des jumeaux numériques, où on pourra peut-être reproduire, grâce à la génétique, à la morphologie, à l’histoire d’un patient, ce qu’il est, et prédire quels sont les traitements les plus efficaces. Mais on n’en est pas là.

Le congrès SFD 2023

Boris Hansel – Un dernier mot, Jean-François, sur l’ambiance générale de ce congrès SFD en tant que participant et de président ?

Jean-François Gautier – Oui ! C’est sûr que le président est comblé, parce qu’il y a eu plus de 4 400 inscriptions. La partie paramédicale était pleine aussi ; dans ce contexte de pénurie d’infirmières, c’est exceptionnel, ces infirmières qui sont parties sur leurs vacances. Donc je pense que le programme était très bien balancé entre aspects cliniques, fondamentaux et translationnels, donc j’espère qu’on va continuer sur cette lancée maintenant qu’on refait des congrès en présentiel – et les industriels sont revenus, ce qui montre que le diabète est une discipline qui bouge beaucoup.

Boris Hansel – Merci beaucoup, Jean-François, pour toutes ces explications. Merci de nous avoir suivis et il nous reste à vous dire à très bientôt sur Medscape.

 

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