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Aujourd’hui, nous parlerons des résultats de deux essais de phase 3 récents : l’étude THOR, qui évaluait l’erdafitinib chez les patients atteints d’un carcinome urothélial métastatique présentant une altération FGFR, et l’étude TALAPRO-2 qui évaluait l’association talazoparib, un inhibiteur de PARP, en plus de l’enzalutamide chez des patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration.
THOR : l’erdafitinib dans le carcinome urothélial localement avancé ou métastatique
Concernant l’étude THOR [1], il faut savoir que le rationnel de cette étude repose sur le fait qu’il y a à peu près 15 % des patients avec un carcinome urothélial qui vont présenter une altération du gène FGFR2 ou 3, qui peut être soit une translocation (à peu près 1/4 des malades), soit une mutation (qui représente la majorité des altérations FGFR). D’où l’idée d’évaluer l’efficacité d’un inhibiteur tyrosine kinase ciblant FGFR, comme c’est le cas de l’erdafitinib chez des patients préalablement traités.
Cette étude a donc comparé l’erdafitinib en monothérapie à une chimiothérapie par docétaxel ou venflunine chez des patients qui devaient avoir été prétraités au moins par de l’immunothérapie. Le critère de jugement principal était la survie globale. La survie sans progression, le taux de réponse objective et la tolérance étaient, eux, des critères de jugement secondaires. Concernant les caractéristiques de la population, il faut savoir que la quasi-totalité des patients inclus avait aussi été prétraitée par chimiothérapie. Ce n’était pas un critère requis, étant donné que dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, les patients peuvent recevoir de l’immunothérapie en première ligne, contrairement à la France.
Résultats : C’est une étude qui est clairement positive, avec un bénéfice net en termes de survie globale, avec une médiane de PFS (Progression-Free Survival ou survie sans progression) qui passe de 7,8 mois à 12,1 mois, un hazard ratio à 0,64, soit une diminution significative du risque de décès en faveur de l’erdafitinib. Et l’ensemble des patients semblent en tirer un bénéfice, quel que soit le type d’altération – mutation, translocation – le type de cancer urothélial – tumeur de la voie excrétrice supérieure ou cancer de la vessie – quel que soit le nombre de lignes de traitement reçu. Il y avait aussi un bénéfice en termes de taux de réponse objectif, qui passe de 11 % à 45 %, et en termes de PFS, qui passe de 2,7 à 5,6 avec un hazard ratio à 0,58. Concernant la tolérance de cette molécule, il y a des effets secondaires qui lui sont propres, notamment les hyperphosphorémies, qui nécessitent de surveiller, d’adapter un régime pauvre en phosphore, voire d’utiliser des chélateurs du phosphore, des risques de décollement de rétine, qui vont nécessiter de réaliser un bilan ophtalmologique avant et pendant le traitement par erdafitinib pour dépister ce décollement de rétine. Il y a aussi des risques de diarrhée, d’onycholyse – décollement des ongles, de mucites, parfois même de syndrome main pied, donc ce sont des effets secondaires qui existent et dont un certain nombre sont quand même cumulatifs et qui apparaissent avec le temps et peuvent conduire le clinicien à baisser la dose.
Cette étude est plutôt une bonne nouvelle. En France, nous avons la chance d’avoir un accès compassionnel pour cette molécule chez des patients qui sont prétraités, et par chimio et par immunothérapie, et le plus souvent aussi par enfortumab védotin, mais cela devrait probablement changer dans les mois à venir et on espère pouvoir avoir un accès précoce pour faciliter les démarches administratives ; et surtout, un remboursement pour pouvoir le proposer dans le cadre des soins courants. Cela doit absolument conduire les cliniciens à réaliser un testing moléculaire pour rechercher cette altération, étant donné que si les patients présentent soit une mutation, soit une translocation FGFR, ils sont éligibles à ce traitement par erdafitinib, donc cela leur rajoute une ligne supplémentaire.
TALAPRO-2 : talazoparib + enzalutamide dans le cancer de la prostate métastatique résistant à la castration
Concernant la deuxième étude, TALAPRO-2 [2], il s’agit là encore d’un essai de phase 3 qui a posé la question de l’association talazoparib (un inhibiteur de PARP) plus l'enzalutamide, en comparaison à l’enzalutamide seul chez des patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration.
Cette étude comportait deux cohortes et les résultats que je vais vous présenter sont ceux de la cohorte 1, qui a inclus à la fois des patients avec des altérations et mutations des gènes impliqués dans la recombinaison homologue, qu’on appellera HRR-déficients, et aussi des patients qui n’avaient pas de déficit de la recombinaison homologue. Et ce rationnel d’utiliser les inhibiteurs de PARP, y compris chez des patients sans déficit de la recombinaison homologue, repose sur le fait qu’il y a potentiellement une synergie à utiliser les deux médicaments et que, finalement, le fait d’administrer en concomitant un inhibiteur de PARP à une hormonothérapie de nouvelle génération pourrait être efficace, y compris chez des patients qui n’ont pas de mutation au niveau des gènes de la recombinaison homologue.
Cette étude de phase 3 avait comme critère de jugement principal la survie sans progression radiologique et comme critères de jugement secondaire la survie globale, le délai jusqu’à l’administration d’une chimiothérapie cytotoxique, la PFS-2, la tolérance, la qualité de vie. Il y avait un panel qui était fait pour évaluer le statut HRR chez les patients, qui comprenait un certain nombre de gènes, en utilisant le test de Foundation Medicine qui s’appelait FoundationOne. Le testing a été très majoritairement fait au niveau tumoral, quasi exclusivement. Certains patients pouvaient aussi avoir le testing fait au niveau de l’ADN tumoral circulant, mais cela a été, pour la quasi-totalité des patients (99 %) un testing au niveau tumoral.
Concernant les caractéristiques de la population, il y avait une minorité de patients qui ont été traités par docétaxel au stade métastatique hormonosensible – seulement 20 % des patients – et encore moins de patients qui avaient reçu de l’abiratérone au stade métastatique hormonosensible mHSPC, ce qui peut poser problème, parce qu’on sait qu’actuellement les patients qui ont une maladie métastatique hormonosensible vont toujours devoir recevoir un traitement par hormonothérapie de nouvelle génération ; donc les patients inclus dans cette étude ne représentent pas la majorité des patients qui vont devenir résistants à la castration, alors qu’ils auront été prétraités par une hormonothérapie de nouvelle génération. Concernant les résultats moléculaires, il y avait à peu près 20 % des patients qui avaient une mutation sur un gène impliqué dans la recombinaison homologue.
Résultats : il y a un bénéfice assez net en termes de survie sans progression radiologique, sur la première analyse qui a été faite après un suivi médian d’à peu près deux ans, et une médiane qui n’est pas atteinte dans le bras talazoparib + enzalutamide et qui est de 22 mois dans le bras enzalutamide + placebo, avec un hazard ratio à 0,63 qui est significatif.
Quand on regarde l’analyse en sous-groupe, on voit que l’ensemble des patients semble en tirer un bénéfice, néanmoins, le bénéfice semble un peu plus important chez les patients avec une déficience de la recombinaison homologue, étant donné que chez eux, le hazard ratio est à 0,46 alors qu’il n’est qu’à 0,70 chez les patients non déficients ou dont le statut n’est pas connu. Néanmoins, chez l’ensemble de ces patients, cette différence restait statistiquement significative en faveur du talazoparib + enzalutamide.
Concernant les données de survie globale, on a eu les premiers résultats, mais les données sont encore immatures. Il y a eu encore peu de décès, donc c’est vraiment préliminaire, il faudra voir avec un peu plus de recul et actuellement il n’y a pas de bénéfice en termes de survie globale.
Concernant les autres critères, et notamment un critère qui me semble important, celui du délai jusqu’à l’initiation d’un cytotoxique : il y a encore un bénéfice en faveur du talazoparib + enzalutamide, ce qui fait que proposer cette association permet de repousser le moment auquel il faudra introduire un traitement par cytotoxique, donc par docétaxel, avec un hazard ratio à 0,49, ce qui, de mon point de vue, est quand même un critère cliniquement pertinent.
Il y a donc un bénéfice, certes, mais il y a aussi des effets secondaires et notamment des effets secondaires hématologiques qu’il va falloir apprendre à diagnostiquer et à gérer, comme l’anémie qui va concerner la majorité des patients – à peu près plus de la moitié des patients vont avoir une anémie. Le plus souvent, ce sera une anémie non sévère, cela va nécessiter, malgré tout, d’arrêter le traitement par talazoparib chez 8 % des patients, mais la majorité des patients vont quand même devoir avoir une diminution de la dose du traitement en raison d’une toxicité hématologique. Toutefois, il faut savoir que dans cette étude, il était requis d’arrêter l’inhibiteur de PARP uniquement quand il y avait une anémie de grade 3, alors qu’en pratique, on sait que quand on commence à avoir une hémoglobine qui chute et une anémie de grade 1, très souvent il est peut-être préférable soit de baisser la dose, soit d’arrêter d’ores et déjà le traitement pour laisser le temps aux patients de récupérer.
Sur le reste des effets secondaires : un peu de fatigue, un peu de thrombopénie – là, il faudra rester vigilant, c’est sûr, des effets secondaires de type embolie pulmonaire qui ont pu être décrits et qui restent rares, mais il faudra les garder en tête, et jusqu’à maintenant on n’a pas l’impression qu’il y a eu des cas de myélodysplasie ou de leucémie aiguë comme cela a pu être rapporté dans d’autres essais, notamment dans les essais conduits dans les cancers de l’ovaire. Mais on a encore un peu moins de recul, donc il faudra rester vigilant.
Ce sont quand même de bonnes nouvelles pour nos patients. En France, nous n’avons pas encore accès à cette combinaison-là, néanmoins, aux États-Unis, la FDA a octroyé un remboursement, mais uniquement restreint aux patients avec une altération de la recombinaison homologue. Donc on verra comment se positionne l’EMA et les autorités françaises pour positionner cette combinaison de traitements dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration. En tout cas, cette combinaison, de mon point de vue, s’il y a une AMM qui est obtenue, devra très probablement être restreinte aux patients qui n’ont pas reçu d’hormonothérapie de nouvelle génération, étant donné que ces patients étaient très minoritairement représentés dans cette étude et on ne sait donc absolument pas s’il y a un intérêt à rajouter un inhibiteur de PARP à une hormonothérapie de nouvelle génération chez les patients prétraités par hormonothérapie de nouvelle génération.
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Citer cet article: Oncologie urogénitale : focus sur 2 nouvelles études, THOR et TALAPRO-2 - Medscape - 13 sept 2023.
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