La psychothérapie d’Adolf Hitler : un futur dictateur sur le divan

Christoph Renninger

Auteurs et déclarations

28 février 2023

La plupart des évaluations psychiatriques d’Adolf Hitler ont été réalisées à distance ou a posteriori. En 1924, alors qu’il est incarcéré pour trouble de l’ordre public, le futur dictateur, qui n’en est qu’au tout début de sa carrière politique, suit une psychothérapie. Les signes d’une « psychopathie hystérique » sont déjà présents et annotés par son psychologue, le Dr Alois Maria Ott. Leurs échanges ont été analysés par le Dr Robert Kaplan, psychiatre à l’ Université de Wollongong (Australie) .[1,2]

En détention après le putsch raté

En 1924, Hitler est emprisonné en tant qu'activiste de droite et "fauteur de troubles". Les 8 et 9 novembre de l’année précédente, avec d'autres membres du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), il avait tenté un putsch contre le gouvernement bavarois (également connu sous le nom de putsch Hitler-Ludendorff), mais avait échoué.

Emprisonné dans la forteresse de Landsberg, le futur chancelier et dictateur y est qualifié littéralement comme un "tas de misère", mal rasé, pitoyable et confus. Il s'attendait à être exécuté pour haute trahison ou déporté en Autriche.Lors de ses interrogatoires, Hitler adoptait son comportement théâtral bien connu. Soit il restait complètement muet, soit il éclatait en crises de colère. Ses hurlements et ses cris pouvaient être entendus dans tout le bâtiment. On rapporte qu'il "hurlait comme un fou", s'emportait contre "les menteurs et les traîtres", entamait une grève de la faim, devenant ensuite apathique et de plus en plus affaibli.

Alois Maria Ott, le psychologue de la prison

Emmené à l'infirmerie de la prison, Hitler est alors pris en charge par Alois Maria Ott, le psychologue de l’établissement. Les premières impressions du thérapeute sont sans grande particularité. Il décrit Hitler comme "une personne trapue et au regard sombre", "un homme de la classe moyenne, avec des cheveux noirs bien ordonnés et peignés vers l'avant, ainsi qu’une moustache supérieure soigneusement rasée. Sa bouche est large mais ordinaire, son nez proéminent et un peu entaillé."

Ott assure à Hitler qu'il n'a révélé à personne être venu le voir et que leur conversation serait gardée secrète. "D’un âge similaire, nous avons tous les deux connu la guerre et la misère. Je vous parle d'homme à homme et je veux vous aider, comme tous les autres détenus", déclare Ott à son patient.

Le seul diagnostic psychiatrique après examen personnel

Toujours persuadé d'être bientôt abattu, Hitler devient de plus en plus hystérique. "Les gens sont des ordures", crie-t-il. La bouche écumante, il annonce vouloir mettre fin à ses jours par une grève de la faim. Profondément malheureux de la mort de ses camarades lors de l'échec du putsch, Hitler affirme en avoir assez : "Si j'avais un pistolet, je me tuerais."

Dans son évaluation, Ott écrit que son patient est "un psychopathe hystérique." Il s'agit du seul diagnostic psychiatrique d'Hitler établi par quelqu'un qui l'a réellement examiné. Toutes les autres tentatives d’évaluation psychologique ou psychiatrique ont été effectuées à distance.

 
Il s'agit du seul diagnostic psychiatrique d'Hitler établi par quelqu'un qui l'a réellement examiné.
 

Nullement intimidé par les cris et les hurlements, Ott essaie de prendre le contrôle de la rencontre. Il tente tout d'abord d'apprendre à Hitler qu'il fallait de la patience pour mettre en place son programme politique. Mais cela l'a amené à crier une nouvelle fois que l'Allemagne ne pouvait pas attendre, et qu'il serait crucifié ou brûlé sur un bûcher avant d’y arriver.

Un tournant dans le dialogue thérapeute-patient

Ott demande à Hitler s'il n'avait pas choisi le mauvais exemple, en se référant à l'expérience passée de l'Autriche avec les Hohenzollern. Une ouverture s’ouvre alors pour sortir de l'impasse dans laquelle se trouvait la conversation. Sur son terrain de jeu habituel, Hitler lui expose alors longuement son interprétation de l'Histoire, ce qui fournit une base pour la suite de la conversation, qui s’oriente vers des sujets actuels et du passé. Ott explique à Hitler que ce dernier sait sans doute combien de temps il a fallu à l'état-major prussien pour préparer la dernière guerre, ajoutant que « les révolutionnaires comme Garibaldi et Mussolini avaient besoin de la volonté du peuple pour les soutenir. Les slogans, surtout idéologiques comme l'antisémitisme et l'anticléricalisme, ne font pas monter les masses affamées aux barricades. Pourquoi, avec vos partisans, propagez-vous la haine envers les juifs et l'autorité pontificale ? Nous pouvons être des adversaires politiques, mais si vous voulez conduire l’ensemble de la nation vers un avenir meilleur, nous aurons besoin les uns des autres."

Cela a dû constituer l'une des rares occasions où quelqu'un a contredit les vues fanatiques et haineuses d'Hitler lors d’une conversation directe.

Comme on pouvait s'y attendre, Hitler ne partageait pas le point de vue d'Ott, mais le dialogue s’est poursuivi. Hitler a souligné que seules deux institutions lui inspiraient du respect : l'ancien état-major prussien et le collège des cardinaux de l'Eglise catholique romaine. Il est intéressant de noter que le dictateur, qui n’a par la suite toléré ni questions ni contradictions, a discuté à cette occasion d'autres points de vue.

Ott en est finalement venu à suggérer une méthode "pieuse" : "Retrouvez l'ordre divin d'antan!" Et cela aurait, selon lui, fonctionné : Hitler a mis fin à sa grève de la faim et est retourné dans sa cellule. Lors du procès qui a suivi, il s’est défendu face aux juges, avant de devenir une figure d'importance nationale.

Un regard sur le passé

Ce n'est qu'à l'âge de 98 ans qu'Ott a révélé ses entretiens avec Hitler, concluant qu’il avait un penchant pour un mode de pensée "magico-mystérieuse." Il est bien difficile de le contredire sur ce point. Pleine de vanité et de dogmatisme brutal, la haine d'Hitler pour ceux qui ne pensaient pas comme lui ne pouvait pas être contenue. "Je pouvais sentir son obsession démoniaque pour son idéologie, qui déchaînait la psychopathie qu’il présentait."

On peut penser que la probabilité qu'Hitler réponde à une psychothérapie était très faible. De fait, si l'intervention d'Ott a plutôt réussi à ce moment-là, c’est probablement parceque la carrière politique d'Hitler n'en était qu'à ses débuts. La mégalomanie effrénée dont il a fait preuve plus tard, une fois au pouvoir, n’était encore qu’au stade du développement au moment de leur rencontre. Ses menaces de suicide en réponse aux oppositions étaient toutefois déjà caractéristiques.

 

Traduit par Claude Leroy (article de Christoph Renninger publié initialement sur coliquio.de et intitulé Die psychologische Behandlung Adolf Hitlers )

 

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