
Dr Carole Poupon
France – À l’issue d’un mouvement social qui aura duré deux mois, la biologie libérale signait avec l’assurance maladie un avenant 11 à sa convention début janvier, qui prévoyait entre autres une baisse du coefficient de la nomenclature en biologie – la fameuse lettre clé B – d’1 centime. La biologie hospitalière, qui n’a pas participé à ce mouvement social, est néanmoins impactée par cette baisse des tarifs. Explications avec le Dr Carole Poupon, présidente du Syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH).
Medscape édition française : Pourquoi la biologie hospitalière est-elle impactée par l'avenant signé par les biologistes libéraux et l'assurance maladie ?
Dr Carole Poupon : Nous sommes impactés sur la partie qui concerne les consultations externes, lesquelles sont facturées de la même manière que les actes en biologie libérale. Donc, comme pour la biologie libérale, nous subissons une baisse de la clé B de 1 centime. Nous avons eu des doutes, pensant que la biologie hospitalière n'était pas concernée, puisque cet accord a été signé avec les libéraux mais nous avons dû nous résoudre à cette terrible évidence : la facturation sur les consultations externes est identique pour les deux secteurs.
Pour autant, vous ne devriez pas en ressentir les effets, puisque les consultations externes sont minoritaires ?
Dr Carole Poupon : Nos revenus, nos salaires, ne sont pas impactés par cette baisse de tarifs, c'est vrai. En revanche, sur les remplacements de départ de poste, l'investissement dans de nouveaux équipements, l'innovation, etc. nous allons le ressentir.
En biologie hospitalière êtes-vous soumis à la tarification à l'activité ?
Dr Carole Poupon : Notre budget est calculé en fonction du nombre de « B produits », et nous nous battons pour qu'il soit calculé sur le nombre d'actes.
Qu'appelez-vous le « B produits » ?
Dr Carole Poupon : Tous nos examens sont comptabilisés en B, qui représente une unité de calcul dans la nomenclature. Exemple, une glycémie représentera 10 B, un examen de sérologie pourrait représenter 100 B, etc. À la fin de l'année l'administration compte le nombre de B effectués et détermine ainsi notre budget. Les actes ne correspondent pas à cette nomenclature, surtout à l'hôpital.
Pour deux actes, vous pouvez avoir 110 B, et pour deux autres actes 50 B, ce qui affecte votre budget ?
Dr Carole Poupon : Exactement. Si par exemple cette année nous faisons 31 millions de B contre 32 millions l'année précédente, la direction peut alors décider de nous supprimer un poste. Je caricature bien sûr.
Pour en revenir aux consultations externes, elles restent minoritaires ?
Dr Carole Poupon : Cela va dépendre de la taille des établissements. Certains établissements, plutôt les petits, ont une grosse proportion de consultations externes. Cette baisse peut donc engendrer, pour ces établissements, une perte de revenus importante. En conséquence, les conditions de travail des biologistes seront impactées.
Pendant le mouvement social des biologistes libéraux, vous avez manifesté votre solidarité sans pour autant appeler à la grève, alors que vous êtes maintenant impactés par les décisions financières prises à l'issue de ce mouvement social, pourquoi ?
Dr Carole Poupon : Il est vrai que nous craignons la disparition de laboratoires de biologie en ville, ce qui pourrait avoir un impact sur la biologie hospitalière. Nous ne nous sommes pas associés à ce mouvement parce que nous n'étions pas partie prenante de ces négociations. Aussi, ce mouvement de biologistes libéraux s'est associé aux grands groupes de biologie libérale et nous ne pouvions, pour des raisons déontologiques, faire cause commune avec ces groupes financiers.
Pourquoi n'avez-vous pas été associés à ces négociations ? Existe-t-il un dialogue social entre vous et la tutelle ?
Dr Carole Poupon : Non, nous n'avons pas de dialogue social, à part au sein de la commission de hiérarchisation des actes de biologie. Nous n'avons droit qu'à un seul siège pour tous les hospitaliers et nous ne donnons qu'un avis consultatif. En revanche, les négociations avec la Cnam se font sans nous. Notre volonté, au niveau du SNBH, c'est de sortir du B complètement, puisque nous ne sommes pas conviés pour le négocier, on nous impose le résultat de ces négociations qui ne sont pas sans conséquence pour le calcul de notre activité. Nous demandons donc de calculer notre activité différemment pour le développement de l'innovation, le développement de la biologie, etc.
Vous réclamez la T2A ?
Dr Carole Poupon : Non, nous voudrions profiter de la réforme de la T2A, pour calculer notre activité par groupe de pathologie par exemple. Par exemple, un forfait urgences a été créé que l'on pourrait décliner pour la biologie. Il y a aussi des actes hors nomenclature principalement effectués par les hôpitaux, notamment en CHU. La valorisation de ces actes est stagnante, il faudrait là aussi revoir les choses. L'expertise du biologiste n'est pas du tout mise en valeur, alors que cela fait partie de notre cœur de métier.
Qu'en est-il de la démographie des biologistes hospitaliers ?
Dr Carole Poupon : Cela devient catastrophique. Côté médecins – les biologistes peuvent avoir une formation de médecins ou de pharmaciens – la spécialité est choisie parmi les dernières aux ECN, et d'année en année cela empire. Côté pharmacie, le nombre d'étudiants est en baisse inquiétante. Notre population est âgée, les départs dans les prochaines années vont être nombreux. Les biologistes médicaux ne souhaitent qu'une chose, c'est de partir à la retraite, il y a donc beaucoup de départs et très peu de forces vives pour nous remplacer. Nous avons récemment réalisé une enquête au sein de notre syndicat qui montre que 70% des laboratoires hospitaliers H ou HU, sont en recherche de recrutement. C'est nouveau, mais la pénurie commence à s'imposer.
Le Covid a-t-elle changé quelque chose dans votre manière de travailler ?
Dr Carole Poupon : C'est triste à dire, mais pendant la première vague nous avons connu un sursaut dans notre profession, on nous a laissés faire notre métier, on nous a écoutés. Quand on avait besoin d'équipements on nous le fournissait, on pouvait se dédouaner des contraintes de l'accréditation... Mais cela n'a pas duré, et l'on est reparti comme avant. Maintenant, on subit encore une fois des contraintes. Les contraintes telles qu'elles sont appliquées actuellement ne sont pas compatibles avec l'exercice de notre profession.
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Citer cet article: « L'expertise du biologiste n'est pas du tout mise en valeur » Dr Carole Poupon, présidente du SNBH - Medscape - 24 févr 2023.
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