Paris, France — Selon une enquête de la Ligue contre l’obésité coordonnée par l’Inserm, l’excès de poids concerne en France un adulte sur deux, avec une hausse toujours constante de l’obésité (IMC≥ 30), dont la prévalence atteint 17% en 2020 [1]. Les plus jeunes sont particulièrement touchés: depuis 1997, les 18-24 ans sont quatre fois plus nombreux à présenter une obésité.
« Force donc est de constater qu’au contraire des espérances tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé, depuis la mise en œuvre du Programme national nutrition santé (PNNS) en 2001, l’obésité en France ne fait que s’accroître, année après année », soulignent dans un communiqué les coordinateurs de l’étude, la Dr Annick Fontbonne (Inserm, Villejuif) et le Pr David Nocca (CHU de Montpellier), président fondateur de la Ligue contre l’obésité.
Prévalence stable du surpoids
Au-delà des mesures de prévention, « la priorité est de faire comprendre que l’obésité est une vraie maladie », aux patients comme aux médecins, a commenté pour Medscape édition française le Pr Nocca lors d’une conférence de presse. Si elle ne s’accompagne pas d’un diabète ou d’une hypertension artérielle, « l’obésité a tendance à être banalisée », regrette le spécialiste de chirurgie digestive et bariatrique.
Initiée par la Ligue contre l’obésité, l’enquête fait suite aux enquêtes Obépi-Roche menée tous les trois ans depuis 1997 et interrompue en 2012, après le désengagement du laboratoire Roche. Elle applique une méthodologie similaire basée sur des questionnaires adressés auprès de 10 000 personnes âgées de 18 ans et plus, résidant en France métropolitaine.
Les résultats du sondage conduit en 2020 montrent que 47,3% de la population adulte présentent un excès de poids (IMC> 25). Concernant plus précisément le surpoids (IMC entre 25 et 29), les chiffres se révèlent assez stables, la prévalence étant autour des 30% depuis 1997.
En revanche, celle de l’obésité (IMC≥ 30) est passée de 8,5% en 1997, à 15% en 2012 et 17% en 2020, en observant « une hausse très régulière et linéaire », a commenté la Dr Fontbonne, pendant la conférence de presse. La prévalence de l’obésité morbide (IMC≥ 40) qui atteint 2%, a été multipliée par sept en 20 ans.
Le Nord et le Nord-Est plus touchés
Si le surpoids touche majoritairement les plus âgés (57,3% des 65 ans et plus contre 23,2% chez les 18-24 ans), l’obésité affecte de plus en plus les jeunes adultes. Près de 9% des 18-24 ans sont obèses en 2020, contre 2% en 1997. Chez les 25-34 ans, le taux d’obésité a été multiplié par trois, passant de 5,5% à près de 14% en 2020.
L’enquête révèle également des disparités régionales très marquées. La prévalence de l’obésité dépasse les 20% dans le Nord et le Nord-Est de la France, tandis que le Sud, l’Ouest et l’Ile-de-France sont moins touchés. Avec 14,4% d’obésité, les Pays-de-la-Loire est, après l’Ile-de-France, la région la moins affectée, « sans que l’on comprenne vraiment pourquoi », note l’épidémiologiste.
Les différences concernant les catégories socioprofessionnelles sont confirmées: l’excès de poids touche plus les ouvriers (51,5%) que les cadres (35%). Il en est de même pour l’obésité, avec une prévalence respectivement de 18% et 9,9%.
La prévention par l’alimentation saine et l’activité physique restent « la clé de voûte de la lutte contre l’obésité et des comorbidités associées », soulignent les auteurs. Pour autant, « il ne faut pas laisser les gens seuls devant ces recommandations » et « se contenter de les informer et de les responsabiliser », a commenté la Dr Fontbonne.
« Tout l’enjeu est d’initier un changement dans les habitudes alimentaires », en favorisant le régime méditerranéen qui a largement fait ses preuves dans le maintien d’un poids normal, a précisé la Pre Karine Clément, responsable de l’unité Inserm « Nutrition et obésités: approches systémiques » lors de la conférence de presse.
Beaucoup de personnes « ne savent pas que ce qu’ils mangent n’est pas bon pour leur santé », a ajouté la Dr Fontbonne. « Les gens ne sont pas addicts à la mauvaise bouffe, mais ils sont incités à en acheter car c’est moins cher ».
Une prise de conscience nécessaire
Pour lutter contre l’obésité, la cours des comptes a donné ses recommandations, a rappelé l'épidémiologiste. Il est notamment préconisé de s’attaquer « au marketing et à la publicité des produits qui font grossir », généraliser le Nutri-Score pour aider les consommateurs à choisir les meilleurs aliments et imposer aux industriels des taux maximums de sel, de sucre et de gras.
Pour ce qui est de l’activité physique, il convient de l’adapter selon le poids du patient, en s’appuyant sur des spécialistes comme les kinésithérapeutes pour l’encadrer, estime le Pr Nocca. Selon lui, il est nécessaire « de faire sortir les gens de chez eux », en valorisant le lien social et amical développé à travers l’activité physique, qui « ne doit pas être vue comme un traitement ».
Selon la Pre Clément, la lutte contre l’obésité doit passer par « une prise de conscience sociétale » de ce problème de santé publique, afin d’agir au niveau individuel, à travers l’éducation notamment, mais aussi à un niveau plus global, en favorisant par exemple l’accès au sport chez les enfants ou en développant davantage d’espaces verts pour inciter à l’activité physique.
Des progrès thérapeutiques avec les analogues du GLP-1
« Une phase de renouveau » s’observe actuellement dans la prise en charge thérapeutique de l’obésité, avec l’utilisation des agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), a souligné la Pre Clément. Ces traitements antidiabétiques se sont avérés très efficaces dans la perte de poids à des doses élevées. Le liraglutide (Saxenda) et le sémaglutide (Wegovy) sont désormais disponibles dans cette indication, mais non remboursés.
Ce renouveau intervient après le retrait de plusieurs médicaments agissant sur la régulation de l’appétit (isoméride, sibutramine, rimonabant…) en raison d’effets secondaires cardiologiques ou encore psychiatriques, ce qui laissé un vide dans la prise en charge thérapeutique de l’obésité, alors limitée à la chirurgie bariatrique pour les cas les plus graves.
Utilisés en association avec d’autres médicaments, tel que l’agoniste du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP), les anti-GLP-1 sont associés à une perte de plus de 10 % du poids total chez plus de deux tiers des participants aux essais cliniques. Les médecins doivent toutefois se montrer responsables et favoriser « une utilisation de ces outils à bon escient », en laissant notamment la prescription à des spécialistes de l’obésité, a commenté la Pre Clément.
Comme l’a récemment expliqué le Pr Boris Hansel dans nos colonnes, l’usage détourné de ces médicaments, faute de remboursement dans l’obésité, conduit à des ruptures de stock qui affectent la prise en charge des patients diabétiques.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: En France, l’obésité gagne chez les jeunes - Medscape - 23 févr 2023.
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