Hémophilie B : l’Europe approuve la première thérapie génique (Hemgenix)

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

23 février 2023

Europe – La Commission européenne a accordé une autorisation de mise sur le marché conditionnelle à l'etranacogene dezaparvovec (Hemgenix®), la première et la seule thérapie génique à usage unique pour le traitement de l'hémophilie B sévère et modérément sévère (déficit congénital en facteur IX) chez les adultes sans antécédents d'inhibiteurs du facteur IX, a indiqué le fabriquant CSL Behring, une multinationale spécialisée dans les produits sanguins, dans un communiqué[1]. Si cette molécule apparait comme très prometteuse, son prix exorbitant pourrait néanmoins être rédhibitoire.

Réduction ajustée du taux de saignement annualisé (TSA) de 64 %

Les personnes souffrant d’hémophilie sont actuellement contraintes de suivre un traitement toute leur vie, par perfusion intraveineuse quotidienne, pour éviter les saignements. Malgré les progrès réalisés dans le traitement de l’hémophilie, la prévention et le traitement des épisodes hémorragiques peuvent avoir un impact négatif sur la qualité de vie des individus. L’Hemgenix® est, quant à lui une perfusion unique. Le traitement repose sur le transfert par thérapie génique de la séquence d’ADN codant le facteur IX, une protéine importante pour la coagulation du sang, via une simple perfusion.

La décision de la Commission européenne fait suite à l'avis positif rendu par le CHMP en décembre 2022, sur la base des résultats de l'essai pivot HOPE-B, le plus grand essai de thérapie génique dans l'hémophilie B à ce jour. Ces résultats ont montré que les patients atteints d'hémophilie B traités par Hemgenix® ont présenté des augmentations stables et durables des niveaux moyens d'activité du facteur IX (avec une activité moyenne du facteur IX de 36,9 %), ce qui a conduit à une réduction ajustée du taux de saignement annualisé (TSA) de 64 %. Après la perfusion d'Hemgenix®, 96 % des patients ont arrêté la prophylaxie de routine par le facteur IX et la consommation moyenne de facteur IX a été réduite de 97 % 18 mois après le traitement, par rapport à la période initiale. Les premiers résultats de cet essai ont été présentés lors de la réunion annuelle de 2022 de l'American Society of Hematology.

L'analyse à 24 mois de l'étude HOPE-B a continué de montrer un effet soutenu et durable d'HEMGENIX®. « Dans un contexte clinique, le traitement est généralement bien toléré, sans effets indésirables graves liés au traitement » indique le communiqué.

 
96 % des patients ont arrêté la prophylaxie de routine par le facteur IX et la consommation moyenne de facteur IX a été réduite de 97 % 18 mois après le traitement.
 

Le traitement le plus cher du monde

Mais là où le bât blesse, c’est quand il s’agit de mentionner son prix. La thérapie génique – indéniablement prometteuse – a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre en novembre dernier, au moment de son approbation par la FDA (selon la procédure accélérée réservée aux innovations majeures), en devenant le traitement « le plus cher au monde ». Et pour cause, le prix annoncé pour ce traitement bat tous les records : 3,5 millions de dollars (environ 3,25 millions d’euros) la dose, comme l’indiquait la revue Nature début décembre.

Ce prix exorbitant est-il justifié ? A priori non, selon Bertrand Jordan, généticien et immunologiste à Marseille. Dans un article paru il y a quelques jours dans la revue Medecine/Sciences [2] et consacré à ce nouveau traitement, le président d’Aprogène (Association pour la promotion de la génomique) considère, en effet, que « même si la fabrication de lots importants de virus recombinants (plusieurs 1015 virions par malade) dans les conditions GMP (good medical practices) requises est loin d’être anodine, on imagine difficilement qu’elle puisse coûter plus de quelques centaines de milliers de dollars ». Par comparaison, les traitements de cancers par l’approche CAR-T qui utilisent une modification sur les propres lymphocytes T du patient et lui sont donc spécifiques « sont maintenant commercialisés en France pour environ 320 000-350 000 euros et 373 000-475 000 dollars aux États-Unis, montants qui avaient fait scandale à l’époque mais semble presque raisonnables en regard de celui que réclame CSL Behring » écrit-il.

Pourquoi un coût si élevé ? Essentiellement en raison de l’économie qui serait réalisée par rapport au traitement actuel, justifie le fabricant, lequel traitement est, il est vrai, particulièrement onéreux aux Etats-Unis.

Quel serait le prix pratiqué en France si ce produit pour traiter l’hémophilie B y était commercialisé comme l’AMM européenne l’y autorise désormais ? « Sans atteindre le niveau stratosphérique du tarif appliqué aux États-Unis, il s’agit néanmoins de l’ALD (affection longue durée) la plus coûteuse du tableau de l’Assurance maladie. Les analystes du secteur estiment que le traitement sera probablement proposé au prix de 2,5 millions d’euros – à peine moins que le tarif annoncé outre-Atlantique, anticipe le chercheur français.

Reste à savoir quelle part serait prise en charge par l’Assurance maladie (si les négociations avec le laboratoire devaient aboutir).

 

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