États-Unis – Au quotidien, les médecins doivent utiliser des compétences cognitives fines et, selon la spécialité, avoir une bonne dextérité manuelle. Mais ces compétences diminuent parfois avec l’âge, ce qui interroge sur la capacité de certains médecins à pratiquer la médecine en toute sécurité au-delà de 65 ans.
Dans un blog récent publié sur Medscape.com, le bioéthicien Arthur L. Caplan, aborde cette question. Dans son commentaire, inspiré d’un éditorial du New York Times intitulé « How Would You Feel About 100-Year-Old Doctor » (ndlr : Comment vous sentiriez-vous face à un médecin de 100 ans ?), le Dr Caplan note que, contrairement aux pilotes de ligne, qui sont soumis à la retraite obligatoire à l’âge de 65 ans en raison de la possibilité d’un déclin cognitif ou de santé, il n’y a pas d’âge de retraite obligatoire pour les médecins.
Le Dr Caplan recommande un processus de re-certification des « compétences de base », consistant en « un test de mémoire, une sorte de test de dextérité ou un simple examen de 20 ou 30 minutes par an ou tous les deux ans » pour « s’assurer qu’une fois que vous aurez plus de 65 ans, vos compétences n’ont pas disparu ce qui pourrait nuire aux patients ou augmenterait le risque de faute professionnelle. »
Un vif débat s’en est suivi entre les lecteurs de Medscape. L’un d’eux a qualifié le commentaire du Dr Caplan « d’âgisme à son sommet », tandis qu’un autre a écrit : « L’âge et les compétences ne sont pas directement corrélés. Les tests pour maintenir l’autorisation d’exercer en fonction de l’âge constituent une discrimination flagrante. »
L’incompétence n’a pas de limite d’âge
Une des questions débattue a concerné les avantages apportés par l’expérience liée à l'âge par rapport à une meilleure connaissance des nouveautés, notamment technologiques, par les jeunes médecins. De nombreux lecteurs se sont montrés convaincus que les médecins plus âgés sont non seulement compétents, mais qu’ils sont en fait supérieurs aux plus jeunes. « J’irais chez un docteur de 100 ans en un clin d’œil ! », a écrit l'un d'eux. « Ce qu’ils ont observé et vécu n’a pas de prix. Mon médecin préféré a actuellement 87 ans et il est mon conseiller pour tout ce qui concerne la santé. » Mais « malheureusement, notre société ne respecte pas toujours l’expérience et la sagesse qui viennent avec l’âge », a souligné un autre.
Les jeunes médecins n’ont pas la même sagesse et la même expérience, a noté un autre intervenant. « Il leur faut du temps. » Aussi, un étudiant en médecine « aime » les médecins plus âgés parce qu’« ils sont compatissants, expérimentés– je confierais ma vie à beaucoup d'entre eux plutôt qu’à des médecins plus jeunes. »
Autre témoignage : « les jeunes médecins peuvent avoir une certaine supériorité technique sur les médecins plus âgés, mais les comportements au chevet du malade et le temps de qualité sont réellement meilleurs avec les médecins plus âgés. » Sans parler de l’expérience : « Si je sais que j’ai besoin d’une intervention chirurgicale, je préfèrerais avoir le médecin plus expérimenté qui en a déjà fait 1000. Si je veux de nouvelles options de traitement, les jeunes médecins sont meilleurs. »
Plusieurs lecteurs ont fait valoir que le vieillissement et le déclin des compétences ne vont pas nécessairement de pair. « Comme le Dr Caplan l’a suggéré, il doit y avoir un moyen de dépister les problèmes qui pourraient altérer la pratique, mais l’âge en soi n’est pas le problème ; c’est la compétence. » « L’incompétence peut être observée chez les cliniciens de tout âge », a renchéri un autre.
Une soignante a évoqué les médecins et les autres professionnels de santé avec lesquels elle travaille, lesquels ont entre 70 et 80 ans : « Vous seriez surpris si vous connaissiez leur âge. » En revanche, un certain nombre de soignants dans la cinquantaine « ont besoin de prendre leur retraite, en raison d’un déclin physique et cognitif. »
Pour cette raison, « si ce type de test doit être réalisé, il devrait l’être à tous les âges et de manière prospective pour voir quels indicateurs rendent compte du fait qu’un médecin n’est plus capable de pratiquer sa discipline correctement. »
Voici les mots d’un autre lecteur : « Si ce programme doit nous être imposé, alors par équité, je pense que nous devrions l’appliquer à tous les âges. »
Mais certains lecteurs préféraient les jeunes médecins. Par exemple : « Je n’irais pas chez un médecin âgé de 100 ans. Les meilleurs médecins ont entre 5 et 15 ans de pratique, peut-être 20 ans. La médecine est un domaine avec de constantes évolutions, nous devons les suivre et faire de notre mieux pour nos patients. » J'ai « vu trop de collègues seniors traiter des patients avec des techniques et des conseils d’arrière-garde » malgré les avancées dans le domaine.
Tester la compétence : va-t-on trop loin ?
L’idée d’un test de re-certification à partir de 65 ans rebute de nombreux lecteurs. Notamment parce que les médecins sont déjà soumis à un nombre considérable de tests et d’exigences, tels que la FMC (DPC en France...). Un lecteur américain décrit avoir passé une véritable batterie de tests à intervalles réguliers : CME (FMC), ACLS, ATLS, PALS, NRP et l’examen du jury tous les 10 ans. « Je ne crois pas qu’un autre examen soit nécessaire pour démontrer ma compétence », a-t-il écrit. « Mes compétences sont constamment ré-évaluées et j’ai presque atteint l’âge de la retraite obligatoire. »
D’autres ont demandé en quoi consisterait l’examen et qui le gèrerait. « Je pense qu’en théorie, il est bon de tester le personnel médical – médecins, infirmières, ambulanciers, etc., toute personne qui effectue des soins. Mais le hic est : qui crée les tests, qui audite les tests, comment est-ce géré quand quelqu’un se retrouve dans la catégorie de "ne fait pas aussi bien qu’il/elle devrait ?" Acceptons-nous simplement la décision de la personne ou du comité, et prenons-nous notre retraite ? C’est une pente glissante, mais l’idée est valable. »
Un autre lecteur a exprimé des préoccupations similaires. « Des tests ? Quels sont les tests et que nous apprendront-ils réellement ? Par exemple, l’incapacité à se souvenir d’une série de cinq mots nous en dit-elle beaucoup sur les compétences cliniques ? Et que se passe-t-il après un "échec” ? Une supervision ? Une licence ? Cette idée est mal pensée. »
Où sont les preuves ?
La pratique de la médecine devrait reposer sur une base de preuves solides éclairée par des recherches solides, déclare un lecteur.
Un autre a souligné qu’« avant de mettre en place de nouvelles réglementations non fondées sur des preuves », les gens devraient « penser à faire une étude sur les signes et les symptômes qui prédisent l’incapacité d’exercer la médecine, quand le médecin n’abandonne pas volontairement la pratique. Conclusion : est-ce vraiment un problème qu’il y ait beaucoup de médecins qui, en raison de leur âge, ne modifient pas leur pratique, de sorte qu’ils pratiquent selon leurs capacités ? Si oui, voyons ce que disent les études. »
Pas de « tout ou rien »
Certains lecteurs ont suggéré que continuer à pratiquer la médecine jusqu’à un âge avancé n’est pas une proposition de « tout ou rien ». « Pourquoi ne pouvons-nous pas créer un système où les professionnels, tels que les chirurgiens ou le personnel des soins intensifs, devraient après un certain âge adopter un rôle de conseiller ou de mentor ? », s'interroge un lecteur. « Cela pourrait permettre à une expertise précieuse d’être plus largement transmise à la prochaine génération de médecins. Le système actuel, qui consiste à travailler à plein régime jusqu’à ne plus devoir travailler du tout, est-il vraiment le meilleur système possible ? »
Plusieurs lecteurs ont tenu à faire observer que la spécialité comptait. « A 100 ans, un chirurgien est hors course », a écrit l’un d’eux. « En vieillissant, notre temps de réaction aux stimuli externes ralentit, mais ce n’est pas la même chose que le déclin cognitif. Peut-être que j’irais consulter dans des spécialités non chirurgicales. »
Le fait que le chirurgien renonce à pratiquer une intervention chirurgicale après que sa dextérité manuelle ait diminué ne signifie pas qu’il doive abandonner complètement le domaine de la médecine. Un lecteur a décrit un chirurgien orthopédique plus âgé qui, après avoir réalisé qu’il ne pouvait plus effectuer des chirurgies orthopédiques complexes en toute sécurité, est resté au de son équipe au lieu de prendre sa retraite. Il a continué à utiliser ses compétences en diagnostic au profit des patients et de ses collègues chirurgiens. « Je crois qu’il avait plus de quatre-vingts ans lorsque je l’ai vu pour la dernière fois. Il a repéré une fracture qui avait été manquée par la radiologie et, plus important encore, il m’a aidé à éviter les complications de la blessure par écrasement qui en découlait. »
Enfin, avoir une relation ancienne avec le médecin peut entrer en ligne de compte. « Si c’est un médecin que je connais et auquel je fais confiance, je continuerais à le voir. Mais si ce devait être un nouveau médecin pour moi, alors probablement pas, » a commenté un lecteur.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com Physicians React: 'Incompetence in Medicine Has No Age Limit'. Traduit et adapté par Mediquality.net
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Citer cet article: Médecins seniors : faudrait-il une re-certification à partir de 65 ans ? - Medscape - 2 mars 2023.
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