Marseille, France — Le microbiote peut-il permettre de mieux appréhender la physiopathologie des différentes maladies respiratoires ? Peut-il amener à envisager le diagnostic différemment ? Peut-il ouvrir vers de nouveaux traitements pour certaines pathologies pulmonaires ? Autant de questions auxquelles ont tenté de répondre plusieurs intervenants de la session « microbiote » du Congrès de Pneumologie de Langue Française (CPLF) qui s’est déroulé du 27 au 29 janvier 2023 à Marseille. [1]
Que sait-on du microbiote aujourd’hui ?
La Professeure Patricia Lepage de l’Institut Micalis, directrice de recherche à INRAE de Jouy-en-Josas est revenue sur ce que l’on sait actuellement concernant le microbiote en rappelant que l’être humain serait à 50 % microbien et que ces bactéries codent 10 fois plus de gènes que l’être humain. Grâce notamment à la métagénomique, on sait aujourd’hui que le microbiote humain se divise en 25 taxons majeurs ou phyla regroupant environ 5 000 espèces. Chaque microbiote (intestinal, pulmonaire, cutané, buccal, vaginal…) a une composition propre en différents phyla. Même si les connaissances avancent, les fonctions d’environ 40 % de gènes du microbiote humain ne seraient toujours pas identifiées.
Le microbiote pulmonaire est une entité encore difficile à étudier du fait de sa faible biomasse, du risque de contamination des prélèvements et de la variation de sa composition dans le temps. On sait que la diversité du microbiote respiratoire est plus faible que celle du microbiote intestinal et que l’un et l’autre évoluent au cours des premières années de vie sous l’influence notamment du mode d’accouchement, de l’allaitement, de la prise d’antibiotique. Le microbiote pulmonaire se stabiliserait vers 3-5 ans, avec des espèces dominantes au niveau nasopharynx (Moraxella, Staphylococcus, notamment) et des espèces anaérobies (Prevotella, Streptococcus notamment) plus on descend dans l’arbre bronchique.
Un équilibre qui peut devenir fragile…
L’équilibre des communautés microbiennes ou eubiose est un équilibre entre les espèces commensales et les pathobiontes qui stimulent à bas bruit le système immunitaire, le maintenant près à réagir en cas d’infection. Cette eubiose est sous l’influence de facteurs génétiques, géographiques, alimentaires, mais également du cycle circadien et de la prise de médicaments (antibiotiques ou autres). Le microbiote intestinal présente naturellement une capacité de résilience – c’est-à-dire de retour à un état d’équilibre. Cette résilience peut disparaître suite à la prise répétée d’antibiotiques par exemple.
Au niveau intestinal, il existe une importante variabilité interindividuelle qui a amené à décrire 3 grands microbiomes ou entérotypes en fonction de leur enrichissement en Bacteroïdès, Ruminococus (donc Firmicutes) et Provotella. Les dysbioses intestinales sont caractérisées le plus souvent par un appauvrissement de la diversité microbienne et ont été associées à un grand nombre de pathologies intestinales, pulmonaires, neurologiques, métaboliques, etc. La dysbiose pulmonaire, elle est associée à la présence d’un ou plusieurs pathogènes ou pathobiontes et à une augmentation de la diversité et de la charge bactérienne qui pourra évoluer vers une augmentation de la production de mucus et à la formation de biofilms microbiens.
Le microbiote pulmonaire est-il délaissé ?
Biomasse et facilité d’exploration sont deux critères qui contribuent à expliquer pourquoi le microbiote intestinal bénéficie de plus de recherches que le microbiote pulmonaire. Cependant, la mise en évidence d’un axe intestin-poumon laisse supposer que les dysbioses intestinales pourraient avoir un retentissement sur le poumon. Des études ont par ailleurs montré une association entre la dysbiose intestinale et l’asthme ou la rhinite allergique. Sans pour autant encore distinguer la cause de la conséquence.
Médicaments et microbiote une relation à double sens ?
Enfin, une étude ayant évalué l’impact de 1 200 médicaments sur le microbiote a montré que 78 % des antibiotiques ont un effet sur les bactéries intestinales (même lorsque ce n’est pas leur rôle principal). Plus globalement, 24 % des médicaments à visée humaine ont une activité sur la flore commensale (notamment les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les inhibiteurs de la pompe à proton). Il a été mis en évidence que non seulement certains médicaments pouvaient modifier l’équilibre du microbiote, mais également que le microbiote lui-même pouvait modifier l’efficacité et la toxicité de certains traitements médicamenteux. Autant dire que la recherche a encore beaucoup de choses à explorer au sujet du microbiote, ou plutôt des microbiotes.
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
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Citer cet article: Microbiote pulmonaire : que sait-on vraiment ? - Medscape - 7 mars 2023.
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