Paris, France - L'Assurance maladie a présenté la semaine dernière ses premières propositions d'évolutions tarifaires aux syndicats de médecins libéraux en vue de conclure la prochaine convention médicale. Au-delà d’une hausse de 1,5 euro de la consultation pour tous les médecins, elle se dit prête à davantage augmenter les tarifs des praticiens qui souscriraient un contrat d'engagement territorial et s'engageraient à recevoir plus de patients.
Une nouvelle étape vient d'être franchie vers la conclusion de la future convention médicale. Jeudi 16 et vendredi 17 février, le directeur général de l'Assurance maladie Thomas Fâtome, a présenté aux syndicats de médecins libéraux, reçus lors de réunions bilatérales, de premières propositions détaillées de revalorisations tarifaires.
La Cnam s’était attirée les foudres des organisations de médecins en mettant sur la table, début février, pour seule piste une augmentation de 1,50 euro du C. Cette proposition avait été jugée insultante par les représentants de la profession. Elle avait accru le courroux des praticiens invités à manifester à Paris le 14 février dernier pour réclamer davantage de moyens.
Si elles ne constituent pas une version définitive, ces nouvelles propositions sont une première grande avancée sur le champ de la nomenclature. Elles préfigurent le contenu du projet de convention médicale pour les cinq prochaines années que la Cnam devrait soumettre dans les prochains jours aux syndicats, avec l’espoir de finaliser un accord avant la fin février.
Trois niveaux de tarifs
Aujourd’hui, où en est-on ?
L’Assurance maladie est donc prête à revaloriser de 1,5 euro l’ensemble des consultations médicales, ce qui porterait le C des généralistes à 26,50 euros et à 31,50 euros le tarif de base des spécialistes.
L’acte de base serait porté à 33,50 euros pour les pédiatres et les gynécos-médicaux, et à 52,50 euros pour les cardiologues en tenant compte des majorations.
Mais la Cnam souhaite valoriser davantage la consultation des médecins qui s’engageraient à recevoir plus de patients et à s’investir dans les organisations locales, dans le cadre d’un contrat d’engagement territorial (CET).
Les médecins qui le signeraient pourraient accéder à trois niveaux de consultation : un premier niveau dont le montant n’a pas été précisé pour les consultations classiques (dont le montant serait donc supérieur à 26,50 euros).
Le 2e niveau à 40 euro valoriserait une expertise ou un temps de consultation supérieur et un 3e niveau à 60 euros rémunérerait les prises en charges les plus complexes (notamment les consultations d’inscription d’un patient en ALD ou les consultations annuelles du médecin traitant pour les patients en ALD de plus de 80 ans).
Quid du contrat d’engagement territorial ?
Dans la droite ligne du donnant-donnant et pour répondre aux difficultés d’accès aux soins des Français -6 millions n’ont pas de médecin traitant- l’Assurance-maladie souhaite inciter les médecins libéraux à souscrire le contrat d’engagement territorial.
Celui-ci fixerait aux signataires des objectifs pour augmenter l’offre médicale. Le praticien, accessible en secteur 1 ou avec un seuil minimum d’activité à tarifs opposables, serait tenu d’augmenter sa file active ou sa patientèle médecin traitant, d’employer un assistant médical (aidé par la Cnam) ou d’exercer au moins 220 jours par an.
La Cnam souhaite par ailleurs que dans le cadre de cet engagement territorial, les médecins participent aux besoins de soins du territoire en remplissant au moins deux items sur 13 proposés parmi lesquels figurent l’exercice dans un désert (ZIP), la participation à la permanence des soins, l’exercice en maison de santé ou la participation à une CPTS ou à une équipe de soins primaires ou spécialisés, l’accueil de médecins stagiaires, l’ouverture le samedi matin…
L’Assurance maladie confirme l’intention gouvernementale d’atteindre le seuil de 10 000 assistants médicaux d’ici à la fin 2024 (pour 4000 aujourd’hui). Les conditions vont être assouplies pour permettre aux médecins d’embaucher un assistant avec l’aide financière de la Cnam. En contrepartie, le médecin devra accroître le nombre de ses patients.
Par exemple, un généraliste qui aurait 1000 patients l’ayant choisi comme médecin traitant et qui contractualiserait pour être accompagné par un assistant médical, devrait au bout de trois ans avoir augmenté sa patientèle médecin traitant de 305 patients, pour continuer à bénéficier de l’aide à l’embauche de l’assistant.
Petits aménagements pour le forfait médecin traitant
La Cnam envisage de porter un coup de pouce au forfait annuel de patientèle médecin traitant (FPMT). S’il devrait rester à 5 euros pour les patients de 7 à 79 ans et de 6 euros pour les enfants de 0 à 6 ans, son montant sera porté à 50 euros (au lieu de 42) pour les patients en ALD de moins de 80 ans et pour les patients de plus de 80 ans hors ALD. Le FPMT reste fixé à 70 euros pour les patients de 80 ans et plus en ALD.
Tous ces forfaits seront majorés de 30% pour les médecins exerçant en zone d’intervention prioritaire (désert médical) soit une enveloppe estimée à 6500 euros par an, voire de 30% supplémentaires pour les médecins installés depuis moins de trois ans.
Les médecins nouvellement installés bénéficieront par ailleurs de 10 000 euros d’aides à l’installation.
La ROSP est morte, vive le forfait santé publique
L’une des nouveautés de cette convention est la suppression de la Rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) qui semblait avoir atteint ses limites et était décriée par une grande partie de la profession.
La Cnam veut lui substituer un forfait de santé publique pour encourager la prévention primaire et secondaire. Ce nouveau dispositif comprendrait 15 indicateurs au lieu de 29 (diabète, antibiorésistance, cancers, grippe, santé mentale, BPCO, addictions, vaccination…) et mettrait en place un intéressement pour les médecins.
Un forfait numérique remplacera le forfait structure pour accompagner les médecins qui s’équipent avec les nouveaux services numériques. La Cnam annonce la mise en place d’une dotation de 80 000 euros au démarrage et de 50 000 euros de fonctionnement par an pour les équipes de soins spécialisées destinées à améliorer l’égal accès aux soins des spécialistes sur le territoire.
Elle prévoit un coup de pouce aux modificateurs K (porté à 25%) et T (réévalué à 16,5%) pour les praticiens ayant souscrit les options de pratique tarifaire maîtrisée (Optam et Optam-Co).
Enfin, l’Assurance maladie souhaite que la convention s’ouvre à la dimension environnementale en promouvant la sobriété des prescriptions de médicaments et de transports, ou en réduisant le bilan carbone des cabinets médicaux.
Des avancées insuffisantes pour les syndicats
En dépit des nombreuses avancées, les syndicats de médecins libéraux restent sur leur faim. « Pour nous, le niveau de base de la consultation devait être porté à 30 euros et non soumis à une exigence particulière », explique le Dr Franck Devulder, président de la CSMF.
Il regrette que l’assurance-maladie ait tardé à présenter ces propositions tarifaires et qu’elle réclame une issue rapide avant le 28 février alors que son syndicat a programmé de longue date son assemblée générale le 11 mars pour se prononcer sur l’adhésion à cette convention.
« C’est une tentative de passage en force de la Cnam et de l’Etat », regrette le Dr Devulder. Le SML, qui réclame que le montant de la consultation de base soit porté à 50 euros, estime que le compte n’y est pas et la présidente de MG France, le Dr Agnès Giannotti, elle aussi favorable à un C à 30 euros sans contreparties, a regretté auprès du Quotidien du Médecin les nombreuses « contraintes » réclamées aux médecins pour espérer une meilleure rémunération dans le cadre du contrat d’engagement territorial.
A l’heure d’une crise démographique sans précédent, les pouvoirs publics n’en démordent pourtant pas. Dans un entretien au Généraliste, Agnès Firmin Le Bodo a insisté sur l’importance d’aboutir sur ce sujet du CET.
« Nous savons que des professionnels de santé et des médecins travaillent déjà beaucoup et nous entendons leur incompréhension face à cet engagement territorial, affirme la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, […] Une majorité de généralistes y répondent déjà. L’idée n’est pas de surcharger ceux qui font déjà de gros efforts mais de mieux répartir la contrainte sur tous. »
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Citer cet article: Tarifs des consultations: les nouvelles propositions de la Cnam - Medscape - 20 févr 2023.
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