
Pr Benoit De Billy
Paris, France — Entre les 3 et 9 décembre s'est tenu à Kinshasa le 3e congrès international de chirurgie pédiatrique, organisé par l'association franco-congolaise de chirurgie pédiatrique. But de l'opération : convaincre de l'utilité de la spécialité de chirurgie pédiatrique dans un pays, la République démocratique du Congo (RDC), où elle est quasi inexistante. Debriefing avec le directeur scientifique de ce congrès, le Pr Benoit De Billy (Service de Chirurgie pédiatrique, CHU de Besançon).
Medscape édition française : Qui est à l’origine de ce congrès de la chirurgie pédiatrique ?
Pr De Billy : Le congrès a été organisé par l'association franco-congolaise de chirurgie pédiatrique (AFCCP) et il s'agit de son troisième événement. Le premier congrès a eu lieu en 2017, le deuxième en 2019 et le troisième en 2022. Je n’étais pas présent au premier congrès car je n'étais pas disponible mais j'ai participé aux deux derniers.
Comment êtes-vous rentré en contact avec l'association franco-congolaise de chirurgie pédiatrique ?
Pr De Billy : De manière très simple. Le Dr Mboyo, président de l'AFCCP, a fait toute sa carrière en France, en particulier à Besançon, Strasbourg, etc. Quand il est retourné en République démocratique du Congo et qu'il s'est rendu compte de l'état de la chirurgie congolaise, il a contacté d'anciens collègues français. Il a établi un réseau dont je suis.
Il s'agissait pour ce troisième congrès de faire à la fois de la formation et des opérations chirurgicales. Comment cela s'est-il passé ?
Pr De Billy : Cela s'est très bien passé. Nous avons visité un hôpital pour enfants au sein de Kinshasa, l’hôpital pédiatrique de Kalembe-Lembe, relativement bien équipé, avec un bloc très correct, et les chirurgiens des viscères y ont fait deux interventions. Les patients avaient été préparés par le Dr Antoine Mboyo.
C'est une bonne surprise alors ?
Pr De Billy : Oui, ça c'était le début, mais le vrai projet, c'est de monter avec les universitaires locaux un diplôme d'études spécialisé (DES) en chirurgie pédiatrique, qui n'existe pas en RDC. La première difficulté a été de convaincre nos homologues congolais de l'utilité de ce diplôme. Nous avons écrit un programme théorique qui peut être enseigné sur place, mais aussi en distanciel. Ce sont d'ailleurs les mêmes cours que ce que nous faisons en France. Nous organisons alors des séances d'échange sous forme de congrès. Troisième point : la formation pratique. Pour 2023/24, nous envisageons de faire des missions chirurgicales pures. Il fallait aussi que l'on trouve un site où l’on puisse travailler.
Où en êtes-vous de l'édification de ce DES ?
Pr de Billy : Il y a deux aspects. Une partie académique d'abord. Les enseignants locaux commencent à comprendre l'intérêt de ce DES. Et puis il y a l'aspect pratique : des étudiants en provenance de Lubumbashi, de Bukavu et de Kinshasa semblent intéressés. Il faut rappeler que, pour toute la RDC, il n'y a qu'un seul professeur en chirurgie pédiatrique... En décembre nous avons donc réuni une bonne trentaine de participants provenant de tout le pays.
Comment avez-vous jugé des compétences et de la qualité des "étudiants" qui ont assisté à ce congrès ?
Pr De Billy : J'ai travaillé en Afrique de l'Ouest, et j'ai jugé qu'ils avaient du retard par rapport au Togo, Bénin ou Cameroun. Dans ces pays, les connaissances théoriques sont bonnes, mais ils manquent de moyens matériels, tandis qu'en RDC, il y a encore beaucoup de travail à faire en matière de connaissance théorique.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué tant au niveau de la formation que des pathologies rencontrées ?
Pr De Billy : Pour le moment, nous n'avons pas encore fait de vraies consultations mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de différence par rapport au reste de l'Afrique. Sinon j'ai été frappé par le fait qu'il faille convaincre les chirurgiens et les enseignants locaux que la chirurgie pédiatrique est une spécialité en soi. Nous avons eu des échanges à la fois fructueux, intéressants mais tendus au tout début de notre congrès, avec un enseignant de Kinshasa qui pensait qu'il fallait tout savoir faire : une césarienne, une fracture de fémur chez un jeune enfant, un hématome extra-dural, etc. Mais en l'espace de 48 heures de discussion, il a totalement changé d'avis et je pense que les enseignants congolais peuvent être demandeurs de collaboration.
Pensez-vous qu'une collaboration puisse être possible entre l'Ircad Africa et votre initiative ?
Pr De Billy : C'est possible, d'autant que l'Ircad est une émanation de Strasbourg, Antoine Mboyo a travaillé à Strasbourg et je suis moi-même originaire de Strasbourg. Ce sont des gens que l'on connait bien. Mais il faut considérer que, d'un pays à l'autre, en Afrique, il peut exister des hiatus en termes de connaissances qui sont impressionnants. Autant au Rwanda [où se situe l'Ircad Africa], le niveau doit être bon, autant le retard est assez marqué en RDC.
Avez-vous de nouveaux projets en RDC ?
Pr De Billy : Oui nous comptons lancer des missions en nombre réduit, du style deux chirurgiens viscéralistes et un anesthésiste ou encore deux chirurgiens orthopédistes et un anesthésiste, accompagnés d'infirmières, pour faire de la chirurgie pratique, en 2023, à Kinshasa.
De quoi avez-vous besoin pour organiser ces missions ?
Pr De Billy : Nous avons besoin de fonds. Il faut vous dire que le congrès a coûté un bras, car la vie en RDC est très chère. Même dans les marchés, les tarifs sont dix fois plus élevés qu'au Togo par exemple !! Mais nous demandons peu de choses, de quoi nous loger et de quoi voyager. Quant au matériel, nous avons besoin de peu de choses, nous pouvons faire beaucoup avec peu de moyens. En chirurgie viscérale, il leur faut du fil et des outils et pour les orthopédistes, quelques broches et quelques plaques, ce n'est vraiment pas très compliqué.
Quels sont les sujets que vous avez abordés dans le programme scientifique ?
Pr De Billy : Nous avons abordé trois sujets, la néonatalogie, la cancérologie et la traumatologie, principale urgence en termes de santé publique pour un pays de ce genre.
Quels sont les points forts et les points faibles de ce type de congrès ?
Pr De Billy : Le seul point faible, c'est le rapport qualité/prix pour un congrès qui a réuni 36 participants, mais cela est lié au coût de la vie à Kinshasa. Déplacer des spécialistes de Montréal, de France, etc. pour aussi peu de personnes, cela fait beaucoup d'énergie déployée. Mais si, au final, nous avons réussi à convaincre un ou deux congressistes de se former à la chirurgie pédiatrique, alors cela aura été un succès.
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Crédit de Une : DR
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Citer cet article: Un congrès pour promouvoir la chirurgie pédiatrique en République démocratique du Congo - Medscape - 21 févr 2023.
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