Paris, France — Alors que des milliers de médecins manifestaient à Paris entre la place Vauban et le Sénat, les sénateurs, ce 14 février, étaient invités à débattre du projet de loi "Rist", objet du courroux des médecins qui battaient le pavé.
Le texte avait déjà été amendé le 8 février dernier par la commission des affaires sociales du Sénat. Pour rappel, ce projet de loi « d'amélioration de l'accès aux soins » fait la part belle à la montée en charge des paramédicaux.
Accès direct aux patients
L'article 1 de ce projet de loi permet par exemple aux infirmier.es de pratique avancée d'avoir un accès direct aux patients, et leur accorde un droit, dans l'article 1 bis, à la primo-prescription dans le cadre du traitement des plaies. La commission des affaires sociales a restreint cet accès direct aux maisons de santé, centres de santé, équipes de soins spécialisés et primaires, alors que l'Assemblée nationale avait souhaité que cet accès direct soit valable dans l'ensemble des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Les sénateurs en séance publique n'ont pas modifié la version de la commission des affaires sociales. Aussi, la commission avait supprimé le distinguo établi par l'assemblée nationale entre infirmier.es de pratique avancée praticien et infirmier.es de pratique avancée spécialisés.
Désormais, les infirmier.es de pratique avancée incluront également l'ensemble des infirmier.es spécialisés (Iade, Ibode, Ipuer) « comme auxiliaires médicaux en pratique avancée ».
Kinésithérapeutes et orthophonistes pourront aussi avoir un accès direct aux patients, mais uniquement dans les structures d'exercice cordonnée, à l'instar des IPA.
L'article 2 limite en revanche à cinq par année le nombre de séances qu'un kinésithérapeute peut prescrire à un patient sans prescription médicale. En séance publique, les sénateurs ont supprimé l'article 2 bis, lequel permettait la prescription par un kinésithérapeute d'une activité physique adaptée aux patients en ALD.
L'article 3 autorise l'orthophoniste à exercer sans prescription médicale (et sans restriction) dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux, ainsi que dans les structures d'exercice coordonné.
Indemniser les rendez-vous non-honorés
L'article 3 bis concerne l'indemnisation des rendez-vous non honorés. Les sénateurs en séance publique ont élargi cet article, qui dans un premier temps ne concernait que les médecins, à l'ensemble des professionnels de santé.
L'article 4 autorise, quant à lui, les assistants dentaires à « contribuer aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins postchirurgicaux ».
Permanence des soins ambulatoire
L'article 4 ter permet aux sage-femmes, aux chirurgiens-dentistes et aux infirmiers de concourir à la permanence des soins ambulatoire. La commission a toutefois supprimé la notion de responsabilité collective, imprécise, de même que l'article 4 quater relatif à l'engagement territorial des médecins, « qu'elle a jugé inutile et qui interférait avec les négociations en cours ».
L'article 4 sexies permet aux préparateurs en pharmacie « d'administrer les vaccins, listés par arrêté, contre la grippe saisonnière, la Covid-19 et la variole du singe ».
Par ailleurs, peut exercer la fonction de préparateur en pharmacie, outre les professionnels diplômés, « toute personne ayant obtenu une autorisation d’exercice délivrée par le ministre chargé de la santé. L'article 4 septies autorise les pédicures-podologues à prescrire des orthèses plantaires, sauf avis contraire du médecin traitant ».
L’assistant de régulation médicale, nouveau professionnel de santé
L'article 4 decies définit la fonction d'assistant de régulation médicale, considéré comme un professionnel de santé : « L’assistant de régulation médicale assure, sous la responsabilité d’un médecin régulateur, la réception des appels reçus dans un centre de réception et de régulation des appels d’un service d’accès aux soins ou d’un service d’aide médicale urgente. »
En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement qui permet aux assistants de régulation médicale non diplômés de continuer à travailler jusqu'au 1er janvier 2026.
Un autre article lance une expérimentation de prélèvement cervico-vaginal par des pharmaciens biologistes pour une durée de 18 mois dans cinq départements. Enfin, un nouvel article 4 quaterdecies autorise des « professionnels de santé, ou certaines catégories de personnes, listés par un arrêté du ministre chargé de la santé » à réaliser l’ensemble des tests de dépistage.
Crise de l’accès à la santé
La loi Rist outrepasse le simple accès direct des patients aux IPA en desserrant l'étau autour de certains paramédicaux, pour leur permettre de prescrire, et ce afin d'anticiper une baisse drastique de la démographie médicale dans les années à venir.
« Il faut nommer les choses : nous sommes confrontés à une crise de l'accès à la santé. Pour les médecins, nous avons supprimé le numerus clausus, mais les effets ne seront pas immédiats [...] Nous devons mobiliser tous les leviers pour mieux partager les tâches et gagner du temps médical. Cela passe notamment par des compétences élargies pour chaque acteur de santé, dans le rôle qui est le sien, et par la rénovation de l'organisation du parcours de soins autour du médecin traitant », avait annoncé la ministre déléguée aux professions de santé, Agnès Firmin le Bodo, lors de la discussion générale de cette PPL au Sénat.
Reste à voir si l'Assemblée nationale restera fidèle aux amendements du Sénat, ou préfèrera revenir à la première version de la loi Rist, qui encadrait beaucoup moins l'accès direct aux IPA, notamment.
La loi Mesnier retirée
La loi de Thomas Mesnier, ex-député Renaissance, « visant à améliorer l’accès aux soins pour tous », devait être examinée en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ce 15 février. Las ! Celui qui devait être son rapporteur, Frédéric Valletoux, député Horizons et ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a préféré reculer, en retirant cette proposition de loi. Pour rappel, cette PPL avait soulevé l’ire des libéraux. Pour la simple raison que ce texte restreignait la liberté d’installation des médecins en soumettant toute installation à l’autorisation des ARS. « Le dialogue est bloqué », avait constaté Frédéric Valletoux, à la suite des premières auditions qu’il avait menées es qualités de rapporteur de cette loi. Mais l’ex-président de la FHF recule pour mieux sauter : il devrait présenter une nouvelle proposition de loi « santé et territoires », et nul ne saurait dire s’il a l’intention de préserver la liberté d’installation des médecins….
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: La loi Rist adoptée au Sénat malgré la colère des médecins - Medscape - 16 févr 2023.
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