Marseille, France –En s’appuyant, l’une sur la cohorte PALOMB et l’autre sur la base de données IQVIA, deux interventions au 27e Congrès de pneumologie de langue française (CPLF 2023) ont évalué le fardeau porté par les individus traités pour bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) en France [1].
Les deux soulignent le poids des comorbidités, à l’origine d’une polymédication généralisée. De plus, en dépit de l’augmentation du tabagisme des femmes, le sexe masculin constitue toujours un risque accru de décès. Enfin, une enquête a exploré les pratiques écologiques de ces malades chroniques vis-à-vis des inhalateurs.
1 300 000 patients BPCO identifiés
La BPCO est considérée comme la 3e cause de mortalité à l’échelle mondiale. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes, et ces dernières de plus en plus fréquemment, précisément à cause de l’augmentation de la prévalence du tabagisme chez elles dans de nombreux pays développés. Vivre avec cette pathologie respiratoire représente un fardeau reconnu, qui découle à la fois des symptômes, des complications (exacerbations, insuffisance respiratoire chronique), des multiples comorbidités, des traitements et de la consommation de soins en général.
Tous ces points d’impact conditionnent les besoins d’optimisation de prise en charge mais encore faut-il les cerner précisément. Un nombre croissant d’études s’appuient sur la base de données IQVIA collectant les médicaments délivrés par un panel de 10 000 pharmacies françaises, concernant 47 millions de patients.
Précisément, dans le cadre de cette étude menée chez les seuls patients BPCO, un algorithme d’intelligence artificielle a été développé à partir des données des 10 dernières années afin de distinguer ceux recevant un traitement pour la BPCO notamment vis-à-vis des patients asthmatiques [2].
Au CPLF 2023 étaient présentés les résultats sur la période juillet 2021-juin 2022. Au total, plus de 1 300 000 patients ont été identifiés comme traités pour BPCO en France, soit 2,1 % de la population française (37 % de femmes, âge moyen 70 ans ; 60 % ont déclaré une ALD exonérante).
BPCO, le poids des pathologies concomitantes
Parmi ces patients diagnostiqués BPCO, 57 % ont reçu un traitement pour insuffisance cardiaque (IC) et 47 % pour une pathologie cardiovasculaire (hors IC). Par ailleurs, 19 % étaient traités pour diabète et 41 % pour anxiété / dépression / pathologie psychiatrique.
Plus de la moitié de ces personnes a présenté au moins une exacerbation modérée de BPCO dans les 12 derniers mois. 13 % des exacerbations étaient traitées par corticostéroïdes oraux (CSO). 46 % des patients recevaient un antibiotique et 41% étaient sous CSO et antibiotique.
Globalement, le nombre moyen mensuel d’unités de traitement délivrées en officine de ville, tout traitement confondu (c’est-à-dire incluant les traitements pour la BPCO) augmente avec l’âge : il est de 5 pour les moins de 50 ans, 6 pour les 50-65 ans, 8 pour les 65-80 ans et 10 pour les plus de 80 ans. Enfin, « le recours aux pneumologues paraît faible, souligne le Pr Nicolas Roche (Service de pneumologie et soins intensifs respiratoires, hôpital Cochin, AP-HP Paris) l’investigateur principal de l’étude. Au cours de cette période d’un an, seuls 13 % de ces patients traités pour BPCO ont consulté un pneumologue, 63 % un médecin généraliste et 24 % à la fois un pneumologue et un médecin généraliste. »
Le sexe, facteur déterminant du décès dans la BPCO
Les données qui vont suivre proviennent de l’une des rares cohortes prospectives françaises d’ampleur de patients BPCO [3]. PALOMB existe depuis 2013 grâce aux pneumologues de Charente et d’Aquitaine. L’analyse descriptive porte sur les données à l’inclusion. Des analyses de régression logistique univariée et multivariée ont été réalisées pour comprendre les facteurs associés au statut vital, recueilli en 2022.
En février 2022, 3 228 patients étaient inclus, dont 36,5 % de femmes, plus jeunes que les hommes mais aussi plus nombreuses à être fumeuses actives (45,6 % contre 35,4 %). Les hommes étaient plus souvent d’anciens fumeurs, avec un nombre de paquets fumés par an plus élevé que les femmes (40,2 contre 35,8 ; p<0,001).
« Le phénotype "exacerbateur fréquent" (>2/an) concernait plus souvent les femmes que les hommes, a fait remarquer Nolwenn Jestin-Guyon (Université de Bordeaux, Inserm UMR1219, Bordeaux Population Health Centre de Recherche, Équipe EPICENE ; Bordeaux). Celles-ci présentaient aussi plus souvent une dyspnée. Pour leur part, les hommes présentaient plus de symptômes d’expectoration (p<0,004) et un volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS) plus faible. Comme attendu, les comorbidités cardiovasculaires affectaient plus souvent les hommes (59,44 % ayant une comorbidité ou plusieurs contre 42,3 %) alors que l’anxiété (10,8 % contre 21,1%), la dépression (8,8 % contre 21,2 %) et l’asthme (9,3 % contre 13,2 %) se retrouvaient plus souvent chez les femmes. Concernant la mortalité dans cette population de personnes souffrant de BPCO, au 20 juin 2022, 26,6 % des patients étaient décédés, dont plus d’hommes (31,2 %) que de femmes (18,6 %). En analyse multivariée, nous avons constaté dans notre cohorte que le sexe masculin représente un risque significativement plus élevé de décès. »
Le voile se lève sur la dimension écologique des traitements inhalés
Une enquête conduite par l’association mixte de patients, d’aidants et de professionnels de santé au niveau national (Santé respiratoire France) emboîte le pas de la pneumologie écoresponsable et sondait pour la première fois les personnes insuffisantes respiratoires sur leurs pratiques « vertes » avec les inhalateurs [4]. Entre avril et mai 2022, 644 patients ont rempli un web questionnaire auto-administré (90 % des répondants avaient au moins une BPCO ; 23 % un asthme et une BPCO ; 46 % étaient diagnostiqués depuis + de 10 ans).
Pour son président, le pneumologue Frédéric le Guillou (Le Pradet), « les patients aspirent à réduire l’impact de la production de déchets par inhalateur sur l’environnement, sans être culpabilisés. L’offre de boîtes trimestrielles est en cohérence avec les attentes des patients-consommateurs. Il serait de plus judicieux de communiquer sur les procédures de collecte des dispositifs usagés et de favoriser l’apport volontaire en pharmacie. »
Dans le détail, la préférence des patients allait aux boîtes trimestrielles (à 75 %) par comparaison aux mensuelles (25 %). 17 % en avaient déjà entendu parler. 89 % reconnaissaient des avantages aux packs trimestriels : moins de déchets d’emballage (60 %), optimisation de la gestion des stocks personnels qui favorise le respect de la prescription (54 %) et moins de trajets à la pharmacie (52 %). Quant à la gestion des déchets des inhalateurs, une grande marge d’amélioration existe. 73 % adoptaient une mauvaise pratique de gestion des déchets de leurs inhalateurs ; 39 % les jetant sans distinction dans les poubelles ménagères. Seuls 27 % les rapportaient en pharmacie. 84 % ignoraient cette possibilité, et 16 % l’estimaient trop contraignante. Pour réduire la production de déchets, les solutions plébiscitées sont le retour en pharmacie (65 %) et le dépôt en points de collecte (45 %).
Liens d’intérêt :
- Pour l’étude « Fardeau et prise en charge des patients traités pour BPCO en France », Roche N déclare avoir perçu des honoraires et financements de projets de recherche de la part des Laboratoires Boehringer Ingelheim, Novartis, GSK, Pfizer, Austral, Teva, GSK, AstraZeneca, Chiesi, Menarini, MSD, Nuvaira, Sanofi, Zambon ; Thabut G est employée par AstraZeneca, sponsor de cette étude ; Bourg O est employé par IQVIA, en charge de la conduite de l'étude ; Raoul T est employé par IQVIA, en charge de la conduite de l’étude ; Leynaud D est employée par AstraZeneca, sponsor de cette étude ; Poccardi N est employée par AstraZeneca, sponsor de cette étude.
- La cohorte Palomb est soutenue par la Fondation Bordeaux Université, Boehringer Ingelheim, Chiesi, Gsk, Isis Medical, Novartis
Nolwenn Jestin-Guyon déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cette intervention.
- Pour l’enquête « BPCO, asthme : la dimension écologique des traitements inhalés, un levier de l’observance », Le Guillou F. ; Daffourd V. ; Grosset C. ; Antone E. ; Padovani M. ; Scanu P. ; Joubert H. ; Sauvaget O. déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cette enquête.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Quel est le profil des patients français atteints de BPCO ? - Medscape - 16 févr 2023.
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