Paris, France — Dans un rapport, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) dénonce les publicités vantant de manière illicite les nouveaux produits de vapotage et de tabac chauffé [1]. C’est le cas pour la « Puff », une cigarette électronique jetable, contenant pour la plupart de la nicotine, qui séduit les plus jeunes avec ses arômes sucrés. Une enquête du comité montre que près de 85% des buralistes faisant la publicité du vapotage sont dans l’illégalité.
En s’appuyant sur les résultats de l’enquête, le CNCT appelle à « agir pour prévenir une nouvelle épidémie [d’addiction] à la nicotine ». Elle demande aux pouvoirs publics une « interdiction immédiate des arômes autre que celui du tabac pour l’ensemble des produits contenant de la nicotine », « un meilleur encadrement de la vente de ces produits » et « une révision approfondie de la réglementation des nouveaux produits de la nicotine ».
Progression exponentielle des puffs
Saveur Cola, fruit du dragon, fruits rouges, menthe, caramel, pomme/poire, cerise/fraise, tarte au citron, bonbon acidulé, bubble-gum rose, colada à l’ananas… Un rapide coup d’oeil sur un site français spécialisé dans la vente des produits de vapotage permet de visualiser l'incroyable diversité des arômes des dispositifs de vapotage jetables actuellement proposés.
Ces cigarettes électroniques non rechargeables de type puff, au design simple et coloré, sont proposées à moins de dix euros. Elles sont aussi disponibles chez les buralistes ou dans les supermarchés. La grande majorité des modèles affichés contiennent de la nicotine (entre 0,9 et 20 mg/mL) et dispose d’une autonomie de batterie permettant 600 bouffées, l’équivalent de deux paquets de cigarettes.
« Loin d’aider les fumeurs dans leur sevrage tabagique, la démultiplication des arômes dans les nouveaux produits vise uniquement à l’hameçonnage de jeunes consommateurs. Sans interdiction rapide des arômes, la situation risque de devenir incontrôlable », a commenté le Pr Yves Martinet, président du CNCT. Pour rappel, la vente des produits de vapotage est interdite aux mineurs.
En ce qui concerne les nouveaux produits du tabac chauffé, le pneumologue déplore également une mise en avant illégale. « Alors que les publicités sur le tabac traditionnel ont globalement disparu, le dispositif IQOS est massivement promu à travers une campagne de violation de la réglementation de grande ampleur, avec le soutien actif du réseau des buralistes français ».
Promotion illicite du tabac chauffé
L’année dernière, la Direction générale de la santé (DGS) avait déjà alerté sur la diffusion auprès du jeune public des dispositifs de vapotage jetable « rendus particulièrement attrayants pour cette population ». Ces cigarettes puffs, dont certaines ne sont pas certifiées, font notamment l’objet d’une intense promotion sur les réseaux sociaux.
Concernant la vente de produits du tabac et de vapotage, la France a adopté une législation très stricte en matière de publicité. Sur les lieux de vente, la publicité pour le tabac est totalement interdite. Elle est en revanche autorisée pour les produits de vapotage, mais uniquement sous forme d’affichette informative, non visible de l’extérieur.
Entre 2020 et 2022, le CNCT a mené une enquête pour évaluer notamment la promotion dans les lieux de vente français des nouveaux produits du tabac et de la nicotine. Chaque mois, un panel d’une trentaine de lieux de vente est visité par un binôme d’enquêteurs. Deux tiers des magasins visités sont des débits de tabac et un tiers des enseignes de produits du vapotage à Paris et dans plusieurs villes de France.
« Si l’interdiction totale de toute publicité en faveur du tabac est globalement
respectée, on note une exception majeure pour le dispositif de tabac chauffé IQOS de Philip Morris activement promu dans les débits de tabac », note le CNCT dans son rapport. Ainsi, l’enquête montre que 47% des buralistes font une promotion illicite du tabac chauffé.
Markéting agressif des fabricants de tabac
Après l’interdiction en mai 2020 du menthol dans les cigarettes et le tabac à rouler, une communication importante a été constatée chez les buralistes pour mettre en avant les arômes mentholés des nouveaux produits du tabac et de la nicotine, non concernés par l’interdiction. « Le rôle des buralistes (…) a été très net, dans la mesure où l’objectif était de contourner la nouvelle règle », précisent les auteurs.
Concernant les produits de vapotage, « on constate un non-respect global de l’interdiction de publicité sur les lieux de vente aussi bien de la part des buralistes que dans les enseignes de vapotage ». Chez les buralistes, 84,5% de ceux faisant de la publicité pour le vapotage sont en illégalité, tandis que 72% des magasins de vapotage ne respectent pas la réglementation.
Les publicités pour les produits de vapotage étaient visibles de l’extérieur dans 43% des cas. Par ailleurs, parmi les établissements faisant de la publicité pour ces produits, les trois-quarts ne respectaient pas le format autorisé de l’affichette. Des taux qui seraient en-deçà de la situation actuelle, puisque le plus fort du marketing accompagnant le phénomène des cigarettes électroniques jetables est intervenu après l’enquête, précisent les auteurs.
« Les tactiques marketing déployées rappellent celles autrefois utilisées par les cigarettiers pour les produits traditionnels du tabac », commente le CNCT. Les fabricants, « ont massivement investis les débits de tabac », axant notamment leur publicité « sur la diversité des arômes attractifs disponibles
pour les produits du vapotage », également moins coûteux que les cigarettes traditionnelles.
« Cette généralisation de la promotion de ces produits se fait à la faveur de la diversification des débits de tabac, où de plus en plus de non-fumeurs fréquentent ces établissements, et également compte tenu du développement de nouveaux lieux de vente non traditionnels très fréquentés par le grand public », en particulier les lieux spécialisés dans les produis de vapotage.
Inquiétude pour les plus jeunes
Le comité se montre particulièrement préoccupé pour les plus jeunes, alors que la consommation de nicotine est banalisée par l’utilisation des cigarettes électroniques jetables de type puff. « L’accessibilité aisée de ces produits en ligne pose par ailleurs la question du non-respect de l’interdiction de leur vente aux mineurs ».
« Le développement de ces produits est en grande partie portée par la démultiplication des arômes, qui ciblent les jeunes publics, comme en témoigne la progression exponentielle des puffs en France. Ces produits, insistant sur leur dimension récréative et minimisant leur caractère addictif et toxique, ont un rôle central dans la normalisation de la nicotine. »
Une stratégie similaire est également employée pour les sachets de nicotine orale dénommés « nicotine pouches ». Proposés dans une gamme très variée de saveur, ces produits sont vendus sous forme de sachets semblable au snus, une poudre de tabac humide interdit à la vente en France.
Au lieu de contenir du tabac, les sachets de nicotine sont remplis de fibres végétales et d’une poudre blanche contenant de la nicotine, généralement fortement dosée.
En plus d’appeler les pouvoirs publics à prendre des mesures en conséquence, le CNCT prévoit de lancer une campagne de sensibilisation visant à informer sur le caractère nocif et addictif des produits du vapotage.
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Crédit de Une : Aude Lecrubier
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Citer cet article: Vapotage et tabac chauffé: la majorité des buralistes dans l’illégalité - Medscape - 14 févr 2023.
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