New York, Etats-Unis – Une étude de cohorte rétrospective portant sur les vétérans américains, publiée le 1er février 2023 dans la revue PLos One a montré qu’une supplémentation orale en vitamine D a permis de réduire de moitié le taux de suicide et d’automutilation avec un effet plus marqué chez les vétérans afro-américains. [1]
L’étude de cohorte rétrospective a également montré que des doses quotidiennes plus élevées de suppléments en vitamine D semblaient offrir une plus grande protection contre le risque de suicide et d’automutilation que des doses plus faibles, et que l'effet était plus important chez les personnes présentant une carence ou une insuffisance en vitamine D au départ.
Il a aussi été démontré que les suppléments de vitamine D2 (ergocalciférol) et D3 (cholécalciférol) étaient tous deux efficaces.
« En tant que médicament relativement sûr, facilement accessible et abordable, la supplémentation en vitamine D au sein de l'“Administration des anciens combattants” peut être prometteuse, si elle est confirmée par des essais cliniques, pour prévenir les tentatives de suicide et le suicide lui-même », notent les Drs Jill E. Lavigne et Jason B. Gibbons, auteurs de l’étude.
En attendant ces essais de confirmation, ils recommandent la chose suivante : « Les médecins peuvent souhaiter initier une supplémentation en vitamine D à faible dose, par exemple au niveau des États-Unis [apport nutritionnel recommandé] de 600 UI par jour, sans dépistage chez les patients ayant des antécédents de comportement ou d’idées suicidaires ou présentant des signes avant-coureurs de comportement suicidaire. »
Le groupe de travail américain sur les services préventifs (Preventive Services Task Force) déconseille le dépistage systématique de la vitamine D. Une méta-analyse de 11 essais n'a pas montré d’impact de la supplémentation en vitamine D sur la mortalité, ni sur la dépression dans différentes populations.
Cependant, « les participants dans ces études n’étaient pas carencés vitamine D. Il s’agit là d’une limite importante, d’où l’appel à de nouvelles recherches. Notre article utilise des données du monde réel », a déclaré la Dre Lavigne du centre d'excellence des vétérans américains pour la prévention du suicide (Canandaigua, New York, États-Unis), à l’édition américaine de Medscape.
Un tiers des militaires présentent une carence en vitamine D
Il a été démontré qu'environ un tiers des militaires américains présentent des taux de 25-hydroxyvitamine D [25(OH)D] inférieurs à 20 ng/mL, ce qui est considéré comme une carence.
La carence en vitamine D est particulièrement fréquente chez les hommes et chez les personnes ayant un taux de mélanine plus élevé et donc une peau plus foncée.
Dans le même temps, les militaires et les anciens combattants présentent également des taux élevés de tentatives de suicide et de suicide, notent les Drs Lavigne et Gibbons dans leur article.
Le Dr Gibbons, postdoctorant au département de la politique et de la gestion de la santé de l’université Johns Hopkins (Baltimore, Maryland, États-Unis) a déclaré à l’édition américaine de Medscape : « Il y a quelques signaux montrant que la supplémentation en vitamine D pourrait être bénéfique sur la dépression et que les personnes les plus sévèrement déprimées en tiraient de plus grands bénéfices. Il est donc possible qu’une partie de ce que nous observons soit quelque peu conditionné par le fait qu’il s’agissait d’une population plus touchée par la dépression au départ. »
Le Pr Michael F. Holick, professeur de médecine à la faculté de médecine Chobanian & Avedisian (Boston, Massachusetts, États-Unis), invité à commenter ces résultats par Medscape Medical News, a déclaré : « À mon avis, il s’agit d'une publication incroyablement importante pour diverses raisons. Pour commencer, on a affaire à un chiffre énorme. »
Le Pr Holick a souligné qu'il y a eu une controverse dans la littérature quant à savoir si la vitamine D2 (ergocalciférol) est aussi efficace que la D3 (cholécalciférol), mais que cette étude confirme ses travaux précédents montrant qu’elles ont une activité égale. « Cela démontre maintenant que la vitamine D2 est aussi efficace que la vitamine D3, dans ce cas, pour réduire le risque de suicide. »
En outre, le Pr Holick a souligné : « Lorsque vous regardez les graphiques montrant le taux de suicide par rapport aux témoins, c’est spectaculaire... un risque réduit de près de 50 %... Cette étude est très puissante. »
Le taux de tentatives de suicide avec la vitamine D par rapport aux contrôles est “dramatique”
En utilisant des données de santé électroniques, les Drs Lavigne et Gibbons ont mené leur étude de cohorte rétrospective sur 1,3 million de vétérans américains entre 2010 et 2018. Environ 490 885 anciens combattants qui ont reçu de la vitamine D3 (cholécalciférol) et 169 241 anciens combattants qui ont reçu de la vitamine D2 (ergocalciférol) ont été comparés individuellement avec des anciens combattants aux caractéristiques démographiques et aux antécédents médicaux similaires qui n’ont pas reçu de supplémentation.
Les taux non ajustés de tentatives de suicide ou d'automutilation intentionnelle dans l'échantillon D2 étaient de 0,27 % pour les personnes traitées contre 0,52 % pour les personnes non traitées. Les pourcentages correspondants pour la vitamine D3 étaient respectivement de 0,20 % et 0,36 %.
La supplémentation en vitamine D2 a été associée à une réduction de 48,8 % des risques de suicide ou d’automutilation, et la vitamine D3 à une réduction de 44,8 %, toutes deux hautement significatives (P < 0,001).
Ces réductions de risque étaient similaires chez les hommes et les femmes.
Il existe cependant une différence selon l’ethnie de la personne étudiée. L’effet de la supplémentation était plus important chez les anciens combattants afro-américains que chez les vétérans caucasiens, avec des réductions du risque de suicide ou de tentative d’automutilation de 57,9 % contre 46,3 %, respectivement, pour la vitamine D2 et de 63,8 % contre 38,7 %, respectivement, pour la vitamine D3.
Par ailleurs, selon les taux sériques de base de vitamine D, parmi les personnes présentant une carence (0-19 ng/ml), la vitamine D3 était associée à une réduction significative de 64,1 % par rapport aux témoins non traités. Chaque point de pourcentage supplémentaire d’augmentation de la dose quotidienne moyenne était associé à une réduction du risque de 13,8 %, ce qui était également significatif.
Pour les anciens combattants dont le taux sanguin de vitamine D était compris entre 20 et 39 ng/ml, bien que l'association globale ne soit pas significative, la supplémentation en vitamine D3 était associée à une réduction de 9,6 % du risque de tentative de suicide et d’automutilation pour chaque point de pourcentage supplémentaire d’augmentation de la dose quotidienne moyenne.
Parmi les personnes présentant une insuffisance en vitamine D (≥ 40 ng/ml), il n’y avait pas d’association significative globale ou dose-réponse avec la vitamine D2 ou D3 et le risque de tentative de suicide ou d'automutilation.
Financements et liens d’intérêts
Cette étude a été soutenue, en partie, par des ressources du Centre d'excellence pour la prévention du suicide du ministère des Anciens Combattants. Le soutien financier pour l’analyse des données VA/CMS a été fourni par le Department of Veterans Affairs, VA Health Services Research and Development Service, VA Information Resource Center et attribué aux Drs Lavigne et Gibbons. Le Pr Holick a reçu des subventions de recherche de Carbogen et Solius, et est consultant pour Pulse et Solius.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Vitamin D Supplementation Linked to Fewer Suicide Attempts. Traduit et adapté par Mona El-Guechati
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Supplémenter en vitamine D pour limiter les tentatives de suicide ? - Medscape - 15 févr 2023.
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