Syrie, Turquie – Les violents séismes en Turquie et en Syrie ont détruit des milliers de bâtiments, dont plusieurs hôpitaux en Turquie et dans le nord de la Syrie. Dans le nord-ouest de la Syrie, les villes d'Alep, Homs et Hama ainsi que la région d'Idlib ont été touchées et en Turquie, le gouvernement a déclaré l'état d'urgence pour 10 villes.
Mais, alors que l’aide internationale a afflué rapidement dans la zone sinistrée de Turquie, l'aide humanitaire peine à atteindre les régions touchées dans le nord de la Syrie.
Une course contre la montre
Les secousses sismiques ont jusqu'à présent coûté la vie à plus de 16 000 personnes, selon le dernier bilan officiel, rendu public jeudi 9 février, avec au moins 12 873 personnes tuées en Turquie et 3 162 en Syrie.
Selon l'OMS, jusqu'à 23 millions de personnes pourraient être touchées par les conséquences des tremblements de terre. « C'est une course contre la montre. Chaque minute, chaque heure qui passe réduit les chances de trouver des survivants », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, le 7 février [1].
Mais les températures glaciales, les répliques persistantes, les routes détruites, les décombres et les cratères de plusieurs mètres de profondeur, les dégâts sur les réseaux électriques, de communications et d’autres infrastructures continuent de compliquer les opérations de recherche et de sauvetage.
À cela s'ajoute le fait que dans la zone du séisme, des millions de réfugiés de la guerre civile syrienne vivent des deux côtés de la frontière. Rien que dans le nord-ouest de la Syrie, 1,7 million de personnes déplacées vivent dans des conditions précaires dans des camps, selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés. Le nombre de réfugiés directement touchés par les tremblements de terre n'est pas encore connu.
« Les nouvelles que nous continuons de recevoir de Turquie et de Syrie sont tragiques. Nous avons perdu un collègue et beaucoup de nos collaborateurs ont perdu des membres de leur famille dans les tremblements de terre. Mon cœur est avec toutes les personnes touchées et le personnel de MSF travaille 24 heures sur 24 pour apporter son soutien », a tweeté mardi après-midi le Dr Christos Christou, président de Médecins Sans Frontières [2].
La région d'Idlib, dans le nord de la Syrie, ne peut espérer aucune aide de l'État
Alors que des équipes de secours du monde entier sont à pied d’œuvre en Turquie, la Syrie reste sur la touche. Les routes menant au seul point de passage ouvert de Bab al-Hawa sont endommagées, ce qui retarde l'acheminement de l'aide humanitaire, rapporte l'ONU.
Aussi, depuis 12 ans, la Syrie est en proie à la guerre civile et dans le nord de la Syrie, une région où l'accès aux soins et la situation humanitaire étaient déjà détériorés, ce tremblement de terre est dévastateur.
Le gouvernement syrien a promis de l'aide, mais dans la région d'Idlib – qui n'est pas sous le contrôle du gouvernement mais de l'État Islamique (EI) – les habitants ne peuvent pas compter sur l'aide de l'État. Ils dépendent de l'aide venant de l'étranger.
« Cette région n'a pas de gouvernement, c'est pratiquement un no man's land et les médias d'État syriens n'en parlent pas. On ne sait pas combien de personnes sont mortes là-bas », a rapporté Falah Elias [3], reporter et présentateur à la WDR, dont les parents vivent en bordure de la zone sinistrée dans le nord-ouest de la Syrie.
De son côté, Oussama Al-Hussein, coordinateur des programmes de l’ONG française Mehad (Ex-UOSSM France) en Syrie et présent à Atme, dans la région d’Idleb, témoigne : « la situation est terrifiante. Les quartiers sont complètement dévastés. Les gens ne savent pas quoi faire ni où aller. Nous entendons les sirènes des ambulances de façon incessante, les cris des personnes qui voient leur maison détruite, les appels à l’aide sous les décombres. Les soignants et les secouristes prennent en charge les blessés en urgence mais ils sont complètement submergés. »
« Nous avons besoin d'aide à Idlib. S'il vous plaît, aidez-nous à faire venir des médecins à Idlib », a tweeté lundi le Dr Shajul Islam [4], un médecin urgentiste britannique qui a travaillé au St Bart's Hospital en Grande-Bretagne et qui vit et travaille dans la région d'Idlib depuis quelques années : « les patients les plus critiques de toute la région nous ont été amenés d'un seul coup. Nous avons maintenant besoin de soutien pour assurer leur traitement médical », poursuit le Dr Islam [5].
Le médecin évoque le cas du petit Mustafa, qui a pu être sorti des décombres avec ses trois frères et sœurs. « Il n'a subi que des blessures légères, mais sa sœur est dans notre unité de soins intensifs et se bat pour sa vie. » Le Dr Islam décrit également le cas d'un bébé qui a pu être sorti des décombres et qui est maintenant hospitalisé mais dont la famille a disparu.
Médecins sans frontières : « les structures de soin de la région sont débordées »
Médecins sans frontières [6], qui vient en aide aux populations du nord de la Syrie depuis 2009, a fourni des kits médicaux d'urgence et du personnel à 23 établissements de santé des gouvernorats d'Idlib et d'Alep pour renforcer leurs équipes. « Les structures de soin de la région sont débordées, le personnel médical du nord-ouest de la Syrie travaille 24 heures sur 24 pour répondre au grand nombre de blessés qui arrivent dans les structures », a rapporté Sébastien Gay, chef de mission de Médecins Sans Frontières en Syrie [6,7].
« En Syrie, nous avons pu mobiliser toutes nos équipes médicales déjà présentes sur place dès les premières heures. Dans la phase aiguë, il est essentiel d'agir rapidement et, à plus long terme, les besoins médicaux seront également importants en raison des conséquences », explique Sébastien Gay.
La détresse dans le nord-ouest de la Syrie est très grande, car le tremblement de terre rend encore plus dramatique la situation des populations vulnérables, qui doivent encore lutter après de nombreuses années de guerre, ajoute-t-il.
« Au cours des premières heures, nos équipes ont traité environ 200 blessés et nous en avons accueilli 160 dans les installations et cliniques que nous gérons ou soutenons dans le nord d'Idlib. Nos véhicules de secours sont également utilisés pour venir en aide à la population », poursuit le chef de mission.
Christian Katzer, directeur de Médecins sans frontières, qualifie la situation dans le nord-ouest de la Syrie de « catastrophique » [8]. Selon lui, l'ampleur des dégâts dans la région a entraîné la destruction de centaines de maisons et laissé des milliers de personnes sans abri.
« Nous avons appris aujourd'hui la triste nouvelle qu'un de nos collaborateurs n'a pu être retiré que mort des décombres de sa maison à Idlib. D'autres de nos collaborateurs – nous en avons plus de 500 dans le nord de la Syrie – ont perdu des proches. La situation est très confuse », a rapporté Christian Katzer. Le système de santé – déjà extrêmement sollicité en raison de la guerre – est lui-même touché, plusieurs hôpitaux ont été détruits par le séisme.
Enfin, il a neigé ces trois derniers jours. Pourtant, les gens restent souvent à l'extérieur par crainte de nouvelles répliques, qui ont duré toute la journée.
Marcus Bachmann, de Médecins Sans Frontières Autriche, rappelle dans un entretien [9] que le système de santé dans le nord de la Syrie n'était déjà pas en mesure d'assurer les soins de base avant le séisme. Le tremblement de terre a dramatiquement aggravé la situation. « En raison des routes détruites, de nombreux blessés arrivent tardivement à l'hôpital – lutter contre les infections des plaies est la priorité, car nous voyons beaucoup de patients septiques. »
La section autrichienne s’apprête à remplacer provisoirement les centres de soins détruits par des hôpitaux de campagne. Selon Marcus Bachmann, ces derniers ont l'avantage de rendre fonctionnelles de salles d'opération en quelques heures. « Nous sommes en train d'amener ces hôpitaux de campagne dans la zone du tremblement de terre », précise-t-il.
Le Croissant-Rouge arabe syrien appelle à la levée des sanctions
Le Croissant-Rouge arabe syrien a mobilisé 3 000 volontaires pour cette mission. « Nous ne faisons pas de différence entre les gens en Syrie. Nous sommes le Croissant-Rouge arabe syrien pour l'ensemble du peuple syrien », a souligné le responsable de l'organisation, Chaled Habubati.
Et d'ajouter : « Nous sommes prêts à envoyer un convoi d'aide au-delà de la ligne de démarcation dans les zones touchées de la région d'Idlib (au nord de la Syrie). S'ils [l'opposition] nous ouvrent une route, nous nous y rendrons. Cela ne nous pose aucun problème. » [10]
Lors d'une conférence de presse retransmise par la télévision nationale syrienne, Chaled Habubati a appelé l'Occident à lever les sanctions et à apporter son aide [11].
« Après ce tremblement de terre, le temps est venu », pour « tous les pays de l'UE de lever les sanctions économiques contre la Syrie ».
Il a également appelé l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à « fournir une aide au peuple syrien ». Après plus d'une décennie de guerre en Syrie, le gouvernement du président Bachar el-Assad reste ostracisé par l'Occident. Cela complique les efforts d'aide internationaux.
Christian Katzer a confirmé que l'accès de Médecins sans frontières au nord-ouest est extrêmement difficile, car il n'existe qu'un seul point de passage ouvert entre la Turquie et la Syrie. « La communauté internationale ne doit pas oublier les habitants du nord de la Syrie », a souligné Christian Katzer.
Médecins sans frontières reste en contact étroit avec les autorités locales dans le nord-ouest de la Syrie et avec les autorités en Turquie afin d'étendre l'assistance là où elle est nécessaire. L'organisation évalue actuellement la situation et les besoins à Idlib, dans le nord d'Alep et dans le sud de la Turquie afin de renforcer l'aide en conséquence, le nombre de morts et de blessés augmentant d'heure en heure.
L’ONG Mehad lance un appel aux dons
Présente en Syrie depuis 2011, l’ONG française Mehad (Ex-UOSSM) se mobilise à l’occasion de l’effroyable tremblement de terre survenu en Turquie. Dans un message, le Pr Raphaël Pitti, spécialiste de médecine de guerre et responsable de la formation au sein de l’ONG rappelle que, pour la Syrie voisine, « ce séisme est une catastrophe sans précédent qui vient aggraver une situation déjà dramatique ». « L’urgence est pour nos équipes dans la mise à l’abri des rescapés, des familles qui se retrouvent à la rue dans les camps de déplacés de la région d’Idleb, précise le Dr Ziad Alissa, président de Mehad. Elles ont besoin de se chauffer, de couvertures, d’aide alimentaire. D’un point de vue médical, nous allons renforcer nos cliniques mobiles pour apporter des soins médicaux aux rescapés. »
Pour faire un don d’urgence séisme Syrie
https://don. mehad .fr/UrgenceSeismeSyrie/
Cet article a initialement été publié sur l’édition allemande de Medscape sous l’intitulé Schweres Erdbeben in der Türkei und in Syrien. Traduit et adapté par Aude Lecrubier et Mona El-Guechati.
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Séismes en Turquie : l’aide humanitaire s’organise
Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Séisme : l’aide humanitaire peine à arriver en Syrie - Medscape - 9 févr 2023.
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