POINT DE VUE

Cancer du col : vers une vaccination post-conisation ? 

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

8 février 2023

Montrouge, France – Vacciner les femmes contre le HPV au moment de la conisation pour éviter la récidive. Une idée qui avance. Entretien avec le Pr Geoffroy Canlorbe.

L'efficacité du vaccin anti-HPV, le Gardasil 9 en France, est remarquable chez les adolescents et les jeunes adultes pour les protéger contre les lésions HPV-induites. L'idée à germer que ce même vaccin pourrait être utilisé pour éviter la récidive chez des femmes conisées. Explications du Pr Geoffroy Canlorbe (gynécologue obstétricien, Pitié-Salpêtrière, Paris), Secrétaire général de la Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico-Vaginale qui a abordé ce sujet lors du congrès de la SFCPCV 2023.

 
Chez les femmes ayant eu une lésion précancéreuse traitée, le risque de récidive d'une lésion de haut grade est de 8% et le risque de cancer 2 à 5 fois supérieur à la population générale.
 

Medscape édition française : Comment est venue l'idée de vacciner les femmes avec le Gardasil 9 au moment d'une conisation du col de l'utérus ?

Pr Geoffroy Canlorbe  : Le Gardasil 9 est un vaccin prophylactique : il protège la personne vaccinée contre 9 types de papillomavirus. Cette vaccination anti-HPV est aujourd'hui recommandée et remboursée pour tous les garçons et filles de 11 à 19 ans et également pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes jusqu’à 26 ans. L'objectif est que la personne vaccinée puisse détruire le HPV avant l'apparition de lésion. L'expérience, et des études très bien menées sur des vastes cohortes, nous ont montré combien cette vaccination était efficace. Or, on s'est rendu compte que le vaccin prophylactique anti HPV pouvait être utilisé au moment d'une conisation du col de l'utérus pour diminuer le risque de récidive de lésion pré cancéreuse, particulièrement élevé chez ces patientes.

Pourquoi les patientes ayant eu une conisation du col présentent un risque important de récidive ?

Pr Canlorbe  : Comme vous le savez, le problème n'est pas tant d'être infecté par l'HPV – nous le sommes quasiment tous – que de ne pas réussir à l'éliminer, ce qui est le cas de 5 à 10 % des patientes. Cette persistance du HPV est à l'origine de lésions précancéreuses ou cancéreuses au niveau du col de l'utérus. On sait que les patientes qui font des dysplasies de haut grade courent un risque élevé de récidive dans la mesure où elles ont du mal à éliminer le HPV. La récidive de la dysplasie, qui se produit rapidement dans les quelques années après le geste thérapeutique, peut être due à une recontamination ou à une reprolifération du virus, lequel était sous le seuil de détection après l'intervention. Au final, chez les femmes non vaccinées ayant eu une lésion précancéreuse traitée, le risque de récidive d'une lésion de haut grade est de 8% et le risque de cancer 2 à 5 fois supérieur à la population générale.

Quelles sont les données de la littérature concernant cette vaccination post-thérapeutique ?

Pr Canlorbe : Publiée en 2021, la Venus Study apportent des données rétrospectives sur 563 patientes espagnoles qui ont eu une conisation pour des lésions précancéreuses du col CIN2+. A cette occasion, 277 ont été vaccinées, les autres non [1]. A l'issue du suivi (moyenne de 29,6 mois vs. 36,5 mois dans les groupes vaccinés et non vaccinés respectivement), il y a une différence significative dans la survenue d'une récidive entre le groupe des non-vaccinées (9,8%) et celui des vaccinées (4,3%). Autrement dit, le risque de récidive est diminué de 57 % chez les femmes vaccinées au moment du geste thérapeutique. La plus importante et plus récente méta-analyse sur le sujet, qui a analysé onze études et plus de 19 000 patientes, a confirmé ces résultats [2].

 
Le risque de récidive est diminué de 57 % chez les femmes vaccinées au moment du geste thérapeutique.
 

Selon vous, cette vaccination post-thérapeutique va-t-elle prendre de l'ampleur ?

Pr Canlorbe : J'imagine que ce sera le cas car patientes et médecins vont de plus en plus en entendre parler. Mais il nous manque clairement des données issues d'études prospectives. A ce propos, le Novel Trial, un vaste essai randomisé prospectif, est en cours d'inclusion, avec 550 patientes dans chaque bras. La Finlande, le Royaume-Uni et la Suède y participent. Le suivi sera de 50 mois, on aura donc les résultats dans quelques années. Ceci dit, certaines régions d’Espagne proposent déjà depuis 2015 la vaccination pour les femmes conisées et la société américaine de colposcopie vient de recommander de discuter de la vaccination avec les femmes non-vaccinées âgées de 27 à 45 ans traitées pour des lésions CIN2+[3]. En France, il n'y a pas de telle recommandation. Dans ma pratique, j'expose les données de la littérature aux patientes que je vais opérer et leur propose de les vacciner ou non avec le Gardasil 9 à ce moment-là si elles le souhaitent. Et si elles me demandent mon avis, je leur explique que je ne leur proposerais pas si je pensais que cela n’avait pas d’intérêt pour elles.

 
La société américaine de colposcopie vient de recommander de discuter de la vaccination avec les femmes non-vaccinées âgées de 27 à 45 ans traitées pour des lésions CIN2+.
 

Financements et liens d’intérêts

Le Pr Geoffroy Canlorbe a déclaré ne pas avoir de lien d'intérêt avec le laboratoire MSD.

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