Les dix travaux du Ministre de la Santé, François Braun

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

1er février 2023

Paris, France – Reprendre le système de santé en main pour inverser la tendance et mettre fin à la crise, tels sont les objectifs que s’est fixé le ministre de la Santé, pour l'année 2023 lors de ses vœux aux professionnels de santé ce 30 janvier. Dans un discours fleuve de 33 pages, l'ancien président du syndicat Samu Urgences de France (SudF), droit dans ses bottes, a assumé toutes les réformes de 2022, y compris les plus honnies par la communauté médicale, avant d'annoncer les bouleversements à venir en 2023. Ainsi, il s'est réjoui de la création d'une quatrième année de formation en médecine générale, qui avait jeté médecins et internes dans la rue, tout en saluant le début d'examen de la proposition de loi Rist (PPL) sur de nouvelles délégations de tâches, loin de faire l’unanimité chez les médecins – lesquels observeront une journée de grève contre cette PPL le 14 février prochain. Pour 2023, poursuivant sur sa lancée, le ministre de la Santé s'est fixé donc 10 objectifs ambitieux qu’il entend mener tambour battant, un peu à la manière des 12 travaux d’Hercule.

https://twitter.com/FrcsBraun/status/1620032114124292096

 

1. Garantir à tous les Français l'accès à un médecin traitant

Actuellement, plus de 600 000 Français en affection de longue durée n'ont pas de médecins traitants : « D’ici fin juin, tous les patients en ALD et n’ayant pas déclaré de médecin traitant auront été contactés, pour leur proposer des solutions concrètes grâce à la mobilisation des acteurs de terrain. »

Parallèlement, le ministre compte structurer autour du médecin traitant une équipe de soins de proximité, pour faire « toute la place aux différents professionnels de territoire ».

2. Dégager du temps médical, à la ville et à l’hôpital

Pour ce faire, François Braun promet de supprimer les tâches administratives chronophages, comme l'établissement de divers certificats, d'embaucher des assistants médicaux au nombre de 10 000 d'ici 2024, de faciliter le travail des hospitaliers, et de renforcer l'exercice coordonné, ainsi que les délégations de tâches : « Nous allons poursuivre ce à quoi nous nous sommes attelés, grâce aux leviers que constituent la pratique avancée, les protocoles de coopération, les partages et les délégations de compétences. »

3. Systématiser la continuité et la permanence des soins

La troisième mesure passe par la reconnaissance des assistants de régulation médicale (ARM) en tant que professionnels de santé, une meilleure valorisation de l'effection et de la régulation médicale, la généralisation des services d'accès aux soins (SAS), le partage de la permanence des soins entre établissements publics et privés, la « juste reconnaissance de la permanence des soins », la prévention de l'usure professionnelle. « Ce chantier est à mettre en regard des ambitions que je souhaite soutenir pour prévenir l’usure professionnelle des personnels de la santé. Ce sera, évidemment, au cœur du chantier de réforme de notre système de retraites, ainsi que l’a annoncé la Première ministre. »

4. Améliorer la qualité de vie à l'hôpital :

François Braun a annoncé une diversification des pratiques entre la ville et l'hôpital, une réflexion sur les rémunérations, une meilleure qualité de vie des hospitaliers... Surtout, il a promis d'ici l'été un binôme administratif/médecins à la tête des hôpitaux et le renforcement du duo chef de service/cadre de santé. Il s'est aussi montré sévère envers les intérimaires : « La qualité de vie et la qualité des soins, c’est aussi la lutte contre les dérives de l’intérim. J’ai parlé d’intérim "cannibale", car il rémunère injustement le nomadisme professionnel, détruit la cohésion des équipes et enferme dans un cercle vicieux les établissements qui y ont recours. » La psychiatrie de secteur, a-t-il ajouté, sera aussi une priorité.

 
François Braun promet d'ici l'été un binôme administratif/médecins à la tête des hôpitaux et le renforcement du duo chef de service/cadre de santé.
 

5. Former plus de soignants 

Plutôt que la formation des médecins, la priorité pour 2023 est celle des infirmiers : « Pour nos IDE notamment, je crois en la capacité de notre système à diplômer la très grande majorité des étudiants. Je refuse de me résoudre à ce qu’autant d’étudiants infirmiers abandonnent leur cursus. Nous travaillerons sur la sécurisation des parcours et la qualité de vie étudiante. » François Braun a aussi promis de faire évoluer le décret d'actes du métier d'infirmier, de proposer des formations à 100 % en apprentissage, et de former 5 000 infirmiers en pratique avancée d'ici 2024.

 
5 000 infirmiers en pratique avancée d'ici 2024.
 

6. Un choc d'attractivité dans les territoires 

Le ministre de la Santé souhaite faciliter l'installation sur les territoires des professionnels de santé : « Il nous faut mieux aider la vie courante des soignants, qu’il s’agisse de logement, de transports, de stationnement, de sécurité ou encore de gardes d’enfants pour ne citer que ces exemples. »

7. Tourner le dos à la logique comptable 

François Braun reprend là une des promesses d'Emmanuel Macron de ce début du mois de janvier : sortir de la T2A. « Nous allons revoir le financement de notre système de santé pour sortir de cette logique de l’offre et de la rentabilité, et mieux soutenir les enjeux de santé publique, de coopération à l’échelle des territoires, de prévention et de responsabilité vis-à-vis des populations. » Aussi, il a promis de faire évoluer le modèle de financement du médicament, pour assurer l'accès aux dernières innovations thérapeutiques.

 
Nous allons revoir le financement de notre système de santé pour sortir de cette logique de l’offre et de la rentabilité.
 

8. Garantir l'accès à la santé pour tous 

Dans les suites du "100% santé" (qui a permis le remboursement de lunettes et de prothèses auditives à 100 %), François Braun souhaite mieux faire connaître ce service : « Mieux faire connaître le service rendu, actualiser les paniers de soins pris en charge, notamment pour obtenir une mobilisation plus forte sur l’optique, ouvrir le périmètre à de nouveaux produits, comme l’engagement pris de baisser le reste à charge des perruques. »

9. Privilégier une nouvelle ambition pour la prévention 

2023 sera l'année de la concrétisation des rendez-vous de prévention, tel que le prévoit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 : « Mais au-delà des rendez-vous de prévention, je pense aussi à d’autres échéances en 2023 : l’élaboration d’une nouvelle stratégie vaccinale, avec une place que je souhaite importante pour le développement de la vaccination contre le papillomavirus. Je pense aussi au lancement d’un nouveau plan de lutte contre le tabac, ou à l’élaboration d’une stratégie globale d’amélioration de la santé des femmes. » Ce sera aussi l'année de la promotion du sport-santé.

10. Recherche et innovation

François Braun a rappelé des initiatives déjà prises en la matière, notamment la mise en place de l'agence pour l'innovation en santé, mais aussi le plan France 2030. Au sujet de la recherche biomédicale, un plan d'action va être annoncé : « Sur tous ces points, nous annoncerons prochainement la méthode de travail que nous retenons pour avancer vite et fort. La recherche est un facteur majeur d’attractivité pour nos soignants en leur donnant la possibilité de faire progresser la science. »

 
2023 sera l'année de la promotion du sport-santé.
 

En conclusion, le ministre de la Santé a eu une pensée pour les médecins libéraux actuellement en grève, en leur promettant de « mieux rémunérer les médecins qui s’engagent pour leur territoire. Je veux parler de ceux qui augmentent le nombre de leurs patients, participent à la permanence et à la continuité des soins, contribuent à apporter des réponses dans les territoires fragilisés ».

Quant à la méthode employée pour déployer ce vaste plan d'action en 2023, elle sera celle du « conseil national de la refondation en santé ». « Tout ce que je vous ai dit sur la qualité de vie que nous devons aux soignants ; tous ces nouveaux professionnels que nous formons et à qui nous donnons de nouvelles compétences ; ce décloisonnement de la ville et de l’hôpital que j’appelle de mes vœux… Tout cela ne fonctionnera que si l’on trouve leur traduction concrète dans des projets de territoires. »

À charge pour les conseils nationaux de la refondation territoriaux de décliner et d'adapter les objectifs nationaux de la feuille de route pour 2023. Bien évidemment, cette feuille de route peut voler en éclat, en cas de secousses sismique sanitaire, comme en 2020, a rappelé le ministre de la Santé : « Nous ne pouvons exclure que, dans cette aventure, nous ne soyons confrontés à de nouvelles crises sanitaires. » Alea jacta est !!

 

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