Marseille, France — Late-breaking news au 27eCongrès de pneumologie de langue française (CPLF). [1] Les résultats préliminaires de l’étude KBP-2020-CPHG sur la survie globale à 2 ans chez des patients avec un cancer broncho-pulmonaire étaient dévoilés en avant-première : en 20 ans, depuis l’an 2000, la survie a fortement progressé, et encore plus chez les femmes.
L’étude KBP-CPHG est une étude observationnelle conduite tous les 10 ans au sein des hôpitaux non universitaires par le Collège des pneumologues des hôpitaux généraux, en France métropolitaine et DROM-COM. La cohorte 2020 de patients avec un cancer broncho-pulmonaire était de 8 999, répartis sur 82 centres. Voici les résultats préliminaires (2 515 données manquantes).
Nette amélioration de la survie à 2 ans en 20 ans
« Le pronostic du cancer du poumon a changé », a indiqué le Dr Didier Debieuvre, chef du service de pneumologie au GHR de Mulhouse et coordinateur des études KBP-ESCAP-2020.
En effet, la baisse de la mortalité à 2 ans est significative, de -26,6 % entre les années 2000 et 2020.
« Pour sa part, la mortalité précoce (à 1 et 3 mois) reste toujours importante, avec une évolution modeste en 20 ans. Ce chiffre est sans réelle surprise, car l’on sait que ces cancers sont diagnostiqués au stade métastatique dans 60 % des cas et considérés comme non curables et donc non traités. Il y a néanmoins une augmentation, puisque le différentiel de survie entre 2000 et 2020 est de 4,4 %. »
En 2020, pour l’ensemble des patients de la cohorte, le taux de survie globale à 2 ans en cas de cancer broncho-pulmonaire a doublé : il était de 47,8 % versus 21,2 % en 2000.
Sur cette période de 20 ans, la médiane de survie a doublé, passant de 8,8 mois en 2000 à 17,2 mois en 2020. « La médiane de survie est désormais de presque un an et demi, souligne le Dr Debieuvre, illustrant les progrès obtenus. De plus, sans compter les patients décédés dans les 3 premiers mois après le diagnostic (qui ne font généralement pas l’objet d’un traitement car diagnostiqués avec un cancer à un stade trop tardif, en mauvais état général et plutôt très âgés), donc en se focalisant sur les patients qui bénéficient d’un traitement, le différentiel de survie en 20 ans est encore supérieur : +34,4 % à 2 ans. »
La survie à 2 ans s’améliore, quelle que soit l’histologie de la tumeur
« On aurait pu penser que, pour les cancers bronchiques à petites cellules, les progrès ne seraient pas significatifs, commente Didier Debieuvre. C’était une erreur. Nous avons calculé (données préliminaires) un différentiel de survie à 20 ans pour ces cancers de 16,8 %. »
Concernant les cancers non à petites cellules non métastatiques, l’amélioration de la survie à 2 ans est de 38,1 %. Celle-ci était de +26,4 % pour les cancers non à petites cellules non épidermoïdes et métastatiques et +19 % pour les cancers épidermoïdes métastatiques.
Les gains sont plus significatifs dans les cancers non épidermoïdes par comparaison aux épidermoïdes, y compris au stade métastatique.
L’écart de survie entre les femmes et les hommes se creuse
Les femmes ont toujours eu un meilleur pronostic en cas de cancer broncho-pulmonaire que les hommes et cet écart ne cesse de se creuser depuis 2000.
En 2020, le différentiel entre les sexes était de 11,8 % à 2 ans en faveur des femmes (55,6 % contre 43,6 % pour les hommes). Ces dernières ont bénéficié d’une plus grande amélioration en deux décennies de la survie à 2 ans en cas de cancer broncho-pulmonaire, de +32 % à 2 ans (55,6 % en 2020 contre 23,6 % en 2000). Ce chiffre est de +23 % chez les hommes (43,8 % contre 20,8 %).
Dépistage : des chiffres qui enfoncent le clou
Le stade dans la classification TNM (taille de la Tumeur/Node ou ganglions lymphatiques envahis ou non/Métastases ou non) est déterminant vis-à-vis de la survie à 2 ans, d’où l’importance du dépistage pour poser un diagnostic précocement et traiter.
En effet, en 2020, la survie à 2 ans est presque trois fois plus importante pour un stade I comparativement à un stade IV. « En 2020, l’impact sur la survie globale du stade au moment du diagnostic est majeur, remarque le pneumologue, avec une survie presque triplée pour un stade I (survie de 89,4 % à deux ans) par comparaison à un stade IV (survie de 31,6 % à 2 ans). »
En 2020, le Covid-19 a amplifié la mortalité des cancers broncho-pulmonaires
Au sein de la cohorte, 283 cas d’infections par le Covid-19 ont été comptabilisés (le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire était déjà posé) durant l’année 2020, « ce qui a d’ailleurs probablement joué dans le sens d’une sous-évaluation de l’amélioration du gain de survie sur 20 ans », ajoute le Dr Debieuvre.
Finalement, plus de 50 % des patients infectés sont décédés à 5 mois. D’où un risque de décès nettement plus élevé à cause de l’infection. En analyse multivariée (classe d’âge, sexe, tabagisme, histologie, stade…), le risque de décéder du fait de l’infection par le SARS-CoV-2 est triplé par comparaison aux patients indemnes de l’infection (HR = 3,24 [IC 95 % : 2,69-3,90]).
Un cancer plus précoce chez les fumeurs de cannabis
Une nouveauté en 2020, les investigateurs se sont intéressés à la consommation de cannabis. En termes de mortalité à 2 ans, que les patients en aient consommé ou non, aucune différence significative n’apparaît (HR = 0,85 [0,65-1,12 ; P+0,3]), y compris après ajustement sur l’histologie tumorale. Il n’y a donc pas d’augmentation de la mortalité.
En revanche, cela impacte très nettement l’âge d’apparition du cancer, lequel survient bien plus tôt dans la vie en cas de consommation de cannabis. Le risque d’apparition du cancer à un âge donné est 6 fois plus élevé chez les fumeurs de cannabis que chez les autres dans la population des patients ayant un cancer broncho-pulmonaire (HR = 6,53 [4,03-10,58]).
L’âge médian de survenue du cancer chez les fumeurs de cannabis est de 53 ans contre 65 ans chez les fumeurs de tabac. « Si l’impact de la consommation de cannabis sur la survie globale ne semble pas exister, la différence d’âge au moment du diagnostic est nette et importante, observe Didier Debieuvre. Nous le pressentions déjà lorsque nous prenions en charge des sujets jeunes avec un diagnostic de cancer du poumon. C’est aujourd’hui mis en évidence dans KBP-2020. »
Le Dr Didier Debieuvre (Mulhouse) coordinateur des études KBP-ESCAP-2020 déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cette intervention.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Dépistage organisé du cancer du poumon : où en sommes-nous ?
Cancer du poumon chez les non-fumeurs : le rôle conjugué de la pollution et des mutations explicité
A Avignon, une consultation de reconnaissance des cancers professionnels change la donne
L’arrêt du tabac est bénéfique même deux ans avant un diagnostic de cancer du poumon
Crédit image de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2023
Citer cet article: Cancer du poumon : forte amélioration de la survie en 20 ans, d’après l’étude KBP-2020-CPHG - Medscape - 31 janv 2023.
Commenter