Urgence hypertensive: quand envisager une HTA secondaire d’origine endocrine ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

31 janvier 2023

Paris, France — L’hyperaldostéronisme, le phéochromocytome et le paragangliome sont des causes majeures d’hypertension artérielle secondaire. Au cours des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2023), la Pre Laurence Amar (Hôpital Européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris) a présenté les situations d’urgence pendant lesquelles il est recommandé de rechercher une hypertension d’origine endocrine afin d’adapter la prise en charge et réduire le risque cardiovasculaire [1].

L’endocrinologue est intervenue lors d’une session consacrée aux urgences hypertensives, caractérisées par une élévation sévère de la tension artérielle s’accompagnant d’une atteinte aiguë sur un organe vital (AVC, arythmie cardiaque, infarctus du myocarde…).

Elle a notamment évoqué la cardiopathie adrénergique de type Takotsubo, qui doit amener à rechercher par scanner abdominal, voire par IRM, la présence d’un phéochromocytome ou d’un paragangliome, des tumeurs neuroendocrines responsables d’orage adrénergique, ce qui est loin d’être effectué en pratique courante par les cardiologues, a-t-elle souligné.

Profil cardiovasculaire inhabituel

L’hyperaldostéronisme primaire (HAP) est dû à une surproduction d’aldostérone par la glande surrénale, entraînant une rétention hydrique et une augmentation de la tension artérielle. L’aldostérone est une hormone qui agit sur la fonction rénale pour retenir le sodium et excréter davantage de potassium. Cette affection peut être causée par le développement d’une tumeur au niveau des surrénales.

L’HAP est l’une des causes les plus fréquentes d’HTA secondaire. Les patients atteints sont beaucoup plus à risque de complications cardiovasculaires que ceux ayant une HTA dite essentielle (sans cause connue), a rappelé la Pre Amar. Par exemple, le risque d’accident cardiovasculaire cérébral (AVC) est deux à trois fois plus élevé chez ces patients que chez ceux avec une HTA essentielle.

Pour prévenir ces complications, il est indispensable d’identifier les porteurs d’un HAP, a rappelé la spécialiste. La recherche d’un HAP doit en particulier être envisagée chez les patients hypertendus pris en charge en urgence pour une pathologie comme un AVC ou un infarctus du myocarde « n’ayant pas le profil à risque cardiovasculaire habituel », notamment les patients jeunes.

Selon les dernières recommandations françaises sur la prise en charge de l'HAP, les critères justifiant la recherche de cette pathologie sont:

  • Une HTA avant l’âge de 40 ans;

  • Une HTA combinée à une hypokaliémie;

  • Une HTA résistante (PAS ≥ 140 mmHg et une PAD ≥ 90 mmHg sous trithérapie avec diurétique);

  • Une HTA de grade 3 (PAS ≥ 180 mmHg et une PAD ≥ 110 mmHg);

  • Une HTA et un incidentalome surrénal (masse surrénalienne > 1 cm).

Face à un patient hypertendu pris en charge pour un AVC ou un infarctus du myocarde, le praticien doit envisager un HAP en se posant la question de la présence éventuelle d’une hypokaliémie, d’un incidentalome surrénal ou d’une HTA résistante, a ajouté l’endocrinologue. Un profil cardiovasculaire inhabituel doit également alerter, « même si c’est assez subjectif ».

Syndrome de takotsubo secondaire

Selon elle, une fibrillation auriculaire (FA) non expliquée justifie également la recherche d’un HAP. En cas d’HAP, un traitement par chirurgie ou par spironolactone, un antagoniste compétitif de l’aldostérone, améliore nettement le pronostic chez ces patients par une baisse significative du risque de récidive de FA et d’événements cardiovasculaire.

Le diagnostic d’un HAP après un événement aigu doit respecter des conditions strictes et standardisées. Le dosage de l’aldostérone et de la rénine doit être réalisé au moins six mois après l’événement, au cours d’un arrêt des traitements pour éviter les interférences. La prise de sang se fait le matin, plus de deux heures après le lever, en position assise depuis au moins 15 minutes.

Autre cause d’HTA secondaire : les paragangliomes et le phéochromocytome, des tumeurs neuroendocrines qui se développent respectivement au niveau des ganglions et des glandes surrénales. Ils peuvent induire une décharge brutale de catécholamines (dopamine, noradrénaline et adrénaline), à l’origine de la hausse de tension et d’événements aigus (cardiopathie adrénergique de type takotsubo, arythmie cardiaque, AVC, infarctus du myocarde…).

Lorsqu’un syndrome de takotsubo est lié à un orage adrénergique provoqué par un paragangliome ou un phéochromocytome, « le pronostic est plus grave », a précisé la Pre Amar. « Le patient est plus souvent en état de choc et le risque de récidive est plus élevé ». Ceux qui sont concernés sont généralement plus jeunes et des hommes plus que des femmes, alors que ce syndrome touche davantage les femmes.

Chez les patients hypertendus pris en charge pour un syndrome de Takotsubo, la recherche de ces tumeurs doit donc être systématique, d’autant plus que les bêtabloquants sont généralement prescrits pour traiter le syndrome, alors qu’ils sont contre-indiqués en cas de paragangliome ou phéochromocytome, en raison du risque de décompensation cardiaque aiguë.

Scanner abdominal ou IRM

La recherche de ces tumeurs neuroendocrines doit également être envisagée chez les patients hypertendus pris en charge pour un événement cardiovasculaire aigu, « en cas de malaise, de maladie génétique connue qui prédispose au phéochromocytome, d’HTA labile [hypertension passagère ne nécessitant pas de traitement, ndlr] ou résistante ».

Le meilleur moyen de détecter un paragangliome ou un phéochromocytome en phase aiguë de l’événement est de réaliser un scanner abdominal. Selon la spécialiste, le bilan biologique par dosage des métanéphrines (dérivés des catécholamines) ne peut se faire qu’après un délai minimum de dix jours, les taux étant presque toujours élevés chez les patients admis en soins intensifs.

La réalisation d’un scanner sans injection de produit de contraste peut être envisagé pour la recherche d’un phéochromocytome, puisqu’il s’agit d’une tumeur généralement assez volumineuse, « la taille moyenne étant de 5 cm en lors du diagnostic ». Un scanner avec injection est, en revanche, plus adapté à la recherche d’un paragangliome.

À la fin de sa présentation, lors d’un échange avec les cardiologues participant à cette session, l’endocrinologue a précisé qu’un travail est actuellement effectué auprès des radiologues pour recourir plus facilement à l’IRM dans le diagnostic du phéochromocytome et du paragangliome, en particulier pendant de la prise en charge d’un syndrome de takotsubo.

« Puisqu’il est difficile de convaincre les cardiologues [sur la nécessité de ce diagnostic], on se dit qu’on pourrait passer par les radiologues », a-t-elle commenté avec ironie.

Cette question du recours à l’IRM dans le takotsubo « est importante », a complété le Dr Clément Delmas (CHU de Toulouse), modérateur de la session. Chez des patients pris en charge au CHU de Toulouse pour un syndrome de takotsubo, un bilan systématique comprenant une IRM a permis de déterminer la cause dans 17 % des cas, a précisé le cardiologue.

 
Chez des patients pris en charge au CHU de Toulouse pour un syndrome de takotsubo, un bilan systématique comprenant une IRM a permis de déterminer la cause dans 17 % des cas. Dr Clément Delmas
 

 

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