Paris, France — Une récente instruction de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) incite les directions hospitalières à retirer des salles de garde toutes les fresques à caractère pornographiques. Via sa présidente, l'intersyndicale nationale des internes (Isni) rappelle néanmoins que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes à l'hôpital outrepasse ce type de décisions.
« Un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant »
Les fresques carabines à caractère pornographiques étaient menacés de disparition, depuis que le tribunal administratif de Toulouse avait ordonné en 2021 le retrait de ces dites fresques dans les salles de garde du CHU de Toulouse. Une récente instruction de la DGOS du 17 janvier 2023 tend à accompagner les directions hospitalières dans le retrait des dernières fresques sexistes qui peuplent encore les internats des hôpitaux. Ces suppressions de fresque sont un des aspects de la politique de tolérance zéro vis-à-vis des situations de maltraitance, de harcèlement et de violences morales ou sexuelles contre les étudiants en santé, décidée en mai 2021 par Olivier Véran, alors ministre de la Santé, et Frédérique Vidal, ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. L'instruction rappelle d'ailleurs qu'une coordination nationale d'accompagnement des étudiants en santé a été créée en janvier 2022 pour faire avancer la lutte contre les cas de maltraitance contre les étudiants.
Plus spécifiquement, en ce qui concerne les fresques à caractère pornographique, l'instruction établissait que « la survivance des fresques carabines peut être en effet considérée comme un "agissement à connotation sexuelle, subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant" ».
Préserver la santé physique et mentale des étudiants
Leur retrait vise donc à préserver la santé physique et mentale des étudiants qui œuvrent à l'hôpital. Pour autant, les rédacteurs de cette instruction appellent les directions hospitalières à organiser le retrait de ces fresques, en concertation avec les organisations syndicales étudiantes : « Les associations étudiantes et les représentants de la communauté médicale de l’établissement doivent être associés par les directions d’établissements aux opérations de retrait ainsi que les directeurs d’unités de formation et de recherche (UFR) dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). » La DGOS tient ainsi à prévenir tout conflit avec les associations d'internes, et recommande par exemple la création d'un comité de pilotage co-présidé par le directeur d'établissement, le président de la CME, ou encore le directeur d'UFR. Toutefois, si aucun accord n'est trouvé, le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) peut prendre la décision unilatérale de retrait de ces fresques mais la DGOS insiste : « Il est nécessaire de rassurer par ailleurs les étudiants en santé, notamment les internes, sur la volonté de conserver les salles de garde des internats [...] Ces espaces sont gérés en lien avec le président de l’internat, représentant local élu par l’ensemble des étudiants. »
Patrimoine de la médecine
Une position qui sied à Olivia Fraigneau, présidente de l'intersyndicale nationale des internes (Isni), jointe par Medscape : « Il faut que les internats restent des lieux de vie, il faut que les internes puissent y exorciser leur quotidien difficile, et qu'ils puissent garder la main sur leur internat. » Elle insiste aussi sur le caractère patrimonial de ces fresques et demande qu'elles soient conservées : « À propos du strict retrait des fresques, nous voulons les détacher et les conserver dans des musées comme ce fut le cas à Montpellier par exemple, mais aussi à Paris. Ces fresques font partie du patrimoine de la médecine, et il est très important pour cette raison de les conserver. Je rappelle également que ce sont des œuvres, même si actuellement elles sont en décalage avec la société dans laquelle nous vivons. » De fait, les nouvelles fresques rénovées, débarrassées de toute connotation pornographique, n'en sont pas moins des œuvres admirables selon Olivia Fraigneau : « Force est de constater que les fresques qui ont été rénovées ne présentent plus du tout de caractère pornographique ou sexuel, comme la fresque de la salle de garde de Lariboisière, qui est une allégorie de la bataille contre le Covid, absolument magnifique. »
Sexisme dans les services
Enfin, rappelle-t-elle, il ne faut pas se tromper de combat : la lutte contre les violences sexuelles et sexistes à l'hôpital ne consiste pas dans le retrait de ces fresques à caractère pornographique : « Ce genre d'instruction m'amuse beaucoup car c'est aussi aujourd'hui, le 25 janvier, la journée nationale de lutte contre le sexisme. Le vrai sexisme à l'hôpital n'est pas à rechercher dans les fresques mais dans les services : 40 % des femmes internes subissent des actes sexistes au quotidien, 10 % d'entre elle subissent du harcèlement sexuel, la moitié d'entre elles ont été victimes d'agressions sexuelles... Il faut faire le ménage dans les bureaux des PH, dans les couloirs des services, c'est là que se situe le vrai sexisme. Et puis, tant qu'à rénover les internats autant le faire intégralement et faire en sorte qu'ils soient chauffés par exemple, rénovés, avec des douches qui fonctionnent... » De nouvelles plaintes au pénal ont été déposées par l'Isni, contre des praticiens accusés de violences sexistes ou sexuelles : « Nous portons plainte de manière systématique contre tous les harceleurs, tous les agresseurs des hôpitaux et nous commençons par gagner des batailles. Nous allons au pénal et nous n'avons plus peur de dire haut et fort qu'il y a des harceleurs à l'hôpital. »
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Crédit de Une : Dreamstime
Actualités Medscape © 2023 WebMD, LLC
Citer cet article: Vers le retrait de toutes les fresques carabines à caractère pornographique - Medscape - 27 janv 2023.
Commenter