Paris, France — La prévention des maladies cardiovasculaires chez le sujet âgé a-t-elle ses particularités ? Lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2023), une session commune avec la Fédération française de cardiologie (FFC) a fait le point sur cette question.
Après l’intérêt des statines dans la prévention du risque cardiovasculaire (voir l'article Statines chez le sujet âgé: stop ou encore? ) et la prise en charge de l'hypertension artérielle (HTA) (voir Hypertension: quelle prise en charge chez le sujet âgé?), a été abordée la question de la déprescription des médicaments utilisés dans le traitement des maladies cardiovasculaires [1].
Les antihypertenseurs sont les premiers médicaments pouvant faire l’objet d'une déprescription chez ces patients, a indiqué le Pr Olivier Hanon (Hôpital Broca, AP-HP, Paris), qui a également listé plusieurs outils à disposition pour aider à adapter les traitements à cette population.
Sept médicaments en moyenne par jour
En France, l’ordonnance du patient âgé de 75 ans et plus comporte en moyenne sept médicaments à prendre par jour, principalement pour traiter des pathologies cardiovasculaires, a rappelé le cardiologue. Une polymédication qui n’est pas sans conséquence puisque la iatrogénie et le défaut d’observance médicamenteuse représentent la première cause d’hospitalisation évitable chez le patient âgé, juste avant la chute.
Les médicaments utilisés en cardiologie arrivent en tête des médicaments les plus prescris chez les patients âgés et peuvent constituer des combinaisons potentiellement dangereuses, a souligné le cardiologue. Les anti-hypertenseurs centraux, les antiarythmiques de type I et III, les antiagrégants, les anticoagulants et les diurétiques représentent ainsi un risque pour ces patients.
Plusieurs outils sont à disposition pour détecter les associations de médicaments potentiellement inappropriées et anticiper les effets néfastes pouvant conduire à une hospitalisation chez les patients âgés. Certains ont également été élaborés pour aider à adapter la prescription à cette population.
Les critères de Beers de l’American Geriatries Society (AGS) sont une référence dans ce domaine [2]. Ces critères, qui ont fait l’objet d’une récente mise à jour [3], proposent une liste de médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet âgé de plus de 65 ans.
Parmi les médicaments utilisés dans le traitement des maladies cardiovasculaires et considérés comme inappropriés dans cette population, on y retrouve les antiarythmiques de classe 3, qui sont « souvent prescris par les cardiologues », comme l’amiodarone, ou encore les alpha-bloquants, a indiqué le Pr Hanon.
Fiches de « bonne prescription médicamenteuse »
Les critères de Beers distinguent également ceux qui doivent être utilisés avec prudence dans la population âgée, en adaptant notamment les doses. C’est le cas par exemple de la spironolactone, un diurétique utilisé dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ou de l’hypertension artérielle, qu’il faut prescrire « à la bonne dose ».
En France, le guide Laroche établit la liste des médicaments potentiellement inappropriés qui doivent être évités d'une manière générale et dans la mesure du possible chez les personnes de 75 ans et plus [4]. La liste « reprend à peu près les mêmes médicaments » que ceux cités dans les critères américains. Les experts français « ont toutefois été moins durs sur les antiarythmiques », précise le cardiologue.
Le document sert de guide de prescriptions médicamenteuses en gériatrie dans les situations cliniques courantes, mais aussi d’outil d’aide à la révision de la prescription chez le sujet âgé. Il a l’avantage d’être adapté à la pratique française et de proposer des alternatives pour chaque médicament potentiellement inapproprié.
Autre outil d’utilisation courante: la liste des critères STOPP/START, qui constitue une aide à la déprescription, mais aussi à la prescription chez le sujet âgé (> 65 ans). La liste a été adaptée sous forme d'application en ligne.
Enfin, le guide payant PAPA (Prescriptions médicamenteuses adaptées aux personnes âgées) a été réalisé par la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le Conseil national professionnel de gériatrie (CNP) [5]. Il regroupe 42 fiches de « bonne prescription médicamenteuse » adaptées aux sujets âgés de plus de 75 ans.
Les bêta-bloquants, cause majeure d’hypotension orthostatique
Le Pr Hanon a donné quelques exemples de déprescription en cardiologie chez les personnes âgées.
Concernant la prise en charge de l'HTA, « on peut se poser la question d'une désescalade de traitement lorsque la pression artérielle descend en-dessous de 130 mmHg », du moins chez les patients les plus fragiles. Si le patient prend deux antihypertenseurs, l’un des deux peut être retiré. Il convient de cesser en premier lieu les anti-HTA centraux et les alpha bloquants, puis les diurétiques.
Il est également important de dépister l’hypotension orthostatique (baisse de tension artérielle lors du passage de la portion couchée à la position debout). Celle-ci est responsable d’une hausse de 36 % de la mortalité, a rappelé le praticien.
Avec un risque d’hypotension orthostatique multiplié par sept, le traitement par bêtabloquants est une cause majeure. Dans une moindre mesure, les alpha-bloquants et les anti-hypertenseurs centraux peuvent aussi provoquer une hypotension orthostatique.
« Il faut des bons arguments pour utiliser les bêtabloquants », dans la population âgée, a commenté le Pr Hanon. En cas d’hypotension orthostatique, « il faut diminuer les doses et recourir à la chronothérapie » en répartissant les doses entre le matin et le soir.
Le diurétique de l’anse furosémide n’a pas sa place dans le traitement de l’HTA, pas plus que les diurétiques dans les œdèmes chroniques. Il convient de privilégier les inhibiteurs calciques et les IEC/Sartan.
S’agissant de l’aspirine, elle n’est pas recommandée en prévention primaire du risque cardiovasculaire. « Les études randomisées montrent une absence de bénéfice, et un risque hémorragique multiplié par deux ».
Pour les statines, il n’est pas justifié de commencer un traitement en prévention primaire, sauf en cas de facteur de risque. En revanche, il est recommandé de le maintenir en prévention secondaire, compte tenu du bénéfice observé (voir Statines chez le sujet âgé: stop ou encore? ). Après syndrome coronaire aigu, la double agrégation n'est pas recommandée au long cours.
Conserver si possible les anticoagulants
Pour ce qui est des anticoagulants, ils restent indispensables au cours de la fibrillation auriculaire, a précisé le Pr Hanon. En cas de chute, le traitement est interrompu et reconsidéré. L’arrêt du traitement par anticoagulant peut être envisagé et substitué par une fermeture de l’auricule gauche, « mais a priori il y a plus de bénéfice à maintenir les anticoagulants ».
Du côté des antidiabétiques, « il faut surtout arrêter les sulfamides hypoglycémiants ». Les seuils d’hémoglobines glyquées visés sont variables selon la condition physique. On propose 7 % chez le patient âgé robuste, 8 % chez le patient âgé fragile et 9 % chez celui en établissement d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad).
Enfin, les antiarythmiques font partie des médicaments à éviter dans la population âgée. Il convient de ne pas utiliser les antiarythmiques des classes I et III et se méfier des psychotropes, qui peuvent induire un allongement de l’espace QTc, d’autant plus qu’il n’y a pas de surveillance du rythme cardiaque en Ehpad, a précisé le cardiologue.
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Citer cet article: Prévention cardiovasculaire: quelle déprescription chez le sujet âgé? - Medscape - 25 janv 2023.
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