POINT DE VUE

Le P.R.P. : un espoir thérapeutique pour les patients souffrant de perte d’odorat post-COVID-19

Jérôme Lechien

Auteurs et déclarations

24 janvier 2023

Belgique, France — « Le plasma riche en plaquettes (PRP), bien connu des orthopédistes qui l’utilisent dans la régénération de certaines affections tendineuses ou articulaires chroniques, pourrait aider certains patients à récupérer leur odorat.

Jérôme Lechien

Jérôme Lechien, Professeur en O.R.L. et chirurgien cervico-faciale en Belgique mais aussi à l’hôpital Foch en France, est un spécialiste international de la perte du goût et de l’odorat post-Covid. Il revient ici sur les résultats prometteurs d’un traitement à base de plasma pour recouvrer l’odorat après un Covid. Une pratique actuellement réalisée et évaluée dans son hôpital à Baudour, en France au CHU de Marseille mais aussi aux Etats-Unis, notamment.

L'altération de l'odorat ou dysfonction olfactive (DO) est un symptôme clé du COVID-19 qui a cependant mis du temps à être reconnu comme tel par les instances sanitaires. Trois ans après la pandémie, nous savons que près de 60% des patients européens ayant contracté la maladie ont perdu partiellement ou totalement l'odorat à court, moyen ou long terme et, dans une moindre mesure, le goût (perception de sucré, salé, acide, amer).

La pandémie a propulsé la recherche clinique et fondamentale en ‘olfactologie' car, avant celle-ci, les patients présentant une perte d'odorat complète post-virale étaient relativement rares. Une proportion non négligeable de patients ayant développé une DO (30 à 50%) gardent actuellement un trouble olfactif sur le long terme, c'est-à-dire plus de 6 mois après l'infection.

Alors qu'il y a encore un an, nous pensions qu'il n'y avait aucune prise en charge possible pour ces patients souffrant de DO chronique, nous avons aujourd'hui un espoir thérapeutique: le plasma riche en plaquettes (PRP).

 
Nous pensions qu'il n'y avait aucune prise en charge possible pour ces patients souffrant de DO chronique, nous avons aujourd'hui un espoir thérapeutique.
 

Si le PRP est très bien connu de nos confrères orthopédistes qui l'utilisent dans la régénération/traitement de certaines affections tendineuses ou articulaires chroniques, son utilisation en rhinologie est récente. En effet, la technique a été utilisée pour la première fois en 2017 sur des patients ayant un DO qui, après plusieurs injections, ont progressivement récupéré l'odorat[1].

En 2019, l'équipe de Stanford publiait également des résultats préliminaires encourageants chez des patients ayant perdu l'odorat après une grippe/infection à coronavirus, CMV or EBV[2].

Enfin, en 2021, au CHU Saint-Pierre, le Dr Steffens, reprenait la technique de Stanford pour l'utiliser chez les patients avec DO chronique post-COVID-19 et rapportait à son tour des résultats intéressants[3]. Plusieurs points sont à mettre en exergue concernant cette technique chez les patients avec DO chronique. 

1.En pratique, l'odorat s'évalue généralement avec 1) des questionnaires de symptômes, permettant au patient de juger (subjectivement) son odorat, et 2) des tests psychophysiques. Ces tests permettent « d'objectiver/préciser » la DO et de la classer en anosmie (perte totale d'odorat selon des critères bien précis liés au test psychophysique), hyposmie (perte partielle) ou normosmie (test dans les limites de la norme).

Attention qu'un patient peut être normosmique au test d'odorat mais présenter tout de même un trouble olfactif. C'est l'exemple typique des patients qui souffrent de parosmie (odeurs modifiées) ou de phantosmie (odeurs fantômes). Certains d'entre eux se sont en effet habitués à leur trouble olfactif et reconnaissent certaines odeurs malgré qu'elles sont modifiées et ce, suite à une mémorisation de l'odeur modifiée. 

Il est donc recommandé d'avoir un test olfactif psychophysique avant d'indiquer l'injection de PRP dans les fentes olfactives et 3 à 6 mois après l'injection pour juger l'efficacité du traitement. Cette double évaluation est d'autant plus importante que les patients peuvent être influencés par leur état mental/humeur du moment lors de l'évaluation subjective de leurs symptômes. Si les tests psychophysiques restent relativement subjectifs, ils n'en demeurent pas moins standardisés et validés pour l'évaluation de l'odorat.  

2. L'injection de PRP implique l'utilisation d'un matériel biologique provenant du patient lui-même et n'est, dès lors, pas sujet à un rejet. Sur le plan pratique, les patients bénéficient tout d'abord d'un prélèvement sanguin classique et s'en suit une centrifugation du tube afin d'isoler le sérum des globules rouges.

L'injection du PRP est ensuite réalisée dans le septum nasal (partie basse de la fente olfactive) sous optique nasale rigide après une anesthésie locale (spray xylocaine 10%).

Notons qu'il est important au préalable de réaliser un examen nasal complet afin d'exclure une pathologie tumorale ou infectieuse sous-jacente. La procédure dure environ 15 minutes et le patient n'est libéré que lorsque l'épistaxis transitoire lié à la piqure est tari. 

3. Dans une récente étude, nous avons montré que l'injection de PRP était associée à très peu d'effets indésirables [4]. L'épistaxis transitoire post-piqure concerne 35% des patients, tandis que 10% des patients présentaient des parosmies transitoires induites par le spray de xylocaine. L'injection doit être réalisée rapidement après centrifugation car, dans 2% des cas, le plasma coagule rapidement et limite donc l'injection[4]. A ce jour, après avoir injecté environ 350 patients, je n'ai rencontré que deux épistaxis ayant nécessité un méchage nasal, survenant 2 à 3 jours après l'injection chez des patients hypertendus et sous anticoagulants. 

4. L'amélioration de l'odorat concernerait, selon notre dernière étude (en cours de révision), 81% des patients et les premiers effets se marqueraient progressivement avec 3,4 semaines en moyenne[5]. Dans cette étude Européenne multicentrique contrôlée, le groupe PRP aurait, à 3 mois post-injection, des évaluations subjectives et psychophysiques significativement meilleures que le groupe contrôle, où les patients n'ont bénéficié d'aucune injection. Ces résultats encourageants ont été récemment confirmés dans un essai randomisé contrôlé américain où le groupe PRP avait une probabilité de récupération très nettement supérieure au groupe placebo (injection de sérum physiologique)[6]

A l'heure où j'écris cet article, ce type de traitement prometteur n'est réalisé qu'à EpiCURA (Baudour) et à Marseille (CHU La Conception). Il est pourtant simple, peu couteux (50 à 86 euros pour le coût de la seringue dédiée au PRP) et aisé à réaliser.

Je ne peux qu'encourager mes collègues ORL à l'adopter pour aider les nombreux patients avec DO qui nous consultent très souvent en désespoir de cause. Contrairement à ce qui a souvent été avancé, la récupération de l'odorat peut prendre plus de 2 ans. En effet, nous suivons de nombreux patients de la première vague (mars 2020) qui commencent seulement à récupérer la capacité de percevoir et reconnaitre les odeurs de leur quotidien et ce, 31 mois après l'infection. 

 
Contrairement à ce qui a souvent été avancé, la récupération de l'odorat peut prendre plus de 2 ans.
 

En l'absence de PRP, l'entraînement olfactif est intéressant à réaliser avec les odeurs du quotidien (café, épices de cuisine). Je ne recommande plus les huiles essentielles car elles correspondent à des odeurs « chimiques/modifiées » et, bien que non étayé par une étude, j'ai constaté davantage de parosmies. D'expérience, les patients récupèrent plus vite les odeurs avec lesquelles ils se sont entraînés.

Comme nous l'avons montré avec nos collègues italiens, l'intérêt de l'entraînement olfactif se marque à court et à long terme[7]. Ainsi, il convient d'expliquer aux patients que les résultats ne seront pas immédiats et spectaculaire et qu'il s'agit bel et bien d'une rééducation ».

 

Cet article a été écrit par Jerôme Lechien et initialement publié sur MediQuality.

 

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