Activité physique et prévention cardiovasculaire : son intérêt chez la femme jeune

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

24 janvier 2023

Carina Enéa

Paris, France — Quel est l’intérêt de l’activité physique dans la prévention du risque cardiovasculaire des femmes au cours de leur vie reproductive ? Le sujet a fait l’objet d’une session présentée par Carina Enéa, maître de conférences à la Faculté des Sciences du Sport à l’Université de Poitiers lors des Journées européennes de la Société française de cardiologie (JESFC 2023) [1].

Les maladies cardiovasculaires, premières causes de décès de la population féminine, sont responsables de 35 % des décès des femmes, soit près de 9 millions de femmes pour l’année 2019 [2].

Les femmes présentent des risques propres à leur vie reproductive comme la grossesse et la ménopause, à des troubles hormonaux tel que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), ou à la prise de contraceptifs, a décrit l’oratrice.

À ces facteurs s’ajoutent des facteurs de risque traditionnels qu’elles partagent avec les hommes, mais auxquels elles sont parfois plus sensibles comme le diabète ou le tabagisme. On retrouve aussi des facteurs de risque psychosociaux – qui ne doivent pas être négligés chez les femmes, a-t-elle précisé.

Quand on parle de l’activité physique (AP) chez la femme et de son intérêt en prévention cardiovasculaire (CV), c’est souvent la péri-ménopause qui est évoquée où l’activité physique va avoir un effet favorable sur la composition corporelle, en limitant l’augmentation de la masse grasse et de la masse osseuse.

Mais en réalité, l’activité physique a des effets bénéfiques beaucoup plus tôt, dans la période de vie fertile d’une femme, et notamment lorsqu’un facteur de risque CV est identifié.

Contraceptifs oraux

Concernant les contraceptifs oraux, méthode contraceptive la plus utilisée en Europe et en Amérique du Nord – qui concerne près de 20 % des femmes, soit 150 millions de femmes dans le monde –, plusieurs études ont mis en évidence un risque d’hypertension avec leur utilisation prolongée [3].

Quid de l’effet protecteur de l’activité physique dans ce contexte ? L’oratrice et ses collègues ont réalisé une petite étude transversale impliquant 49 jeunes femmes (21,9 + 2,1 ans) réparties en plusieurs groupes selon leur statut hormonal et leurs niveaux d’activité physique quotidienne [4].

L’évaluation a porté sur la pression centrale et la rigidité des gros troncs artériels via la vélocité de l’onde de pouls. Les résultats ont montré des valeurs plus élevées de la pression artérielle systolique chez les femmes utilisant une contraception hormonale mais pas de différence en fonction du niveau d’activité physique.

À l’inverse, l’activité physique a montré un effet bénéfique sur l’onde de pouls mais pas la contraception hormonale. « Nous en avons déduit que l’AP ne permettait pas de contre-balancer les effets un peu délétères de la contraception hormonale sur ces variables physiologiques, a déclaré Carina Enea. En revanche, il est intéressant d’observer que, très jeune, dès 20 ans, il existe des différences en fonction de l’AP sur la rigidité artérielle ».

Syndrome des ovaires polykystiques

Pour ce qui est du trouble des ovaires polykystiques, le plus fréquent chez la femme en âge de procréer – entre 5 et 20 % de la population féminine – il se caractérise par des problèmes de fertilité, un hyperandrogénisme et des complications métaboliques et CV – essentiellement dues à la modification du ration androgènes/oestrogènes – qui augmentent le risque CV chez ces femmes.

Celles qui en sont atteintes présentent un risque augmenté de développer une hypertension (RR = 1,75) et de développer un diabète (RR = 3) [5].

« Le plus inquiétant est que ce risque est plus particulièrement marqué pendant la troisième et la quatrième décennie de la femme – soit relativement tôt – et que la prévention, notamment par l’AP, va jouer un rôle majeur », considère la chercheuse.

Dans cette population, l’AP apparaît comme un outil très efficace de gestion du risque CV, notamment chez les femmes qui présentent un profil cardio-métabolique particulièrement altéré [6]. « Le problème est que, chez ces femmes, suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en termes de durée et d’intensité n’est pas suffisant pour obtenir des effets optimaux et qu’il faut cumuler 120 minutes d’exercices à intensité vigoureuse pour y arriver – ce qui est particulièrement difficile à atteindre pour elles. »

Complications de la grossesse

Troisième point : les complications de la grossesse, car cette période entraîne des modifications CV très importantes – et qui parfois mettent en lumière des pathologies CV sous-jacentes –, lesquelles sont responsables de 33 % des décès pendant la grossesse et 50 % pendant la période post-partum. « Il y a, là aussi, vraiment un effort à faire car 68 % de ces décès pourraient être prévenus », indique Carina Enea.

Au cours de la grossesse, l’AP est une alliée de taille pour diminuer le risque de complications gestationnelles, et notamment de diabète gestationnel qui peut diminuer de 38 % avec une pratique adaptée, tout comme celui d’HTA (-39 %) et celui de pré-éclampsie (-41 %) [7]. « Il y a donc un effet très bénéfique de l’AP, et ce, quelles que soient les caractéristiques de la patiente, à condition de pratiquer de pratiquer au minimum 140 minutes par semaine d’exercices de type aérobie à une intensité modérée », indique l’oratrice.

Ces résultats ont été confirmés dans une méta-analyse très récente, parue en 2023, dans laquelle les auteurs nuancent un peu le propos, indiquant que l’AP est plus efficace lorsqu’elle est réalisée très tôt, dès le premier trimestre, et qu’elle est encadrée par un professeur d’AP adapté ou par un kinésithérapeute [8].

« Le point négatif est que ce bénéfice semble annulé en cas de surpoids ou d’obésité pré-conceptionnelle, indiquant la nécessité d’agir très tôt, et de chercher à faire baisser l’index de masse corporel (IMC) chez les femmes qui veulent être enceintes. »

Encourager la pratique de l’AP chez les femmes jeunes

Le risque CV augmente beaucoup chez les femmes qui ont eu des complications au cours de leur grossesse : une très récente publication de l’American Heart Association montre un risque multiplié par trois de développer une HTA dans les 10 ans qui suivent le post-partum lorsque l’on a eu des troubles hypertensifs gestationnels et un risque de diabète multiplié par 10 lorsque l’on a eu un diabète gestationnel [9].

Sachant cela, il faut donc considérer la période péri-natale comme un « moment privilégié pour faire de la prévention et mettre en place un suivi très serré par les gynécologues, les sage-femmes et les médecins généralistes pour évaluer le risque CV chez ces femmes et les encourager vivement à pratiquer de l’AP », a indiqué la chercheuse.

Aujourd’hui, trop peu de femmes suivent les recommandations de l’OMS en termes d’AP, et c’est particulièrement inquiétant chez les jeunes filles [10]. Moins de 20 % d’entre elles pratiquent 60 minutes d’activité d’intensité modérée à vigoureuse par jour et seulement 50 % des femmes âgées entre 18 et 55 ans.

« Il est donc essentiel de multiplier les recherches pour optimiser la prescription d’AP chez les femmes et identifier les freins et les facteurs facilitants pour augmenter la pratique chez les femmes », a conclu Carina Enea.

 

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