Accès direct aux paramédicaux, primo-prescription aux IPA, PDS : la loi Rist adoptée à l'Assemblée

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

24 janvier 2023

Paris, France—  C'est très certainement le projet de loi le plus honni, actuellement, par la quasi-totalité des syndicats médicaux.

La loi Rist a justifié entre autres la grève de la permanence des soins ambulatoire lancée par le syndicat CSMF mais aussi la mobilisation du collectif Médecins pour demain. Elle a pourtant été adoptée ce 19 janvier par 73 voix pour et 0 contre à l'Assemblée nationale.

Que dit cette proposition de loi, portée par la députée Stéphanie Rist, par ailleurs praticien hospitalier ? Composé de cinq articles, cette proposition de loi tend à revaloriser les professions paramédicales. Elle accorde à certaines d'entre elles un accès direct aux patients, sans la médiation d'un médecin et ouvre la primo-prescription aux infirmier.es en pratique avancée (IPA).

Accès direct, primo-prescription

Tel que l'expose le préambule de cette loi, cette décision est une nécessité, eu égard au contexte de pénurie médicale : « L’offre de soins médicaux étant insuffisante par rapport aux besoins de la population, il est indispensable de trouver des solutions à très court terme. »

Et de poursuivre : « Les protocoles de coopération et le développement de la pratique avancée semblent être les réponses les plus appropriées. »

 
L’offre de soins médicaux étant insuffisante par rapport aux besoins de la population, il est indispensable de trouver des solutions à très court terme.
 

De fait, c'est surtout l'article 1 qui braque les organisations et syndicats médicaux.

Tel que l'expose les rédacteurs de cette proposition de loi, l'article 1 « permet d’ouvrir l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans le cadre d’un exercice coordonné*, pour que les patients puissent se rendre directement chez ces professionnels sans passer en amont par un médecin. Il permet aussi d'ouvrir la primo-prescription aux IPA ». La liste de ces prescriptions sera fixée par décret pris en Conseil d'État « après avis de la Haute Autorité de santé » (HAS).  

*au sein des équipes de soins, des maisons de santé, des centres de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS.

Dans un communiqué publié le 24 janvier, le syndicat Jeunes Médecins « s’inquiète de la capacité des infirmiers en pratique avancée à poser un premier diagnostic en vue d’une primo-prescription, dès lors que les formations initiales et continues des infirmiers et infirmiers en pratique avancée ne sont pas des formations médicales ». Il ajoute : « Jeunes Médecins alerte sur la nécessité que le transfert de la compétence soit accompagné d’un transfert de la responsabilité des erreurs de diagnostic ou de thérapeutique ».

Deux types d’IPA

L'article 1 crée également deux types d'IPA, les infirmier.es en pratique avancée spécialisés pour « les pathologies complexes », et les infirmier.es en pratique avancée praticien.nes pour les « pathologies bénignes » en soins primaires.

En cela, les rédacteurs de cette PPPL suivent les préconisations de l'inspection générale des affaires sociales qui, dans son rapport « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé » publié en novembre 2021, préconisait la création de ces deux statuts d'IPA, pour plus de clarté.

Les Iade dans un premier temps, puis les Ibode et les infirmiers puériculteurs, devraient obtenir le statut d'infirmiers en pratique avancée spécialisés. 

Les kiné aussi

À l'instar des IPA, les kinésithérapeutes devraient avoir un accès direct aux patients, tel que le stipule l'article 2 de cette PPL. Dans une structure de soins coordonnée, « les consultations d’un kinésithérapeute en premier recours permettraient d’éviter certaines consultations médicales pour les troubles musculosquelettiques ou la petite traumatologie notamment pour les actes les plus fréquemment réalisés (lombalgie commune, entorse de la cheville, prothèse de hanche, épaule opérée) ».

Toutefois un amendement adopté en séance publique limite à cinq le nombre de séances en accès direct, « dans le cas où le patient n'a pas eu de diagnostic médical préalable ».

Orthophonistes, assistant en médecine bucco-dentaire

L'article 3 accorde un accès direct aux patients pour les orthophonistes, dans une structure de soins coordonné. « Les soins prodigués sont versés par l’orthophoniste au dossier médical partagé du patient (DMP) et transmis au médecin traitant », précise le projet de loi.

Enfin l'article 4 créé une nouvelle profession, celle d'assistant en médecine bucco-dentaire : « Les assistants dentaires relevant du chapitre III bis du titre IX du présent livre peuvent exercer en pratique avancée, conformément à l’article L. 4301‑1, en tant qu’assistants en médecine bucco‑dentaire. »

 Un article 4 bis fixe un ratio pour l'emploi d'assistants dentaires « par les chirurgiens‑dentistes ou médecins ainsi que pour l’emploi d’assistants médicaux par les ophtalmologistes dans les centres de santé, afin de mieux articuler le partage de compétences entre professionnels et de prévenir d’éventuelles dérives ».

La colère des médecins et les Iades

Le collectif médecins pour demain a mis en ligne une lettre ouverte pour les « élus locaux et la presse », afin de dire tout le mal que ce collectif pense de cette loi : « L’erreur initiale est que ce texte, partant du constat d’un déficit de médecins, propose que des actes médicaux soient réalisés par des professionnels non-médecins. Ces professionnels auraient accès aux champs de compétence et de prescription en toute autonomie via le statut d’Infirmier en pratique avancée qui se substituerait au médecin traitant. [...] Le risque serait celui d’une médecine à deux vitesses : celle des Français ayant un médecin et celle des Français n’en ayant pas. »

 

Le risque serait celui d’une médecine à deux vitesses : celle des Français ayant un médecin et celle des Français n’en ayant pas.

 

 

Aussi, selon Jeunes Médecins : «Il ne faudrait pas croire que l’accès direct aux paramédicaux résoudra la problématique du difficile accès aux soins, car la densité de ces professionnels paramédicaux reste inférieure à celle des médecins »

Mais les médecins ne sont pas les seuls professionnels de santé déçus par ce texte : les Iade le sont également. Le SNIA (syndicat national des infirmiers anesthésistes) avait en effet déposé des amendements afin de créer un troisième statut d'IPA propre aux Iade. Ces amendements ont tous été rejetés.

« C’est avec un mélange de stupéfaction et d’amertume que nous avons découvert, à l’ouverture de l’examen du projet parlementaire de Loi N°362 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, la suppression pure et simple des amendements soutenus par la profession IADE », a regretté le Snia, tout en affirmant que « le combat continue ».

Obligation de PDS

A noter qu’après l'accès direct à certains paramédicaux, le gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale le principe de participation collective à la permanence des soins (PDS). Le but étant de mieux répartir les gardes entre le public et le privé et entre les différents intervenants : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers.

Adoptée par l'Assemblée nationale, la proposition de loi Rist va maintenant être examinée par le sénat le 15 février prochain.

 

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