La CSMF appelle à la grève de la permanence des soins ambulatoires à partir du 23 

Jacques Cofard

20 janvier 2023

Dr Franck Devulder

Paris, France — La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a décidé de lancer dès le 23 janvier prochain une grève de la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Son président, le Dr Franck Devulder, nous explique les raisons de la colère, qu’il s’agisse des négociations sur les revalorisations tarifaires, du refus des "contraintes" du contrat d'engagement territorial mais aussi de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) – qui a été adopté par l'Assemblée nationale dans la nuit de mercredi à jeudi. Il revient aussi sur ce qui différencie les revendications de la CSMF de celles du collectif « Médecin pour demain ».

Medscape édition française : Pourquoi les négociations conventionnelles sont-elles interrompues ?

Dr Franck Devulder : Dans le cadre des négociations conventionnelles, nous avons, nous, l'ensemble des syndicats, décidé de boycotter une réunion technique qui devait se tenir le matin du 19 janvier. Parler de ROSP ou de médecine verte au moment où les députés de la majorité, Stéphanie Rist, Thomas Mesnier portent et discutent des projets de loi qui détricotent la médecine de ville, au moment où l'on a voté dans le cadre du PLFSS 2023 un sous-Ondam de ville en-dessous de l'inflation, ne nous paraissait pas possible. Nous reviendrons à la table des négociations uniquement lorsque le Parlement aura statué sur la loi Rist et lorsque le gouvernement aura ajouté une enveloppe pour la médecine libérale, à même de donner les moyens de satisfaire nos ambitions.

Nous reviendrons à la table des négociations uniquement lorsque le Parlement aura statué sur la loi Rist et lorsque le gouvernement aura ajouté une enveloppe pour la médecine libérale.

 

Pouvez-vous nous dire pourquoi la loi Rist vous met en colère ?

Dr Franck Devulder : Dans tous les cas, il ne s'agit ni de protectionnisme ni de corporatisme. Il suffit de prendre connaissance des projections de la démographie française et de la démographie médicale, selon la Drees, pour comprendre que les médecins français ne vont pas manquer de travail, loin de là, et que par conséquent ils n'ont pas peur de se faire "voler" des missions par les paramédicaux. Nous ne sommes pas non plus opposés à l'évolution des métiers et nous considérons en effet que le statut des infirmières en pratique avancée (IPA) constitue une avancée. Aujourd'hui les infirmières en pratique avancée se voient confier par un médecin dans leur champ de compétence, dans un périmètre restreint, la prise en charge partielle d'un patient, dans le cadre d'une pathologie chronique stabilisée. Cela libère du temps médical et cela améliore l'accès aux soins.

Mais la loi Rist propose tout autre chose : cette loi propose un accès direct à certains professionnels de santé, dont les IPA. Je rappelle qu'un IPA a un diplôme à bac + 5, alors que le médecin a un diplôme à bac +12. Nous savons par ailleurs que nous aurons besoin de tous les professionnels de santé pour soigner la population, mais il faut que ces soins soient prodigués dans le cadre d'un exercice coordonné par des équipes de soins traitantes, type maisons de santé, équipes de soins spécialisés, ou primaires. Ce n'est pas dans une CPTS que ce travail coordonné peut avoir lieu car une CPTS est une structure qui promeut la réflexion et non l'effection. Il faut par ailleurs que ces prises en charge soient protocolisées au niveau d'un bassin de population, pour définir, selon des recommandations scientifiques, le rôle de chacun des professionnels de santé.

Nous ne sommes pas opposés à l'évolution des métiers et nous considérons en effet que les infirmières en pratique avancée (IPA) constituent une avancée.

Partagez-vous les positions du collectif Médecins pour demain quant au rôle de l'IPA ?

Dr Franck Devulder : Non, nous ne remettons pas en cause le champ d'action de l'IPA tel qu'il est défini aujourd'hui. Nous tenons par ailleurs à préciser qu'il ne s'agit en rien d'une délégation de tâches. Un IPA aujourd'hui ne peut pas décider de prendre en charge un patient en maladie chronique. En revanche, il est vrai que l'aspect tarifaire fait râler certains médecins. Un IPA est rémunéré, entre autres, grâce à quatre forfaits dans l'année de 60, 40, 40, 40 euros donc 180 euros par an et par patient. Certains médecins généralistes ne sont pas contents de constater que le montant des forfaits IPA est plus élevé que le prix de la consultation d'un médecin généraliste. Mais les IPA, de leur côté, se plaignent d'un modèle économique libéral extrêmement fragile, parce que les médecins ne leur confient pas suffisamment de patients. Il faut que nous nous rassurions les uns et les autres. Il faut revaloriser le travail des médecins, qui, s'ils confient des taches plus simples aux IPA, devront s'occuper de consultations plus complexes.

 

Certains médecins généralistes ne sont pas contents de constater que le montant des forfaits IPA est plus élevé que le prix de la consultation d'un médecin généraliste.

 

Défendez-vous la revendication de Médecins pour demain qui revendique un C à 50 euros ?

Dr Franck Devulder : Non, pas du tout. Hier, j'ai assisté à une réunion informelle d'échanges entre tous les représentants des syndicats médicaux, y compris « Médecins pour demain ». Nous partageons tous la même colère. À la CSMF, nous assumons notre responsabilité populationnelle, mais il faut s'en donner les moyens. Or, la Cnam nous applique des conditions inacceptables dans le cadre des négociations conventionnelles : par exemple, la Cnam souhaiterait que les médecins libéraux signent un contrat les mettant à disposition de l'ARS, de gré ou de force, dans le cadre de la réserve sanitaire, en cas d'épidémie ou de vacances scolaires. Il faut être déraisonnable pour penser que les médecins libéraux vont signer pareil contrat. La médecine libérale est libérale.

Pour revenir à votre question, nous défendons une hiérarchisation des consultations, de 30 euros à 105 euros, en fonction de leur complexité et de leur fréquence. La consultation de base serait à 30 euros, la consultation de patients en ALD s'élèverait à 60 euros trois fois par an, la première consultation de patients en ALD ou de patients âgés serait à 75 euros, la consultation de prévention s'élèverait à 105 euros.

Donc le C à 50 euros, nous n'y sommes pas favorables pour deux raisons. Première raison : nous voulons valoriser le point travail, c'est-à-dire la façon dont on valorise un acte technique. Chaque point correspond à une spécificité de cet acte. Le nombre de points est ensuite multiplié par un coefficient tarifaire pour établir le tarif de cet acte. On adjoint à ce tarif le coût de la pratique, qui correspond à l'environnement nécessaire pour la prise en charge de cet acte : secrétaire, bureaux, endoscope, etc. Or, ces tarifs sont bloqués depuis des années, dans le cadre de la nomenclature des actes médicaux.

Si nous mettons en place la hiérarchisation des consultations, qui va surtout profiter aux spécialités cliniciennes, et la revalorisation des actes techniques, cela va coûter 2,5 milliards d'euros, cela représente une grosse somme. En revanche, la revalorisation du C à 50 euros serait réellement excessive et coûterait entre 7 et 9 milliards d'euros, raison pour laquelle nous n'y sommes pas favorables.

Deuxième raison : il faut à la fois répondre aux besoins des médecins ainsi qu'aux besoins de la population. Augmenter le C à 50 euros de manière brutale pourrait altérer l'accès aux soins, les médecins pourraient être amenés à lever le pied...

La revalorisation du C à 50 euros serait réellement excessive et coûterait entre 7 et 9 milliards d'euros, raison pour laquelle nous n'y sommes pas favorables.

 

Plutôt que de proposer une nouvelle hiérarchisation des consultations, ne vaudrait-il pas mieux revoir le périmètre des consultations complexes et très complexes ?

Dr Franck Devulder : Oui, tout à fait c'est ce que l'on a fait. Cela a été entendu par l'assurance maladie qui a repris à son compte une hiérarchisation des actes. Nous n'avons pas encore discuté des tarifs mais nous avons travaillé sur les contenus, qui doivent être simples, vérifiables par l'assurance maladie. De même, la CSMF a proposé des choses simples dans le cadre du contrat d'engagement populationnel : par exemple, pour un médecin généraliste qui a une file active de 1000 patients, il ne doit pas faire moins de patients pour accéder à la hiérarchisation des consultations, mais il doit s'engager à voir 10% de patients en plus. Ce n'est pas inaccessible. Avec un assistant médical, c'est tout à fait réalisable. Mais le président de la République a proposé l'embauche de 10 000 assistants médicaux d'ici 2024 alors qu'il y a 120 000 médecins libéraux : ce n'est pas assez.

Avancez-vous d'autres revendications pour la grève du 23 janvier prochain ?

Dr Franck Devulder : Nous hurlons notre colère contre ceux qui ne jurent que par la coercition, la liberté de choix sélective. A force, il y aura de moins en moins de médecins. Le projet de loi porté par Thomas Mesnier n'est pas raisonnable : il veut supprimer la liberté d'installation et mettre en place une obligation individuelle de permanence des soins.  

 

Nous hurlons notre colère contre ceux qui ne jurent que par la coercition, la liberté de choix sélective.

 

 

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