Hypertension: quelle prise en charge chez le sujet âgé?

Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

23 janvier 2023

Paris, France — La prévention des maladies cardiovasculaires chez le sujet âgé a-t-elle ses particularités ? La question a fait l’objet d’une session commune avec la Fédération Française de Cardiologie (FFC) lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2023).

Après une première présentation sur le traitement hypolipémiant par statines (voir notre article Statines chez le sujet âgé: stop ou encore? ), le Dr Michel Chuzeville (CH Edouard Herrot, Lyon) est intervenu pour faire le point sur la prise en charge de l’hypertension dans la population âgée. [1]

Les dernières recommandations européennes sur la prise en charge de l’hypertension, qui datent de 2018, ont fixé des objectif tensionnels plus stricts pour les patients âgés en bonne santé [2].

« Les recommandations de 2018 préconisent dobtenir chez les plus de 65 ans une pression systolique ≤ 130 mmHg, sil ny a pas deffets secondaires importants », a commenté le Dr Chuzeville. Toutefois, chez le patient âgé fragile, l’objectif est moins strict et il convient d’évaluer le risque de complications du traitement antihypertenseur.

 

Les recommandations de 2018 préconisent d obtenir chez les plus de 65 ans une pression systolique ≤ 130 mmHg, s il n y a pas d effets secondaires importants.

 

L'effet "blouse blanche"

Mais avant de traiter, « encore faut-il avoir la certitude que le patient est hypertendu », a souligné le Dr Chuzeville. En effet, « l’effet blouse blanche » est particulièrement fréquent dans cette population puisqu'il est observé chez 25 à 30 % des sujets âgés de 65 ans et plus. L’effet blouse blanche est caractérisé par une hausse de la tension artérielle qui survient uniquement lors d’un rendez-vous médical.

Pour limiter cet effet, il est recommandé de recourir à la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) ou à une mesure de la tension par une personne tiers selon la règle des trois mesures (la tension est mesurée 3 fois le matin, 3 fois le soir, pendant 3 jours de suite), a indiqué le cardiologue, qui concède que le diagnostic de l’HTA n’est pas toujours aisé chez les patients âgés.

Baisse de la mortalité toutes causes avec un traitement intensif

Une fois le diagnostic posé, quels seuils tensionnels viser dans cette population âgée ? Pour répondre à cette question, les recommandations de prise en charge de l'HTA de 2018 se sont appuyées en particulier sur les résultats de l’essai SPRINT, qui retrouve une réduction de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité toute cause avec une stratégie thérapeutique intensive de contrôle de la pression artérielle, même dans la population âgée [4].

Dans cette étude, les patients hypertendus ont été randomisés entre un traitement intensif visant une PAS < 120 mmHg et un traitement standard visant une PAS ≤ 140 mmHg. Les auteurs ont constaté une diminution de la mortalité toutes causes et du risque d’accident cardiovasculaires majeurs (MACE) de 25 % chez les patients entre 65 et 75 ans par rapport au bras traitement standard, sans accidents hypotensifs, chutes graves ou effets secondaires significatifs.

Une analyse de sous-groupe portant sur les plus de 75 ans a confirmé ces résultats, mais avec plus de troubles métaboliques et de chutes sévères.

L’essai randomisé HYVET a également démontré le bénéfice du traitement antihypertenseur, cette fois chez les patients hypertendus âgés de 80 ans et plus [5].

Cette étude internationale conduite en double aveugle contre placebo a inclus 3 845 patients hypertendus âgés en moyenne de 83 ans avec une PAS > 160 mmHg et PAD > 90 mmHg. Pour rappel, les valeurs tensionnelles seuils au-delà desquelles une prise en charge est recommandée sont fixées à 160/90 mmHg après 80 ans, alors qu’elles sont à 140/90 mmHg dans la population plus jeune.

Les patients ont été randomisés pour recevoir un traitement par le diurétique indipamide associé ou non à l’inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) périndopril ou un placebo. L’objectif était d'atteindre une PAS < 150 mmHg et une PAD < 80 mmHg. La pression est passée en moyenne de 173/91 mmHg à 144/78 mmHg dans le groupe traité, contre 159/84 mmHg sous placebo.

L’étude a montré que chez les plus de 80 ans, le traitement par indapamide réduit de 39 % la mortalité par AVC, de 23 % la mortalité cardiovasculaire et de 21 % la mortalité globale.

L’intérêt de l’adhésion thérapeutique

Une fois l'ordonnance faite, s'assurer de la bonne observance du traitement est fondamental, a rappelé l’intervenant. C’est ce que confirme une étude, dans laquelle les auteurs se sont intéressés à des patients hypertendus de plus de 65 ans traités par au moins trois antihypertenseurs et suivis pendant sept ans [3]. Ils ont été répartis en quatre groupes en fonction leur état général à l’inclusion et de leur adhérence au traitement antihypertenseur tout au long de l’étude.

Les résultats montrent que chez les patients adhérents au traitement, le risque de décès cardiovasculaires et de décès toutes causes est significativement plus bas, qu’ils soient fragiles ou robustes, comparativement aux patients présentant une mauvaise adhérence. Le pronostic reste toutefois plus péjoratif à long terme chez les patients fragiles puisque 64 % étaient décédés à sept ans, contre 16 % dans le groupe robuste.

Dépister les hypotensions orthostatiques et digestives

Concernant les effets secondaires, l’hypotension orthostatique reste un facteur délétère important chez les patients âgés. Cette hypotension se révélant au lever (baisse de PAS d’au moins 20 mmHg et/ou de PAD d’au moins 10 mmHg dans les trois minutes après le passage en position debout) est associée à un risque accru de chute et de décès, même avec les formes asymptomatiques.

L’hypotension orthostatique doit être systématiquement dépistée dans la population âgée de façon à adapter au mieux le type de médicament et les horaires de prises, a rappelé le Dr Chuzeville.

Une hypotension digestive (hypotension post prandiale) survenant dans les deux heures après un repas est également à rechercher chez certains patients, comme les diabétiques, les patients atteints de la maladie de Parkinson ou ceux présentant une dysautonomie neuro-végétative, caractérisée par un dérèglement global du système neurovégétatif, a ajouté le cardiologue.

L’hypotension orthostatique doit être systématiquement dépistée dans la population âgée.

Commencer avec de faibles doses

« Les sujets âgés sont souvent hypotendus dans la journée et hypertendus la nuit ». Il convient donc de « doser les antihypertenseurs le matin, mais aussi le soir » et de « penser à la chronothérapie » en administrant le traitement au bon moment dans la journée pour améliorer son efficacité et réduire ses effets indésirables. 

« L’âge ne doit pas être un frein au traitement de l’HTA et il n'est pas recommandé d’interrompre un traitement anti-HTA sur le critère de l'âge, sous réserve qu'il soit bien toléré », estime le Dr Chuzeville.

Le cardiologue recommande d’initier le traitement avec une monothérapie titrée, en donnant la priorité aux médicaments les mieux tolérés, comme les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (sartans), avec de faibles doses dans un premier temps.

Les sujets âgés sont souvent hypotendus dans la journée et hypertendus la nuit.

 

 

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