Jardinage : le bonheur est dans le pré

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

20 janvier 2023

Denver, Etats-Unis – Pratiquez plus d’exercice physique. Mangez plus sainement. Faites-vous de nouveaux amis. Il ne s'agit pas de résolutions de nouvelle année mais bien des bénéfices apportés par le jardinage communautaire ainsi que le montre une étude publiée dans The Lancet Planetary Health. Celle-ci démontre, en effet, que la pratique du jardinage au sein d’espaces communs pourrait inciter à manger plus de fibres, à pratiquer davantage d’exercice physique et à se sentir moins anxieux – autant d’éléments en faveur d’une bonne santé [1].

Financée par la Société Américaine du Cancer, il s’agit de la toute première étude randomisée et contrôlée menée au sein de jardins communautaires à montrer de tels résultats.  

« Ces résultats fournissent des preuves concrètes que le jardinage communautaire pourrait jouer un rôle important dans la prévention du cancer, des maladies chroniques et des troubles de la santé mentale », a résumé l'autrice principale, Jill Litt, professeure au département des études environnementales de CU Boulder (Denver) dans un communiqué [2].

Jardins communautaires de la banlieue défavorisée de Denver

Les effets bénéfiques de la nature sur la santé sont de mieux en mieux établis. Si les espaces verts sont bénéfiques pour la santé, en forêt, les bienfaits de la marche sont plus puissants encore. Les Japonais l’ont bien compris et s'adonnent d’ailleurs très régulièrement au shinrin-yoku, littéralement « bain de forêt » auquel ils prêtent un effet déstressant.

Selon une étude publiée l’année dernière dans le Journal of Environmental Psychology, le fait de passer du temps dans des "espaces bleus" (espaces aquatiques), tels que des plages, des rivières et des lacs, pendant l'enfance peut avoir des effets bénéfiques importants et durables sur le bien-être tout au long de la vie.

Une étude apporte une nouvelle pierre à l’édifice de l’intérêt qu’il y a à intégrer la nature dans son cadre de vie. Il ne s’agit plus cette fois-ci des bienfaits de cheminer dans la nature « sauvage » mais bien, plus prosaïquement de ceux du jardinage – ici au sein de jardins communautaires (aussi appelés jardins ouvriers ou partagés en France).

S’il est courant d’entendre les jardiniers en herbe vanter les bienfaits de cette activité – parfois décrite comme méditative – sur leur moral, les études montrant que jardiner conduit à adopter une meilleure hygiène de vie en termes de consommation de fruits et légumes et d’activité physique sont rares. Seulement trois d’entre elles ont appliqué les règles de la recherche scientifique rigoureuse au jardinage – mais aucune ne s’est intéressée au jardinage communautaire.

Pour remplir ce vide, Jill Litt et ses collègues ont recruté 291 adultes (âge moyen était de 41 ans) qui ne pratiquaient pas le jardinage, issus de la banlieue défavorisée de Denver. Plus d’un tiers était hispanique et plus de la moitié vivaient dans des HLM.

Juste après les dernières gelées de l’hiver, un groupe a pu commencer à suivre un programme de jardinage tandis que l’autre (appariement 1 :1) devait attendre 1 an pour démarrer. Le groupe « jardinage » s’est vu attribué un lopin de terre d’environ 10 m2 au sein de jardins communautaires. Il lui a été remis des semis et des graines et des bases pour pratiquer le jardinage par l’association Denver Urban Gardens.

Les deux groupes ont répondu régulièrement à des questions sur leurs apports nutritionnels et sur leur santé mentale (T1 avril-juin). Ils devaient également se peser régulièrement et porter un appareil pour enregistrer leur activité physique.

Après quelques mois (T2 août-octobre), les chercheurs ont trouvé que les personnes s’étant mises au jardinage mangeaient en moyenne 1,4 gramme de fibres de plus chaque jour, soit une augmentation d’environ 7%. Les fibres ont un effet bénéfique sur les réponses inflammatoires et immunitaires, mais aussi sur le microbiome, qui sont impliqués sur notre risque de développer un cancer ou du diabète, selon les auteurs de l’étude.

« Une augmentation d'un gramme de fibres peut avoir des effets importants et positifs sur la santé », a commenté le co-auteur James Hebert, directeur du programme de prévention et de lutte contre le cancer de l'université de Caroline du Sud[2].

De plus, le groupe des personnes qui s’est mis au jardinage a augmenté son temps d’activité physique de 42 minutes par semaine en moyenne. Alors que les organismes de santé publique recommandent au moins 150 minutes d'activité physique par semaine, avec seulement deux ou trois visites hebdomadaires au jardin communautaire, les participants ont rempli à 28 % cette exigence.

L’importance du lien social

Ces volontaires ont également vu leur niveau de stress et d’anxiété baisser,  et ce d’autant plus que leur niveau d’anxiété à l’entrée dans l’étude était élevé.

L'étude a également confirmé que même les jardiniers novices peuvent tirer des avantages mesurables de ce loisir pour la santé dès leur première saison. Au fur et à mesure qu'ils acquièrent de l'expérience et qu'ils obtiennent de meilleurs rendements, la chercheuse Jill Litt pense que ces avantages vont s'accroître.

Le lien social est également très important.

Si jardiner seul est bon pour vous, jardiner en communauté peut avoir des avantages supplémentaires. « Même si vous venez au jardin dans l’idée de produire votre nourriture tout seul dans un coin tranquille, vous commencez à regarder la parcelle de votre voisin et à partager des techniques et des recettes, et au fil du temps, les relations fleurissent », a déclaré Jill Litt. « Il ne s'agit pas seulement des fruits et légumes. Il s'agit aussi de se retrouver dans un espace naturel en plein air avec d'autres personnes », a-t-elle ajouté.

 
Il ne s'agit pas seulement des fruits et légumes. Il s'agit aussi de se retrouver dans un espace naturel en plein air avec d'autres personnes.
 

L’étude présente des limites. L'une d’entre elles étant l'exclusion des données de la vague 3 au T3 pour tenir compte de la pandémie de Covid-19, ce qui a eu pour effet de réduire la taille de l'échantillon et pourrait donc avoir diminué la puissance statistique ou atténué les résultats, expliquent les chercheurs.

Par ailleurs, cet essai n'a saisi l'expérience de jardinage communautaire que sur une année. On ne sait pas si les effets de l'intervention se maintiendront au-delà d'un an. « En raison du temps nécessaire pour mettre en place de nouvelles activités telles que le jardinage et maintenir les changements dans les comportements de santé et l'état de santé, un suivi à long terme serait utile pour comprendre si et comment les jardiniers maintiennent les changements qu'ils ont adoptés au cours de la première année de jardinage ».

Cet essai contrôlé randomisé renforce les preuves de l'utilité du jardinage communautaire en tant qu'intervention sociale globale à composantes multiples basée sur la nature qui peut améliorer certains comportements de santé et réduire le stress et l'anxiété perçus dans une population urbaine diversifiée. Ces deux éléments sont importants pour la prévention des maladies chroniques et des troubles de la santé mentale.

La chercheuse espère que ces résultats encourageront les professionnels de la santé, les décideurs politiques et les aménageurs du territoire à considérer les jardins communautaires, et les autres espaces qui encouragent les gens à se réunir dans la nature, comme un élément essentiel du système de santé publique. Les preuves sont claires, conclut-elle.

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux  newsletters  de Medscape :  sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....