Trouble du développement intellectuel : quelle place pour le médecin de ville ?

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

18 janvier 2023

France – En septembre dernier, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié des recommandations sur l’accompagnement des personnes présentant un trouble du développement intellectuel (TDI) [1]. C'est la première fois que des recommandations portant spécifiquement sur ce trouble du neurodéveloppement sont rédigées.

Pourtant, il n'est pas rare : 1 à 2% de la population présente un TDI léger et 2 à 3/1000 un TDI sévère.

Si les destinataires de ces recommandations, qui se concentrent sur l'accompagnement, sont les professionnels des établissements et services médico-sociaux et la famille et les proches d'une personne présentant un TDI, les médecins de ville peuvent y trouver une information utile pour adapter leur consultation à ces patients.

Medscape édition française s'est entretenue avec la Dr Domitille Gras (médecin coordinateur du réseau TAP Ile de France), qui a participé à la rédaction de ce document, sur le rôle du médecin généraliste à la fois dans le repérage et dans l'accompagnement.

Qu'est-ce qu'un TDI ?

Le TDI fait partie des troubles du neurodéveloppement qui survient pendant la petite enfance et non à l'âge adulte. « Le cerveau s'est construit de façon vulnérable et atypique », éclaire la neuropédiatre. Aussi certaines fonctions orchestrées par le cerveau sont-elles limitées. C'est notamment le cas des capacités intellectuelles – raisonnement, jugement, résolution de problème, abstraction – dont les limitations affectent notamment les apprentissages.

La HAS rappelle aussi qu'outre l'intelligence, il y a « des limitations des fonctions adaptatives notamment en termes d’habiletés conceptuelles, sociales et pratiques. ». Ces limitations affectent, elles, la vie quotidienne et peuvent se manifester par des difficultés de communication et d’acquisition des habiletés sociales.

Le TDI s'exprime de façon plus ou moins précoce selon la sévérité. « Un TDI sévère peut se détecter très précocement avec un bébé passif dont les acquisitions sont tardives par exemple », indique Domitille Gras.

La forme légère, elle, se repère généralement plus tard, au moment des premiers apprentissages. « Le cas classique du TDI léger, c'est le repérage tardif parce que l'enfant est très discret. En fait, il a de grandes difficultés qu'on ne voit pas », poursuit-elle. Elle déplore la « temporisation » et la « position attentiste » des professionnels de santé face à des enfants dont le parcours de développement aurait dû les alerter.

Que peut faire le médecin de famille ?

Pour elle, le médecin généraliste a un rôle très important dans le repérage. Elle prévient de deux écueils fréquents : l'étiquetage trop rapide et le discours trop anxiogène auprès des parents.

« Si vous repérez une trajectoire de développement qui ne vous paraît pas normale, il ne faut pas affoler les parents. Commencez par faire un lien avec la crèche pour savoir comment l'enfant y évolue... », conseille-t-elle.

Le repérage a trois fonctions. Il sert à écouter l'inquiétude des parents, en général les premiers à détecter un problème chez leur enfant, mais aussi délivrer des conseils et prescrire des bilans psychomoteur, orthophonique, de la vision et de l'audition.

La Dr Domitille Gras rappelle que « le médecin généraliste a la possibilité via les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) de compléter une fiche afin de débloquer rapidement un forfait pour la prise en charge d'un enfant de moins de six ans ». A l'occasion d'une visite dédiée, le médecin traitant pourra ensuite orienter la famille vers un niveau d'expertise supérieur.

De fait, la neuropédiatre considère qu'étant donné la difficulté du diagnostic de TDI, un « trouble subtil » sans cause acquise, le médecin généraliste ne devrait pas s'attacher à essayer d'identifier précisément le trouble de neurodéveloppement.

Trois niveaux d'expertise permettent de poser un diagnostic : le premier niveau est représenté par le médecin traitant, le deuxième par le pédiatre, le CMP, la PMI ou encore le CAMPS et le troisième, le CHU, réservé aux cas les plus compliqués.

Concernant le suivi, les consultations, en général plus longues, nécessitent que le médecin s'adapte au niveau de compréhension du patient. « Il faut savoir aussi que les patients présentant un TDI oublient plus que les autres patients leur rdv mais aussi leurs traitements, ce qui engendrent plus de complications ». Autant de spécificités que le médecin aura à prendre en compte pour trouver des moyens pour assurer que son patient puisse être suivi au mieux.

 

La notion d'autodétermination mise en avant par la HAS

Un point central des recommandations de la HAS est la notion d'autodétermination des personnes présentant un TDI, peu connue des professionnels de santé.
« Il est primordial dans l’accompagnement de ces personnes de prendre en compte leurs besoins et leurs préférences, de les replacer au centre de toutes les décisions et de soutenir ainsi leur autodétermination », indique la HAS.

L’autodétermination comprend quatre caractéristiques, l’autonomie, l’empowerment psychologique, l’autorégulation et l’autoréalisation dont la HAS détaille les définitions :

  • L’autonomie correspond à l’ensemble des habiletés d’une personne : indiquer ses préférences, faire des choix et amorcer une action en conséquence ;

  • L’empowerment est, pour une personne, la croyance en sa capacité d’exercer un contrôle sur sa vie ;

  • L’autorégulation est la capacité de l’individu à analyser son environnement et ses possibilités personnelles avant de prendre ses décisions et d’en évaluer les conséquences;

  • L’autoréalisation est la capacité d’un individu à connaître ses forces et à agir en conséquence.

 

 

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