Etats-Unis – Vous discutez et décidez du meilleur traitement pour vos patients, rédigez des ordonnances et recommandez des modifications du mode de vie pour améliorer les résultats du traitement et le bien-être général. Mais une fois qu'ils ont quitté votre cabinet, la suite dépend du patient. Que se passe-t-il lorsque celui-ci n’écoute pas les recommandations de son médecin ?
Les patients ne suivent pas toujours les conseils, voire même les traitements que leur prescrivent leur médecin. Comment aborder le sujet et identifier les obstacles en vue d’une prise ne charge optimisée ? Des médecins américains donnent leur point de vue pour une relation médecin/patient fondée sur la confiance. Les arguments ayant trait au coût du traitement peuvent être plus prégnants aux Etats-Unis.
Le terme « non adhérent » a progressivement remplacé le terme « non observant » ou « non compliant » dans le lexique des médecins, comme un clin d'œil à l'évolution de la relation médecin-patient. La non-observance implique qu'un patient ne suit pas les ordres de son médecin. L'adhésion, en revanche, est une mesure de l'adéquation entre le comportement de votre patient et les recommandations que vous lui avez faites. Il s'agit d'une différence subtile mais importante dans l'approche des soins.
« Le terme non-observance donne, par définition, une connotation négative à ce non-retour de la part du patient, alors qu'il y a une raison à la non-adhésion, liée généralement à des facteurs extérieurs », explique la Dr Sharon Rabinovitz, présidente de l'Académie des médecins de famille de Géorgie.
Pourquoi les patients ne veulent-ils pas écouter ?
Les raisons de la non-adhésion au traitement par un patient sont multiples, mais elles sont souvent liées aux déterminants sociaux de la santé, tels que le transport, une mauvaise connaissance de ce qu’est la santé, les finances et le manque d'accès aux pharmacies.
Autres explications : les patients ne veulent pas prendre de médicaments, n’ont pas fait de leur santé une priorité, ou trouvent que les modifications du régime alimentaire et du mode de vie suggérées par les médecins sont trop difficiles à réaliser, ou encore ils ont du mal à perdre du poids, à manger plus sainement ou à réduire leur consommation d'alcool, par exemple.
Les effets indésirables que le patient ne veut pas forcément mentionner constituent un autre facteur dissuasif courant.
« Par exemple, beaucoup de patients qui prennent des antidépresseurs ont un dysfonctionnement sexuel associé à ces médicaments », souligne la Dr Teresa Lovins, médecin (à la tête de Lovin My Health DPC à Columbus, Indiana), et membre du conseil d'administration de l'American Academy of Family Physicians.
« Si vous ne posez pas les bonnes questions, vous ne serez pas en mesure d'évaluer pleinement l'expérience que vit le patient et de connaitre l’une des raisons pour laquelle il pourrait ne pas prendre son médicament. »
Une grande partie de la non-observance est intentionnelle et se fonde sur l'expérience, les systèmes de croyance et les connaissances. Par exemple, l'American Medical Association constate que certains patients peuvent ne pas comprendre pourquoi ils ont besoin d'un traitement (et donc le rejeter), ou qu'ils peuvent en avoir beaucoup à prendre, craindre d'être dépendants, se méfier de l’industrie pharmaceutiques ou du système médical dans son ensemble, ou présenter des symptômes de dépression qui rendent plus difficile l'adoption de mesures saines.
En outre, les patients peuvent être incapables de payer leurs médicaments, ou l'absence de symptômes peut les amener à croire qu'ils n'ont pas vraiment besoin de la prescription, comme c'est le cas pour l'hypertension ou l'hypercholestérolémie.
« Dans le cadre de la formation continue, nous avons suivi une formation Balint, où nous nous réunissons en groupe avec d’autres participants et discutons de cas difficiles d'un point de vue biopsychosocial et prenons en compte tous les facteurs du point de vue du patient, y compris la dynamique familiale, les systèmes sociaux et les réalités économiques », explique le Dr Russell Blackwelder, directeur de l'éducation gériatrique et professeur associé de médecine familiale à l'Université médicale de Caroline du Sud.
« Pour ma part, cette formation m'a beaucoup aidé à m'ouvrir, à être plus empathique et à examiner réellement le point de vue du patient et tout ce qui l'affecte ».
Theresa Lovins convient qu'il est crucial d'établir un bon rapport avec le patient et d'instaurer une confiance mutuelle.
« Si vous ne connaissez pas le patient, vous avez plus de mal à poser les bonnes questions pour aller au fond des choses et savoir pourquoi il ne prend pas ses médicaments ou pourquoi il ne fait pas ce qu’il faut pour améliorer son état de santé », dit-elle. « Il faut un peu de confiance de part et d'autre pour arriver à cette question qui va vraiment au cœur de la raison pour laquelle ils ne font pas ce que vous leur demandez de faire. »
Comment encourager l’adhésion
Bien qu'il n'y ait pas d'approche unique pour obtenir l'adhésion à un traitement ou une adhésion plus générale à des conseils, certaines méthodes peuvent augmenter le succès.
Le Dr Kenneth Zweig, qui exerce en médecine interne au Northern Virginia Family Practice Associates, à Alexandria, en Virginie, affirme que convaincre les patients de faire un petit changement qu'ils peuvent maintenir peut faire avancer les choses.
« J'ai eu un patient qui était très en surpoids et qui souffrait d'hypertension, d'hypercholestérolémie, de douleurs dorsales, d'insomnie et de dépression, et qui buvait également trois à quatre bières par nuit », raconte le Dr Zweig.
« Après une longue discussion, je l'ai mis au défi d'arrêter toute consommation d'alcool pendant une semaine. À la fin de la semaine, il a remarqué qu'il dormait mieux, qu'il avait perdu du poids, que sa tension artérielle était plus basse et qu'il avait plus d'énergie. Après avoir constaté les avantages de ce seul changement, il a été motivé pour améliorer d'autres aspects de sa santé. Il a amélioré son régime alimentaire, a commencé à faire de l'exercice et a perdu plus de 20 kilos. Il a persévéré dans ces changements de mode de vie depuis lors ».
Une approche en équipe peut également améliorer la compréhension et l'adhésion au traitement. Dans une étude plus ancienne, les patients qui ont été assignés à des soins en équipe, y compris des soins assurés et suivis par les pharmaciens, étaient significativement plus respectueux de leurs régimes médicamenteux. Les patients étaient plus à l'aise pour poser des questions et faire part de leurs préoccupations lorsqu'ils avaient le sentiment que leur plan de traitement était le fruit d'une collaboration entre plusieurs prestataires et eux-mêmes.
Le Dr Lovins recommande de toujours aborder le patient de manière positive. Dites-lui : « Que pouvons-nous faire ensemble pour que cela fonctionne ? Quelles sont vos questions sur ce médicament ? Et essayez de vous concentrer sur les choses positives que vous pouvez changer au lieu de laisser le patient avec un sentiment négatif ou de montrer que vous êtes en colère ou que vous êtes mécontent de ses choix. Les patients réagissent mieux lorsqu'ils sont traités comme des membres de l'équipe [chargée de ses soins] ».
La peur du jugement peut également constituer un obstacle à l'honnêteté entre les patients et leurs médecins. La honte crée une réticence à admettre la non-observance. Le Dr Lovins explique à Medscape qu'il est de la responsabilité du médecin de créer un espace exempt de tout reproche pour que les patients puissent parler ouvertement de leurs difficultés avec le traitement et des raisons de leur non-observance.
Quand faut-il réorienter les soins ?
En fin de compte, l'objectif est de prodiguer de bons soins et de traiter la maladie. Cependant, si vous et votre patient êtes dans une impasse et que les progrès stagnent ou échouent, il peut être approprié d'encourager le patient à chercher des soins ailleurs.
« Comme dans toute relation, certaines relations médecin-patient ne sont tout simplement pas adaptées », explique le Dr Russell Blackwelder. Et c'est peut-être la raison pour laquelle le patient n'adhère pas au traitement : il y a quelque chose qui ne colle pas entre vous deux.
Bien qu'il existe des considérations éthiques autour de cette décision, la plupart des instances ordinales ont des recommandations sur la façon de gérer ce type de situation, explique le Dr Blackwelder à Medscape.
« Dans l'État de Caroline du Sud, nous devons être disponibles pour fournir des soins urgents pendant au moins 30 jours et informer le patient par écrit qu'il doit trouver quelqu'un d'autre et l'aider à trouver quelqu'un d'autre si nous le pouvons. »
Tout comme pour les soins, avoir une conversation claire sera la meilleure façon de faire si vous envisagez un changement dans la relation médecin-patient. Vous pourriez dire : « Je ne vois pas apparaitre les progrès que j'aimerais voir se réaliser, et je me demande si vous pensez que travailler avec un autre médecin pourrait vous aider ».
« Le plus important est d'être très honnête et transparent avec le patient et de lui dire que vous vous inquiétez de ne pas observer les progrès appropriés », explique le Dr Rabinovitz. Ensuite, vous pouvez demander : « Suis-je le bon médecin pour vous aider à atteindre vos objectifs ? Et si ce n'est pas le cas, comment puis-je vous aider ? ».
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé What to Do When Patients Don't Listen . Traduit par Stéphanie Lavaud.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Que faire quand le patient ne vous écoute pas ? - Medscape - 18 janv 2023.
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