France – « Aujourd’hui, les niveaux d’exposition aux polluants et d’imprégnation de la population française restent encore beaucoup trop élevés », affirme le Pr Didier Lepelletier, président du Haut Conseil de santé publique (HCSP), lequel alerte les autorités sur l’urgence à agir en faveur de la santé environnementale. L’organisme réclame, non plus des plans, mais une stratégie nationale interministérielle et préconise, par ailleurs, de créer une spécialité en santé environnementale dans le cursus médical.
Les trois premiers plans étaient-ils trop plan-plan ?
Au terme d’un audit mené sur 15 ans de politiques publiques, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) alerte les autorités sur l’urgence de réduire les expositions aux polluants. Davantage que des plans quinquennaux, la santé environnementale gagnerait à être l’objet d’une réelle stratégie nationale et interministérielle, avec une valeur juridique et un financement dédié, analyse le HCSP.
Si les termes employés restent feutrés, le Haut Conseil de santé publique dresse un constat sans concession sur la politique de santé environnementale menée par la France depuis le premier plan national (PNSE) en 2004.
À la demande des ministères de la Santé et de la Transition Ecologique (en mai 2020), le Haut Conseil a analysé les trois PNSE (2004-2008 ; 2009-2013 ; 2015-2019). Il a rendu publiques ses conclusions, fruits de deux années de travail, mercredi 11 janvier, huit mois après le lancement du 4e plan Santé Environnement.
Quelles avancées ?
Premier enseignement : ces plans ont permis quelques avancées en menant des actions sur des axes prioritaires clairement établis – garantir une eau et un air de bonne qualité ou prévenir les cancers d’origine environnementale pour le 1er PNSE, réduire les inégalités environnementales pour le 2e, évaluer le danger et l’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens pour le 3e.
Le HCSP relève des « résultats encourageants » sur le suivi de la qualité de l’air. Les auteurs citent la baisse régulière des concentrations moyennes annuelles de dioxyde de soufre, de dioxyde d’azote et de particules fines depuis 2006.
Pour autant, « la pollution atmosphérique reste une problématique majeure de santé publique, avec en outre, le cas de l’ozone dont les concentrations restent stables. La forte baisse des émissions rejetées dans l’air n’a pas suffi à passer, dans les délais, sous les valeurs limites requises par l’UE pour la protection de la santé. » La France est donc l’objet de deux contentieux engagés par la Cour de justice européenne.
40 000 morts anticipées par an en France à cause de la pollution de l’air
« Il est important d’accélérer les mesures pour diminuer les niveaux de pollution atmosphérique », poursuit le Haut Conseil. Et ce d’autant que la France perd chaque année un lourd tribut.
« La pollution atmosphérique est responsable de 40 000 décès anticipés par an et de 7 % de la mortalité totale, affirme le Dr Fabien Squinazi, médecin biologiste et président de la commission spécialisée Risques liés à l’environnement (CSRE). Il est établi que la pollution atmosphérique est associée à l’apparition des cancers du poumon et du sein. »
Les pollens allergisants ont également gagné du terrain ces dernières années puisque la part de Français concernés par les allergies est passée de 3 % dans les années 1970-1980 à 25 % en 2020. Avec des saisons polliniques plus précoces, plus longues et avec des pollens plus allergisants, observe le Dr Squinazi.
La prise en compte de la qualité de l’air intérieur est aussi devenue ces dernières années une préoccupation primordiale, renforcée par la crise Covid. Au point que l’exécutif a décidé de légiférer.
Un décret paru fin décembre au Journal Officiel impose des critères de qualité de l’air intérieur aux crèches et aux écoles pour accueillir les enfants (avec des taux maximum de 100 µg/ m3 pour une exposition à court terme au formaldéhyde et de 2 µg/m3 pour une exposition de longue durée au benzène).
Depuis le 1er janvier, ces établissements sont tenus de réaliser une évaluation annuelle des moyens d'aération des bâtiments en mesurant la concentration en dioxyde de carbone. Un autodiagnostic de la qualité de l’air intérieur est requis à minima tous les quatre ans.
Une explosion des risques émergents
Les politiques de santé environnementale ont par ailleurs intégré ces dernières années les risques émergents (ondes électromagnétiques, nanotechnologies, perturbateurs endocriniens) et des expositions multiples aux polluants.
Mais, de l’aveu du HCSP, cette prise en compte doit être renforcée. Le Haut Conseil cite les chiffres alarmants de Santé Publique France selon lesquels 99% des femmes enceintes dans notre pays ont une imprégnation aux phtalates, mais aussi la baisse continue de qualité du sperme (-30 % entre 1989 et 2005) ainsi que la hausse de l’incidence du cancer des testicules dont les perturbateurs endocriniens sont suspectés d’être la cause.
« Le programme de biosurveillance Esteban, depuis le 2e PNSE, a permis d’établir l’exposition à une centaine de produits chimiques dont les dioxines, le bisphénol A, les phtalates, les pyréthrinoïdes, les furanes…, affirme la Pre Francelyne Marano, professeure de biologie cellulaire et toxicologie à l’Université de Paris. Il faut baisser l’exposition de la population grâce à des interdictions de certaines molécules quand elles ne sont pas nécessaires. »
Tenir compte de l’impact du changement climatique
« Aujourd’hui, les niveaux d’exposition aux polluants et d’imprégnation de la population française restent encore beaucoup trop élevés, affirme le Pr Didier Lepelletier, président du HCSP. Il est donc majeur de les réduire pour éviter les impacts sanitaires à court et à long termes. »
Pour ce faire, il importe de tenir davantage compte de l’impact des changements climatiques sur la santé (canicules, pollution de l’ozone, pollens, exposition aux UV…). Ce thème est aujourd’hui perçu par la population française comme la préoccupation n°1 (40 %), devant la biodiversité (12 %), les catastrophes naturelles (11 %), la destruction des forêts (10 %) ou la pollution de l’air (10 %), selon un baromètre IRSN de 2021.
Pour améliorer les politiques menées en santé environnementale, le Haut Conseil formule plusieurs recommandations générales aux pouvoirs publics. Il réclame une stratégie nationale interministérielle, disposant d’un financement dédié aux plans (nationaux et régionaux) et souhaite que cette dernière jouisse d’une réelle valeur juridique rendant opposables ses préconisations.
Pour une formation en santé environnementale des soignants
Afin de renforcer les connaissances des soignant sur le sujet, le HCSP préconise par ailleurs de mettre en place une formation ad-hoc en santé environnementale dès les études de santé. « Plus que de simples UV, il faut aller vers la création d’une spécialité en santé environnementale dans le cursus médical », plaide le Dr Daniel Bley, anthropologue et biologiste, directeur de recherche au CNRS. Et pour sensibiliser le grand public à ces problématiques, le HCSP lance l’idée d’une journée nationale santé-environnement.
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Citer cet article: Santé environnementale : le HCSP veut du concret - Medscape - 17 janv 2023.
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