Pollution sonore : un impact non négligeable sur le cœur des hommes

Pascale Solère

Auteurs et déclarations

16 janvier 2023

Pre Marianne Zeller

Paris, France — Que sait-on des impacts de la pollution sonore sur le système cardiovasculaire ? Cette question a été abordée lors de la présentation de la Pre Marianne Zeller (Université de Bourgogne Franche Comté) au cours des dernières Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESC 2023) [1].

On en retiendra que la « pollution sonore impacte le cœur à un niveau significatif même si limité à l'échelle individuelle quand l'impact en population pèse lui un poids loin d'être négligeable en termes de santé publique.

Et elle impacte manifestement surtout les hommes, apparemment plus sensibles à celle-ci. Quand côté pollution aérienne, on n'a pas « d'effet sexe », résume M Zeller.

Ce qui doit nous amener à l'avenir à « intégrer cette notion –pollution(s) et cœur ne font pas bon ménage – dans nos enseignements mais aussi dans l'éducation thérapeutique des patients », commente le Pr Pierre Gibelin (CHU de Nice), modérateur de cette session.

 
La pollution sonore impacte le cœur à un niveau significatif même si limité à l'échelle individuelle. Pre Marianne Zeller
 

Bruit du trafic routier et sur-risque CV

L'impact de la pollution sonore sur la santé est connu/suspecté depuis longtemps déjà. Ce thème a fait jusqu'à présent l'objet de bien moins nombreux travaux que ceux dédiés à la pollution aérienne mais on avance.

Des données montrent que le bruit lié au trafic routier tend à augmenter le risque d'infarctus et d'AVC. L'exposition nocturne à ce bruit tend à augmenter la fréquence cardiaque (Fc) et la PA via une activation sympathique réduisant la variabilité de la Fc. L'association est d'ailleurs plus forte chez les sujets dormant les fenêtres ouvertes. Bref, de plus en plus de données montrent que la pollution sonore a un impact cardiovasculaire. Explications.

« Assez récemment, les travaux menés par une équipe allemande ont apporté la preuve du concept en termes de pollution sonore et de risque cardiovasculaire. Pour ce faire, cette équipe a exposé des sujets à risque cardiovasculaire dans une étude randomisée en cross over durant 3 nuits à des enregistrements de bruits d'avion (pressurisation) versus bruit contrôle.

L'expérience montre que l'exposition nocturne à ces enregistrements génère chez les sujets une élévation significative des taux de catécholamines, des pressions artérielles systoliques (PAS), de la dysfonction endothéliale ainsi que des micro-réveils [2]. Bref le bruit active les voies de stress », explique la Pre Mariane Zeller.

« Côté épidémiologique on dispose encore de peu d'études d'envergure. Néanmoins sur la base de données de cohortes, les experts de l'OMS mandatés pour « trancher » le débat ont conclu dès 2018 que l'on avait un haut niveau de preuve sur l'impact cardiovasculaire du bruit lié au trafic routier. Le niveau de preuve étant plus faible en ce qui concerne le bruit lié aux avions ou aux trains. Leur méta-analyse de 7 études longitudinales met en évidence une relation linéaire entre exposition au bruit du trafic routier et incidence des cardiopathies ischémiques. Le risque relatif de cardiopathie ischémique augmentant de 8 % (RR=1,08 ; 1,01-1,15) à chaque élévation de 10 dB du bruit lié au trafic routier », résume Marianne Zeller.

« Enfin, tout dernièrement, un travail rétrospectif – ENVI-AMI – que nous avons mené à Dijon avec le soutien de la Fondation Cœur et Recherche à partir du registre RICO a clairement montré, pour la 1ère fois, une corrélation étroite entre les niveaux d'exposition nocturne aux bruits du trafic routier et le risque thrombotique chez des sujets à haut risque cardio-vasculaire du moins chez les hommes » résume la Pre Zeller [4].

Ce travail porte sur 879 patients dijonnais consécutifs admis pour infarctus entre 2004 et 2008 (registre RICO) – soit des sujets à haut risque CV résidant dans une ville de taille moyenne comme 44 % de la population européenne. Bien qu'un peu plus jeunes (66 ans vs 70 ans), ces sujets sont représentatifs de la population française victimes d'IDM notamment en termes de sexe et de facteurs de risque majeurs ainsi qu'en termes de risque thrombotique (TRS-2P score) avec à l'inclusion 41 % de sujets à bas risque, 26 % à risque intermédiaire-bas, 21 % à risque intermédiaire-haut plus 12 % à haut risque TRS-2P.

La relation éventuelle entre leur exposition au bruit du trafic routier (LAeq* de 24h et LAeq nocturne en Db) estimée en fonction de la distance de leur résidence à un axe fréquenté et leur risque thrombotique a été analysée.

« Les résultats montrent que le niveau d'exposition sonore sur la journée ou la nuit est significativement corrélé au niveau de risque thrombotique. A chaque augmentation de 10 Db correspond une augmentation de 15-17 % du risque (LA eq 24h RR=1,165;1,026-1,324) ; LA eq nuit RR=1,157;1,031-1,337). Cette corrélation n'est pas modifiée après ajustement notamment sur le niveau socio-économique », résume l’intervenante.

« Mais attention, il y a un effet sexe. La corrélation entre LAeq nuit et risque thrombotique n'est significative que chez les hommes, pas chez les femmes. Ce qui suggère que les hommes sont particulièrement sensibles à l'impact cardiovasculaire de la pollution sonore. Un point déjà soulevé dans de précédentes études », note Marianne Zeller.

 
Attention, il y a un effet sexe. La corrélation entre LA eq nuit et risque thrombotique n'est significative que chez les hommes, pas chez les femmes.
 

*LAeq : niveau sonore équivalent : c'est la donnée qui caractérise le mieux un bruit fluctuant dans le temps (comme le bruit de la circulation automobile)

 

 

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