Matthieu Villecourt, un directeur d’hôpital engagé contre la désertification médicale dans l’Yonne

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

13 janvier 2023

Matthieu Villecourt

Avallon, France Au centre hospitalier d’Avallon qu’il dirige, mais aussi à Champs-sur-Yonne où il est conseiller municipal et pilote un projet de maison de santé, Matthieu Villecourt est perpétuellement à la recherche de médecins et de professionnels de santé. Cet engagement pour un meilleur accès aux soins est devenu son combat quotidien dans un des départements français, l’Yonne (89), les plus touchés par la désertification médicale. Portrait.

Diplômé d’une fac de droit, il aurait pu passer le barreau. Attaché d’enseignement à l’université de Bourgogne, il aurait pu être prof aussi. Mais le destin a voulu qu’il devienne, en 2013, directeur d’hôpital, en l’occurrence celui hospitalier d’Avallon – un établissement qui regroupe 360 personnes, composé d’un CH (90 lits), d’un EHPAD (160 lits), et d’un service de soins infirmiers à domicile de 38 places.

Officiellement « délégué à la lutte contre la désertification médicale »

Un directeur d'hôpital a habituellement pour principales missions de gérer la bonne marche de son établissement, de veiller à ses ressources matérielles et financières, de s’assurer de l’organisation sans faille de ses équipes. Mais dans un département confronté à la raréfaction du personnel soignant, Matthieu Villecourt passe une très grande partie de son temps à passer des petites annonces. « On recrute dans tous les domaines, nous confiait le directeur du CH d’Avallon en décembre dernier : des manipulateurs radio, du personnel médical, des infirmiers – 10 % de lits du CH ont été fermés par manque de bras.

Et quand il a fini sa journée à l’hôpital, que fait le directeur ? Matthieu Villecourt, 50 ans, se met à la recherche de médecins et de paramédicaux à Champs-sur-Yonne, bourg de 1 500 âmes à quelques encablures d’Auxerre (89), où il réside et dont il est conseiller municipal depuis 2014. Après s’être essentiellement occupé des questions de finances, Matthieu Villecourt est depuis un an officiellement « délégué à la lutte contre la désertification médicale ». Avec en ligne de mire l’objectif de faire sortir de terre pendant la mandature 2020-2026 une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) pour améliorer l’accès aux soins des Champicaunais. « Le projet m’intéresse vivement, affirme l’intéressé, parce que c’est ma commune, et parce que je suis heureux d’apporter à l’équipe mon expérience et mon carnet d’adresses. »

 
On recrute dans tous les domaines : 10% de lits du CH ont été fermés par manque de bras. Matthieu Villecourt
 

En lutte contre les déserts

Mais l’expertise et une bonne connaissance du terrain ne font pas tout. Matthieu Villecourt s’escrime à trouver des candidats médecins pour la maison de santé. Le challenge est de taille dans un département qui figure parmi les moins attractifs de France selon les statistiques du dernier Atlas de la démographie médicale de l’Ordre des médecins. Le nombres de généralistes y a chuté de 34 % entre 2010 et 2022 et la moyenne d’âge des praticiens actifs du département est parmi les plus élevées de France – 53,7 ans contre 50,3 ans de moyenne nationale. Conséquence de ces difficultés à recruter : deux tiers des médecins inscrits en 2021 à l’Ordre dans le département ont un diplôme étranger (47 % d’un pays de l’UE et 20 % d’un pays hors UE).

« Nous avons des difficultés à trouver des médecins mais depuis deux ans, nous sommes aussi confrontés à une pénurie de dentistes et de paramédicaux, d’infirmières et de kinésithérapeutes », explique Matthieu Villecourt.

Champs-sur-Yonne dispose pourtant de quelques atouts. La commune compte encore un supermarché, un pressing et un café. Dans le domaine de la santé, elle dispose aussi d’une pharmacie, un vétérinaire, un orthopédiste, un dentiste, un orthodontiste, un cabinet d’infirmiers, un kinésithérapeute et une médecin généraliste. « Il est important de garder une offre de soins pour l’avenir de la ville », argumente Matthieu Villecourt, élevé à la campagne dont il apprécie la qualité de vie, qu’il voudrait préserver et transmettre à ses trois filles.

 
Depuis deux ans, nous sommes aussi confrontés à une pénurie de dentistes et de paramédicaux, d’infirmières et de kinésithérapeutes. Matthieu Villecourt
 

Un espoir, la maison de santé

Le cadre serait idéal si un bon accès aux médecins était assuré, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas. Le citoyen Villecourt s’en insurge : « Le code de la santé publique garantit à tous les Français un égal accès aux soins où qu’ils vivent, c’est un principe auquel je suis particulièrement attaché », explique-t-il. Le directeur d’hôpital se demande comment la France, qui a « l’un des meilleurs systèmes de santé au monde », a pu en arriver là : « Aujourd’hui, de nombreuses professions sont régulées de manière à couvrir l’ensemble du territoire : les infirmières, les sages-femmes, les pharmaciens, les kinés… il ne manque qu’un métier à l’appel : celui de médecin. »

Plutôt que de céder au fatalisme, l’élu se bat pour faire avancer le projet de MSP grâce auquel la municipalité espère attirer et garder les soignants.

La mairie de Champs-sur-Yonne a fait l’acquisition d’un terrain pour construire le bâtiment d’environ 400 m2 dont la livraison est attendue pour la fin 2024. Un appel d’offres a été lancé, destiné à retenir le maître d'œuvre de la future MSP.

Les locaux seront conçus pour accueillir trois médecins, un kiné, des infirmiers, un espace de télémédecine, un accueil global, deux salles d’attente (une pour les médecins, l’autre pour les paramédicaux), une salle de réunion et un bureau pour le coordonnateur. Deux appartements de 36 m2 sont également prévus pour loger les internes en stage ou des professionnels qui feraient des vacations. Coût estimé de l’opération : 1,8 million d’euros.

Plusieurs professionnels ont donné leur accord de principe pour rejoindre la structure. « Ça s’annonce de bon augure pour les paramédicaux et nous aurons bien une équipe de soins primaires avec un médecin et des paramédicaux, explique Matthieu Villecourt. Mais nous ne serons définitivement reconnus en tant que MSP que si un 2e médecin thésé intègre le projet de santé (il ne doit plus obligatoirement être installé dans les murs de la maison de santé, NDLR), ce qui nous permettra d’avoir un subventionnement plus élevé et le financement d’un poste de coordonnateur par l’ARS. Le premier enjeu, c’est que des médecins soient impliqués pour que les financeurs, la région, le département et l’État soient derrière nous. »

 
Nous ne serons définitivement reconnus en tant que MSP que si un 2 e médecin thésé intègre le projet de santé.
 

Un enjeu, l’accueil des internes

Matthieu Villecourt se veut pragmatique et prudent : « Il n’y a aucune certitude que la maison de santé réglera tout mais il est sûr que si l’on ne fait rien, la situation ne fera que s’aggraver ! » L’élu est attentif à l’actualité des autres MSP de la région pour ne pas reproduire certaines erreurs. « À Vermenton, où a été construite une belle maison de santé, le départ de trois généralistes, il y a quelques années, ont posé problème. Les habitants n’ont pas eu de médecin pendant 18 mois ! », observe l’élu.

Il est devenu quasiment indispensable, pour mettre toutes les chances de leur côté, que les médecins généralistes soient maîtres de stage afin d’accueillir des jeunes qui seront peut-être leurs collaborateurs ou successeurs. C’est le cas de la Dre Christine Vigier, chef du projet médical de la MSP de Champs-sur-Yonne. Maître de stage à la faculté de Dijon, elle forme en permanence deux internes. « Ils viennent des quatre coins de la France voire de l’Europe et malheureusement ne restent pas », déplore-t-elle. Même si elle pense que la MSP est « un outil très cher », et que « c’est bien plus la mairie et en particulier Matthieu Villecourt qui portent le projet. », la généraliste a accepté de s’engager pour la MSP : « J’ai répondu à la demande de l’équipe municipale sur l’argument que si on ne fait rien pour faciliter l’installation d’un jeune médecin on aura encore moins de chance d’en trouver un ! »

La sexagénaire regrette les contraintes administratives « sans intérêt dans le contexte de crise », imposées aux médecins pour disposer de financements, avec notamment la rédaction d’un projet médical. Elle veut pourtant croire que la MSP peut améliorer la situation. « Tout dépendra des professionnels de santé qui rejoindront la maison médicale, de leur nombre, leur motivation. Mais bien sûr, le regroupement dans un lieu unique est un atout pour la prise en charge des soins », affirme-t-elle. 

Champs-sur-Yonne trouvera-t-elle un second médecin pour finaliser sa MSP ? Matthieu Villecourt fera tout pour. Le conseiller n’exclut pas, comme l’ont déjà fait plusieurs collectivités, de mettre en place le salariat. « La discussion n’est pas fermée, si c’est une demande, nous l’étudierons », affirme-t-il.

 

Tout médecin intéressé pour travailler à la MSP de Champs-sur-Yonne peut contacter Matthieu Villecourt

 

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