Des médecins peu concernés par la réforme des retraites ?

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

13 janvier 2023

Paris, France — Le projet de réforme des retraites présenté par Elisabeth Borne, qui prévoit un allongement de l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans en 2030, concerne finalement peu les médecins à l’hôpital et en ville – qui partent déjà tardivement à la retraite. Explications.

Pas de changement majeur pour les médecins hospitaliers

Les organisations syndicales médicales n'ont d’ailleurs que peu réagi pour le moment. Joint par Medscape édition française, le Dr Jean-François Cibien, président de l'intersyndicale de praticiens hospitaliers APH, rappelle que les médecins hospitaliers prennent en moyenne leur retraite à 65,8 ans et confirme qu’ils ne seraient donc pas concernés par la réforme.

Pour autant, une rencontre entre les organisations syndicales de PH et le ministre de la santé a été organisée la semaine dernière, au sujet de la réforme des retraites.

« Il nous a annoncé que cette réforme ne devrait avoir que peu d'impact sur les PH. Sauf pour les hospitalo-universitaires qui, sur la partie hospitalière de leur activité, pourrait rentrer dans le système solidaire et abandonner ainsi le système d'abondement. » Aujourd’hui, les PU-PH et les MCU-PH voient leurs émoluments hospitaliers « considérés comme une "rémunération accessoire" qui n’est donc pas soumise à cotisation et n’ouvre pas droit à une pension de retraite », explique le Syndicat des hospitalo-universitaires (SHU). Ce point pourrait être revu et leur retraite devenir plus conséquente.

Reste que le ministre n’a pas donné toutes les clés de l'application de la réforme des retraites aux praticiens hospitaliers : « Nous ne savons pas si nous devrons cotiser plus longtemps, mais si c'était le cas cela mettrait le feu aux poudres. Nous demandons par ailleurs la reconnaissance de la pénibilité, pour ceux qui font des gardes et des astreintes. Ils n'ont pour l'heure aucune gratification financière. Nous demandons aussi une compensation dans le calcul des retraites pour les HU soumis aux gardes et aux astreintes. » La prochaine réunion sur le sujet permettra d'y voir plus clair.

 

Fonds de prévention pour les professionnels de santé « usés »

Dans cette nouvelle réforme des retraites, « la situation particulière des professionnels de santé des établissements de santé et des établissements médico-sociaux sera prise en compte pour permettre le déploiement d’une politique nouvelle de prévention de l’usure professionnelle et de dispositifs d’aménagement des fins de carrière », annonce le gouvernement. Pour ce faire un « fonds de prévention de l'usure professionnelle » sera créé pour « accompagner les structures hospitalières et médico-sociales ». Pour mettre en place ce fonds, une mission va être diligentée.

Quid des libéraux ?

En termes d'âge de départ à la retraite, comme pour les médecins hospitaliers, les médecins libéraux – qui ont pris leur retraite en moyenne à 66,3 ans en 2021 selon la Carmf, ne devraient pas être concernés non plus par ladite réforme.

En revanche, la Carmf se réjouit d'apprendre que ses réserves ne seront pas mises à contribution pour financer cette réforme. La Première ministre a annoncé que les régimes autonomes des professions libérales, qui ne sont pas des régimes spéciaux, sont maintenus, alors que le projet de loi de système universel de 2019 prévoyait leur disparition de fait, suscitant la colère de la profession.

 

La retraite des médecins

Les médecins hospitaliers cotisent à la fois au régime général de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et au régime complémentaire Ircantec. « À titre indicatif, un PH temps plein partant à la retraite à 65 ans, verra selon les aléas de sa carrière, sa retraite varier entre 2 500 € et 3 500 € pour l' IRCANTEC auxquels il faudra ajouter entre 1 000 à 1500 € de la SS », indique le SNPHPU.

Pour les médecins libéraux, il en va autrement. Ils cotisent à la fois au régime de base, au régime complémentaire et à l'ASV. La Carmf donne l'exemple d'un médecin parti à la retraite à 65 ans, ayant réuni 166 trimestres tous régimes confondus avec un revenu moyen de 80 000 € sur toute la durée de la carrière. Sa retraite annuelle sera composée de trois versements, le régime de base, soit 8 113,11 €, le régime complémentaire, soit 17 364,17 € et le régime ASV, soit 11 705,34 €. Sa retraite représentera donc un montant de 37 202,62 € et sa retraite de base ne constitue que 21 % de sa retraite.

Retour sur les grandes mesures de la réforme des retraites

Pour tous les Français, le gouvernement va demander, dans le cadre de cette réforme qui devrait être discutée au Parlement dès le 23 janvier 2023 via un projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale, de travailler plus longtemps : « L’âge légal à partir duquel il est possible de partir à la retraite sera progressivement relevé à compter du 1er septembre 2023, à raison de 3 mois par année de naissance. Il sera ainsi fixé à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030 », peut-on lire dans le dossier de presse. Pour rappel l'âge de départ à la retraite est actuellement de 62 ans, pour 42 années en moyenne de cotisation.

Mais ce n'est pas tout. Cette réforme prévoit aussi une accélération de l'allongement de cotisation prévue par la loi dite Touraine de 2014. Cette loi prévoyait un allongement de la durée de cotisation jusqu'à 43 annuités.

Ce seuil devait être atteint en 2035 mais la réforme présentée par Élisabeth Borne propose d'atteindre ces 43 années de cotisations, pour bénéficier d'une retraite à taux plein, dès 2027.

Autre régression, pour les syndicats, de cette réforme par rapport à la loi Touraine : la loi Touraine ne s'appliquait que pour les générations nées à partir de 1973 tandis que la réforme Borne s'applique à toutes les générations nées dès 1962.

Suppression des régimes spéciaux

Ce ne sont pas les seuls points de la réforme qui hérissent le poil des syndicats : Élisabeth Borne a également évoqué la suppression des régimes spéciaux de retraite qui permettaient à ses bénéficiaires de partir à la retraite entre 52 et 58 ans : « La réforme actera l’extinction des principaux régimes spéciaux de retraite. Les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche industries électriques et gazières (EDF, etc.), à la Banque de France, les clercs de notaires et les membres du CESE seront affiliés au régime général pour la retraite. »

Réforme sociale : des avantages pour les salariés les plus usés ?

Côté gouvernement, on vante une réforme sociale et pour se justifier, on avance des mesures de progrès social : ainsi, le dispositif carrières longues, qui concerne les travailleurs ayant cotisé 5 trimestres avant l'âge de 20 ans, est maintenu : les travailleurs concernés pourront partir à 62 ans et non à 64 ans. Ceux qui ont débuté leur carrière à 16 ans ou avant, pourront prendre leur retraite à 60 ans. Autre mesure sociale : les congés parentaux seront valorisés à hauteur de 4 trimestres. Exemple : une femme ayant commencé sa carrière avant 16 ans, qui a dû s’arrêter de travailler pour élever ses enfants, pourra partir à la retraite à 58 ans.

Le dispositif de catégories actives qui permet un départ à la retraite 5 à 10 ans avant l’âge légal de départ dont bénéfice par exemple les infirmières et aides-soignantes de la fonction publique hospitalière, est maintenue. La prise en charge de la pénibilité sera étendue à davantage de salariés : ainsi, le « seuil de travail de nuit passera de 120 à 100 nuits ». Les salariés les plus « usés » pourront partir à la retraite plus tôt, grâce à une « visite médicale de fin de carrière pour les salariés les plus exposés aux risques d'usure professionnelle » à l'âge de 61 ans.

Retraite minimum de 1 200 euros et cumul-emploi retraite favorisé

Surtout, le clou progressiste de cette réforme est l'augmentation du minimum de pension. « Le minimum de pension augmentera de 100 € par mois pour les personnes partant en retraite à compter du 1er septembre 2023 », prédit le gouvernement, qui ajoute : un salarié qui a travaillé au SMIC toute sa vie aura une pension de « près de 1 200 € par mois, soit 85 % du SMIC net ».

Autre point saillant : le cumul emploi-retraite, qui pourrait intéresser les médecins. Ce dispositif pourra désormais créer des droits supplémentaires à la retraite.

 

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