L’année 2023 débute avec un air de déjà-vu : explosion des contaminations de Covid-19 en Chine faisant craindre des pénuries de produits médicaux et absence de planification concrète face à un virus dont les variants et sous-variants se propagent rapidement à travers le monde . Alors que les mesures visant à renforcer les gestes barrières ont quasiment disparues en France, quelle devrait être la stratégie de santé publique face cette énième vague du coronavirus ? Le point avec Benjamin Davido (infectiologue, hôpital Raymond-Poincaré, Garches).
Medscape : Pourquoi estimez-vous que les mesures anti-Covid actuelles sont inadéquates, si ce n’est inexistantes ?

Dr Benjamin Davido : En ce début de 2023, après 3 ans de pandémie, on aimerait tourner la page du Covid-19. Mais malheureusement, le virus est là pour rester et il va réapparaître régulièrement avec son corollaire de nouveaux variants et sous-variants ― on pourrait même désormais parler d’endémie, puisque le virus n’est pas saisonnier. Alors que nous sortons à peine d’une triple épidémie Covid-grippe-VRS , je suis très surpris, et déçu, qu’il n’y ait pas de stratégie claire avec la mise en place d’une politique de santé globale de prévention, alors que nous disposons des outils nécessaires pour le faire ― à savoir des vaccins bivalents et des médicaments. On ne semble pas avoir retenu les leçons des précédentes vagues.
Medscape : En quoi la situation actuelle pourrait-elle être comparable à celle de l'année qui vient de s'écouler ?
Dr Benjamin Davido : On se retrouve dans une situation qui, par certains aspects, rappelle celle de 2021 avec l’arrivée du variant Delta. En effet, ce variant Delta avait émergé en Inde dans une population non vaccinée (1.4 milliards d’habitants). Or, on voit aujourd’hui de nouveau une large population avec de très nombreuses contaminations en Asie (NDLR en Chine), de par une couverture vaccinale assez faible (10%), sans politique de rappel vaccinal alors qu’on sait désormais que l’immunité ne dure pas plus de 6 mois. Depuis le 25 décembre, la Chine ne communique plus ses données, donc les cas et les décès ne sont plus répertoriés. Mais selon les modélisations (notamment celle de la société britannique Airfinity), il y aurait actuellement 11 000 morts dus au Covid par jour en Chine, avec un pic épidémique attendu dans les semaines qui viennent. Ils prédisent une évolution en 2 phases (comme cela a été le cas avec Omicron), en janvier puis en mars-avril. L’annonce par la Chine de la réouverture de ses frontières n’est pas de bon augure. Et surveiller les voyageurs en provenance de Chine ne sera pas suffisant. En effet, les citoyens chinois peuvent désormais se déplacer dans toute l’Asie et donc potentiellement contaminer d’autres pays pour lesquels la France n’a pas instauré de restrictions.
Un autre point commun est qu’on sous-estime les dommages collatéraux de ces contaminations en Chine et donc le risque de réduction de la production pharmaceutique et des approvisionnements en médicaments (Chine et Inde représentent 80% de la production). Il ne semble pas y avoir, en France, de plan concret de mise en réserve de médicaments et de matériels, alors que nous sommes dans une situation où tout peut basculer, avec une pandémie affectant la 2e puissance mondiale.
Medscape : Quelles sont, en priorité, les mesures qui devraient être prises en 2023 selon vous ?
Dr Benjamin Davido : Il y a un décalage entre le fait qu’on démarre 2023 avec, à disposition, des moyens de lutte efficaces contre la Covid-19 mais que des mesures actives de prévention ne sont pas appliquées à l’échelle du pays. Tout d’abord il n’y a plus d’incitation au port du masque dans les espaces à haut risque de contamination (aéroport, espace clos etc.) et seulement 40% des plus de 70 ans sont vaccinés avec un vaccin bivalent, 10% chez les moins de 50 ans. C’est insuffisant. À mon sens, il faut :
Expliquer, encore une fois, les bénéfices du rappel vaccinal. Les vaccins bivalents fonctionnent très bien sur les sous-variants d’Omicron, il ne semble pas y avoir d’échappement immunitaire. Or nous sommes, depuis 1 an, sous le règne d’Omicron. Il est partout, avec de nouveaux sous-variants qui se propagent rapidement aussi bien en Amérique du Nord (le XBB.1.5 aussi appelé Kraken y représente 28% des contaminations) qu’en Europe (avec BF7, Bq.1.1). Et encore une fois, on voit bien les conséquences en Chine, sur une population qui n’est pas ou plus immunisée.
Relancer des campagnes d’information médicale sur le Covid et s’assurer que les données sont bien à jour. En décembre dernier, je constatais encore que beaucoup de mes confrères généralistes ne connaissaient pas les indications des nouveaux vaccins bivalents. Ils ne savaient pas que tout le monde pouvait être vacciné.
Mettre en place une stratégie vaccinale internationale digne de ce nom, le programme Covax n’ayant pas atteint ses objectifs, pour qu’on ne se retrouve plus avec de larges populations non vaccinées. On voit d’ailleurs l’arrivée de nouveaux vaccins sans ARNm dans plusieurs pays, comme Sanofi en Europe, mais également à Cuba, avec Abdala. On peut imaginer que la vague chinoise prévue en avril va arriver en Europe, espérons-le dans une population relativement bien vaccinée. Mais il faut prévoir et organiser dès maintenant la campagne de vaccination automnale de 2023. On doit s’y préparer.
Medscape : Si on anticipe désormais 2 vagues de Covid par an, pensez-vous que les gens accepteraient un schéma vaccinal anti-Covid biannuel ?
Dr Benjamin Davido : Non, je pense que les gens ne voudront pas se faire vacciner 2 fois par an. On va probablement se diriger chaque année vers 1 dose vaccinale + accepter « 1 contamination » avec une forme mineure. Coupler une vaccination anti-Covid annuelle unique avec celle de la grippe serait certainement le moyen le plus acceptable et le plus efficace.
Il est regrettable qu’on ait « assassiné la vaccination » sur son rôle protecteur face aux contaminations. Bien sûr, le vaccin original avec 2 doses ne protégeait pas des contaminations face à Omicron. Mais aujourd’hui il faut souligner la capacité de ces nouveaux vaccins bivalents à réduire de moitié les contaminations, et par là même diminuer le risque de faire émerger des sous-variants, ce qui représente un bénéfice de santé publique majeur : au-delà de protéger contre les formes graves, cela permettra de réduire l’absentéisme professionnel, les Covid longs et la pression sur les systèmes de santé à l'hôpital et en médecine de ville.
Source : Dreamstime
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Citer cet article: COVID : « le virus est là pour rester », Benjamin Davido - Medscape - 12 janv 2023.
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