Maladie d’Alzheimer : la FDA approuve un nouvel anticorps anti-amyloïde

Megan Brooks

Auteurs et déclarations

12 janvier 2023

Washington, Etats-Unis — Le lecanemab (Lequembi®, Eisai), un anticorps anti-amyloïde à protofibrille bêta, a été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Il s’agit du deuxième anticorps ciblant les plaques amyloïdes β à recevoir une autorisation de mise sur le marché dans cette indication.

Tout comme le controversé aducanumab (Aduhelm®, Biogen/Eisai), le lecanemab a été approuvé dans le cadre d’une procédure d’autorisation anticipée de la FDA, utilisée pour accéder plus rapidement à un médicament ayant un bénéfice thérapeutique significatif comparativement aux autres traitements disponibles dans la prise en charge d’une maladie grave ou potentiellement mortelle.

Toutefois, à l’inverse de l’aducanumab, le lecanemab n’a pas fait l’objet d’une réunion officielle du comité consultatif de la FDA pour avoir l’avis des experts avant approbation.

Indiqué dans les stades précoces de la maladie

Pour rappel, l’aducanumab a reçu une autorisation de mise sur le marché américain en 2021, mais s’est vu opposer un refus pour le territoire européen par l’Agence européenne des médicaments (EMA), en raison de résultats jugés insuffisants.

« Les gros problèmes associés à ces produits anti-substances amyloïdes sont qu’un effet statistiquement significatif ne signifie pas toujours un effet cliniquement significatif », a souligné auprès de Medscape édition française le Dr Michel Dib (hôpital de la Pitié Salpêtrière, AP-HP, Paris), lors d’un précédent interview.

« La maladie d’Alzheimer handicape considérablement la vie des patients qui en souffrent et a des effets dévastateurs sur leurs proches », a déclaré Billy Dunn, directeur du bureau des neurosciences du centre d’évaluation des médicaments et de recherche de la FDA, dans un communiqué de presse.

« Cette option thérapeutique est la toute dernière à cibler et à avoir un effet sur le processus pathologique sous-jacent impliqué dans la maladie d’Alzheimer, au lieu de traiter uniquement les symptômes de la maladie », ajouté le responsable.

Selon la FDA, « la notice indique que le traitement par Lequembi® doit être initié chez les patients avec des troubles cognitifs légers ou à un stade léger de la démence – population sur laquelle le médicament a été évalué dans les essais cliniques ».

Un léger bénéfice et des effets secondaires

L’agence américaine a approuvé le médicament en se basant sur les résultats de l’essai CLARITY AD, qui a montré un léger bénéfice avec le traitement sur le plan cognitif chez les patients atteints d’une maladie d’Alzheimer précoce, mais au prix d’un risque accru d’œdèmes et d’épanchements liés à l’amyloïde [1].

L’essai a inclus 1 795 adultes atteints d’un déficit cognitif léger ou de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce chez qui la présence d’une pathologie amyloïde a été confirmée. Ils ont été randomisés pour être traités, soit par lecanemab (10mg/kg en intraveineuse deux fois par semaine), soit avec un placebo.

Après 18 mois de traitement, les résultats montrent un ralentissement du déclin cognitif – déterminé par l’échelle CDR-SB (échelle cognitive et fonctionnelle globale) – de 27% avec le lecanemab, comparativement au groupe placebo, ce qui correspond à une différence dans l’évolution des scores de 0,45 point (progression du score CDR-SB de 1,21 sous lecanemab, contre 1,66 dans le groupe placebo; p< 0,001).

Bien que les résultats soient présentés comme une « bonne nouvelle », cette différence de 0,45 point entre les scores CDR-SB peut être considérée comme non significative d’un point de vue clinique, ont souligné les auteurs d’un récent éditorial paru dans The Lancet [2]. Le lecanemab pourrait donc être recalé par l’EMA pour une AMM européenne, comme l’a été aducanumab.

Le profil de tolérance reste, par ailleurs, préoccupant. Des anomalies d’imagerie d’origine amyloïde avec œdème ou épanchements ont été observées chez un patient traité par lecanemab sur cinq. De plus, un rapport a établi le lien entre le médicament et le décès d’un patient Alzheimer après de multiples hémorragies intracérébrales [3]. Il était également traité par activateur tissulaire du plasminogène (tPA) après un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique aigu.

Ce cas clinique « suggère un risque d‘hémorragies cérébrales et de vasculopathie nécrosante associé à la perfusion de tPA chez un patient atteint d’une pathologie amyloïde cérebrovasculaire traitée par lecanemab ».

« Une étape importante »

Néanmoins, anticipant une procédure accélérée pour valider le lecanemab, l’association de patients américaine Alzheimer’s Association a déposé une demande auprès des services d’assurances publiques Centers for Medicare and Medicaid Services (CMS) pour garantir une couverture complète et sans restriction des traitements contre la maladie d’Alzheimer approuvés par la FDA.

Comme l’a rapporté Medscape édition internationale, l’association a demandé, dans une lettre adressée à Chiquita Brooks-LaSure, l’administratrice du CMS, de supprimer les critères de « remboursement selon le niveau de preuves » dans ses conditions de remboursement au niveau national des anticorps monoclonaux anti-amyloïdes approuvés par la FDA.

« Chaque jour compte lorsqu’il s’agit de ralentir la progression de cette maladie », a déclaré la Dr Joanne Pike, présidente de l'Alzheimer’s Association, dans un communiqué de presse publié en décembre dernier.

« La politique actuelle de la CMS visant à limiter sévèrement l’accès à ces traitements supprime des options pour les patients, favorise une progression continue et irréversible de la maladie et contribue à accroître les inégalités dans le domaine de la santé. Ce n’est pas acceptable », estime la Dr Pike.

Dans un nouveau communiqué, la présidente s’est réjouie de l’autorisation du lecanemab par la FDA. « L’Alzheimer’s Association salue la décision de la FDA. Nous disposons désormais d’un deuxième traitement approuvé qui modifie de manière significative l’évolution de la maladie d’Azheimer dans les premiers stades de la maladie ».

La responsable scientifique de l’Alzheimer’s Association, la Pr Maria Carrillo, a de son côté évoqué le « franchissement d’une étape importante ». Selon elle, « les progrès observés ces dernières années, non seulement avec cette classe thérapeutique, mais aussi dans la diversification des traitements et des cibles thérapeutiques, sont réjouissants et donnent un réel espoir pour les personnes touchées par cette maladie dévastatrice ». 

Une prise en charge à adapter

Interrogé par Medscape édition internationale, le Pr Alvar Pascual-Leone (Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis) s’est montré plus réservé. L’autorisation du lecanemab par la FDA représente « une évolution et des perspectives réjouissantes, mais certaines critiques sont à prendre en considération », estime le neurologue, également directeur de Linus Health, une entreprise dédiée à la santé mentale.

Selon lui, le système de santé n’est pas prêt actuellement à faire face au défi et aux exigences inhérentes au traitement par lecanemab » et autres spécialités thérapeutiques à venir. « Tout d’abord, nous avons besoin d’un plan de travail pour identifier les patients qui peuvent le plus bénéficier du traitement », précise le Pr Pascual-Leone. Au-delà de la caractérisation des difficultés cognitives, il est nécessaire de déterminer le statut amyloïde.

« Actuellement, cela nécessite des examens couteux et invasifs », en utilisant par exemple la tomographie par émission de positions (TEP) ou des ponctions lombaires pour analyser le liquide céphalo-rachidien (LCR). Or, ces examens ne sont pas entièrement couverts par les compagnies d’assurance et il serait difficile de les mettre en œuvre à grande échelle, note-t-il.

« En plus du défi que représente le dépistage, les sytèmes de santé devront résoudre celui lié à la l'administration du lecanemab deux fois par mois et à la nécessité d’évaluer minutieusement les effets secondaires potentiels », a ajouté le Pr Pascual-Leone.

« Bien que le lecanemab pourrait représenter la première thérapie disponible à large échelle avec la capacité de modifier l’évolution de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, l’ajout d’autres thérapies dans une approche associant traitements pharmaceutiques et non pharmaceutiques semble plus prometteur ».

 

Le Pr Pascual-Leone a déclaré des liens d’intérêt avec Neuroelectrics, Magstim Inc, TetraNeuron, Skin2Neuron, MedRhythms et Hearts Radiant. Il est également co-fondateur de TI Solutions et Linus Health.

 

Cet article a été publié dans l’édition anglaise de Medscape.com sous le titre FDA Approves Second Anti-Amyloid for Alzheimer's Disease. Traduit et adapté par Vincent Richeux.

 

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