Lille, France — L’hypersomnie affecte souvent les enfants, en particulier ceux atteints d’un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Même s’il est difficile d’établir le lien de cause à effet, ce trouble du sommeil peut être à l’origine du déficit d’attention, mais aussi de l’hyperactivité de l’enfant qui développe ainsi un moyen de lutter contre les somnolences. Comment repérer cette hypersomnie ? Quelle prise en charge adopter ? Une session du Congrès du sommeil consacrée à l’hypersomnolence en population pédiatrique est revenue sur le cas particulier des enfants TDAH.
En pédopsychiatrie, « l’hypersomnolence est un trouble très fréquent, mais largement sous-repérée et sous-évaluée », a commenté la Pre Carmen Schröder (Service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, CHU de Strasbourg), lors de sa présentation [1]. Ce trouble est surtout rarement rapporté. D’un côté, les parents ont tendance à relativiser en accusant leur enfant d’avoir une mauvaise hygiène de sommeil, tandis que les enfants ont eux-mêmes des difficultés à percevoir qu’ils ont des somnolences diurnes anormales, a expliqué la pédopsychiatre.
Taux élevé de troubles du sommeil
Pourtant, à la différence de l’adulte, « ces troubles du sommeil ont des répercussions importantes sur le développement sensoriel et moteur » de l’enfant, mais aussi sur sa capacité d’apprentissage. En plus d’une baisse de vigilance, l’enfant peut aussi développer des troubles du comportement. « Il peut avoir une hypermotricité constante pour lutter contre la somnolence perçue, présenter une forte irritabilité et faire des crises de colère » pour se maintenir éveiller.
L’hypersomnie se définit comme une incapacité à rester éveillé et alerte pendant la journée, entrainant un besoin irrépressible de dormir ou des accès de somnolence non intentionnels. Il peut aussi s’agir simplement d’un besoin excessif de sommeil. Elle est à distinguer de la fatigue, davantage associée à une sensation d’épuisement physique et/ou mental, même si celle-ci peut accentuer l’hypersomnolence.
En population pédiatrique, la somnolence diurne excessive est fréquente puisqu’elle concerne 10 à 20 % des enfants avant la puberté et peut toucher 16 à 47 % des adolescents. Parmi les causes principales figurent les mauvais comportements (sommeil insuffisant, hygiène de sommeil inadaptée…), mais aussi l’insomnie, les troubles circadiens des rythmes veille-sommeil et les troubles psychiatriques.
Plusieurs études ont montré que les enfants atteints d’un TDAH présentent fréquemment un sommeil dégradé et des latences d’endormissement plus courtes que ceux sans TDAH, signe d’une tendance à la somnolence. Pour autant, il reste difficile de savoir si le TDAH est à l’origine du manque de sommeil et des somnolences ou si, à l’inverse, l’hypersomnie contribue au développement d’un TDAH chez l’enfant.
« Les enfants TDAH présentent un taux élevé de troubles du sommeil par rapport à la population générale », a rappelé le Dr Michel Lecendreux (Hôpital Universitaire Robert-Debré, AP-HP, Paris). On estime que la prévalence des troubles du sommeil chez les enfants TDAH serait de 25 à 55 % [2].
Agenda du sommeil et actimétrie
En général, « pour les parents, il apparaît évident que leur enfant TDAH n’a pas de problème d’hypersomnolence puisqu’il est tout le temps en activité », indique la Pre Schröder. Pourtant, de manière paradoxale, l’hypersomnie est souvent repérée par les pédiatres par les comportements de compensation (hyperactivité, troubles du comportement, abus de substances…) adoptés par l’enfant et l’adolescent pour se maintenir éveiller.
Pour s’orienter vers une hypersomnie, il faut pouvoir évaluer le comportement lorsque l’enfant devient inactif. Par exemple, « il est important de demander aux parents comment se comporte leur enfant lorsqu’il est attaché à leur siège lors d’un trajet en voiture. Est-ce qu’il y a un endormissement ? Est-ce systématique ? Après combien de temps ? ». Autre symptôme révélateur : l’endormissement brutal lorsque l’enfant ne s’active plus.
Dans la démarche diagnostique, la somnolence diurne excessive peut être évaluée chez l’enfant par l’échelle de somnolence d’Epworth, dont une version a été adaptée à la population pédiatrique. L’échelle de sévérité de la narcolepsie peut également être utilisée chez l’enfant à partir de dix ans.
« L’agenda de sommeil est aussi très utile en cas de plainte d’allongement de la durée du sommeil, mais aussi pour identifier une privation de sommeil ou lorsque que les rythmes [de sommeil] semblent très irréguliers ou que l’interrogatoire est difficile », a précisé la Dr Lucie Barrateau (CHU de Montpellier) lors de sa présentation dédiée au diagnostic de l’hypersomnolence chez l’enfant [3].
Pour une mesure plus objective, l’actimétrie est recommandée. Elle permet une analyse du rythme repos/activité et reflète indirectement le rythme veille-sommeil. L’examen standard reste la polysomnographie avec la réalisation d’un test itératif de latence d’endormissement (TILE) permettant de mesurer la tendance à s’endormir durant la journée en l‘absence de stimuli.
Le methylphenidate plus adapté
Concernant la prise en charge de l’hypersomnie, elle est similaire à celle appliquée pour la narcolepsie, a précisé le Dr Lecendreux. La Haute autorité de santé (HAS) a mis en ligne un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) sur la prise en charge de la narcolepsie. Le document aborde la prise en charge des hypersomnolences en population pédiatrique.
Selon les dernières recommandations européennes sur le traitement de la narcolepsie chez l’enfant, une monothérapie par modafinil (Modiodal®), methylphenidate (Ritaline® ou Medikinet®), oxybate de sodium (Xyrem®), dérivé amphétaminique ou pitolisant (Wakix®) est indiquée en première intention en cas de symptomatologie limitée à des somnolences diurnes excessives [4].
Des combinaisons de traitement peuvent être envisagées en deuxième ligne après monothérapie lorsque s’ajoutent des catalepsies (perte de l’activité motrice volontaire) et un sommeil nocturne perturbé, « même si on dispose d’assez peu de données » dans cette indication, a précisé le pédopsychiatre.
Chez les enfants TDAH présentant une hypersomnie, un methylphenidate est particulièrement adapté puisqu’il est indiqué dans le traitement à la fois du TDAH et de la narcolepsie. Si le modafinil n’a pas d’indication dans le TDAH, les données montrent une efficacité et une bonne tolérance en pédiatrie jusqu’à 600 mg/jour, a précisé le Dr Lecendreux.
Autre traitement potentiel : les antidépresseurs, qui donnent de bons résultats en pratique courante, mais « on ne dispose pas d’études » évaluant ces médicaments dans cette indication.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: TDAH et hypersomnie en pédiatrie : comment repérer et prendre en charge ? - Medscape - 12 janv 2023.
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