
Paris, France - Une dizaine de syndicats et de collectifs via le "Printemps du service public" ont annoncé lundi 9 janvier qu’ils engageraient un mouvement d’actions communes en mars pour dénoncer l’absence de réforme de grande ampleur et surtout de moyens pour sauver l’hôpital public.
Ils regrettent qu’Emmanuel Macron, lors de ses vœux aux acteurs de la santé vendredi dernier, n’ait annoncé que des grandes lignes mais aucune mesure concrète pour rétablir l’attractivité des métiers à l’hôpital.
Lors d’une conférence de presse, ces dix organisations (AMUF, APH, SNPI CFE-CGC, SNMH FO, les Collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-urgences, Minute de Silence, Santé en danger, les Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité, le Printemps de la psychiatrie), ont expliqué pourquoi elles avaient décidé de se fédérer.
« Le début d’une large mobilisation »
Elles ont présenté de premières revendications communes susceptibles, selon elles, de changer la donne.
« Nous sommes au début d’une large mobilisation et nous allons voir quels sont, parmi toutes nos revendications, les dénominateurs communs », a expliqué le Dr Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF).
Dans un communiqué, les initiateurs du Printemps du service public estiment que les grandes lignes de la feuille de route du prochain quinquennat d’Emmanuel Macron (réorganisation des services et du temps de travail, nouvelle gouvernance avec à la tête des hôpitaux un tandem administratif et médical, sortie de la T2A…) ne permettent pas d’espérer attirer ou retenir les soignants de l’hôpital public.
L’urgence de « recrutements immédiats »
« Les annonces du président de la République ne répondent pas à l’urgence de la situation, affirme le Dr Arnaud Chiche, anesthésiste à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) et fondateur de Santé en danger. Tant qu’il n’y aura pas plus d’infirmiers et de médecins, on ne résoudra rien. »
Déjà effective depuis plusieurs années, la crise de l’hôpital public a été accentuée par la crise Covid et la situation a continué de se dégrader ces dernières semaines avec l’apparition d’un fort contexte épidémique (grippe, bronchiolite, Covid).
Plus que d’hypothétiques réformes à venir au cours du quinquennat, ces organisations réclament en urgence l’arrêt des fermetures de services et de lits prévues dans les projets de restructuration et demandent la réouverture de lits partout où c’est nécessaire.
Un deuxième point essentiel porte sur « le recrutement immédiat de dizaines de milliers de professionnels supplémentaires ». Les cosignataires veulent un plan de formation pluridisciplinaire et souhaitent que des moyens soient déployés pour ouvrir immédiatement des places dans les écoles et facultés pour les professions soignantes.
Trop de flou sur le financement
Echaudés par la réforme progressive et sans fin de la T2A déjà évoquée lors du premier quinquennat, les signataires souhaitent un « financement pérenne adapté aux besoins de soins et l’abandon de la T2A pour la prise en charge des maladies chroniques. »
« Le financement doit sortir de la politique d'économie imposée par l'ONDAM et doit être adapté à l’embauche de personnel en nombre », estiment les dix organisations.
« La réponse du président de la République n’est pas à la mesure de nos attentes, aucune mesure concrète n’est prévue pour améliorer l’accueil de la population et nos conditions de travail, déplore la Dr Floriane Zeyons, cardiologue à Strasbourg, du collectif Minute de Silence. Nous demandons la mise en place d’un ratio de patients par soignant, cela permettrait le retour de personnels qui ont quitté l’hôpital et sont prêtes à revenir si on leur donne des garanties. »
Gagner plus, notamment pour le travail de nuit
Des mesures salariales et statutaires sont également attendues par la profession. « Le traitement du Ségur de la santé a été insuffisant pour rattraper le retard salarial », affirme le Dr Jean-François Cibien, président d’APH.
Les organisations réclament en urgence une rémunération à la hauteur de l'engagement du personnel en considérant la pénibilité du travail de nuit et de week-end.
Or, comme l’observe Thierry Amouroux, du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC), « pas un centime n’a été annoncé » par le chef de l’Etat. L’infirmier redoute que la faible hausse de l’Ondam hospitalier en 2023 (+4%) combinée à une forte inflation, entraîne des suppressions de poste.
L’ensemble des organisations a rappelé l’importance de garantir un égal accès aux soins à tous sur le territoire et un libre accès, en trente minutes, à un service d’urgences.
En cristallisant les mouvements de colère locaux, et alors que FO Santé, 2e syndicat de la fonction publique hospitalière, a déposé un préavis de grève illimitée à compter du 10 janvier dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, le printemps du service public peut-il faire bouger les lignes ? C’est ce que veut croire Michèle Leflon, de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité.
« La gravité de la situation impose des mobilisations massives. Localement, les usagers, les syndicats et même des élus sont main dans la main pour sauver l’hôpital. Rien que ce week-end, des rassemblements ont eu lieu à Creil, Luçon, Marmande, Longjumeau, Thionville, et le Jura va se mobiliser à Lons-Le-Saunier… La situation n’est plus tenable, le président de la République et le gouvernement doivent l’entendre. »
La FHF approuve, les libéraux fulminent
La Fédération hospitalière de France (FHF) a salué positivement le « discours ambitieux » d’Emmanuel Macron lors de ses vœux aux acteurs de santé, se félicitant que plusieurs de ses propositions aient été reprises par le chef de l’État. « Je me félicite que le Président ait entendu le besoin de mieux partager les contraintes en matière de permanence des soins entre l'hôpital public, le secteur privé et les professionnels de ville », a déclaré son président Arnaud Robinet. Son annonce de la revalorisation pérenne des gardes, astreintes et du travail de nuit à l'hôpital était très attendue : je la salue sans réserve et rappelle qu’il s’agit de travaux prioritaires. La FHF souligne en revanche que la réforme du temps de travail « ne doit pas conduire à désorganiser l’hôpital ». Et demande sur le financement que « le même modèle s'applique à l'hôpital public comme au secteur privé ».
Les médecins libéraux sont en colère après l’intervention du chef de l’Etat qu’ils ont jugé « hospitalo-centrée », à l’instar du SML. « Nous demandons depuis des mois les moyens nécessaires à la médecine générale pour que chaque Français puisse bénéficier de l'accès à un médecin traitant, le président de la République explique comment nos concitoyens devraient pouvoir s'en passer », s’inquiète MG France. L’Union française pour une médecine libre (UFML-S) regrette que le président de la République ait appelé les Français à « avoir recours à d’autres professionnels (que les médecins) pour renouveler leurs ordonnances pour des maladies chroniques, pour la vaccination, pour le dépistage ». D’aucuns redoutent que cette évolution entraîne la disparition à terme du médecin traitant. La CSMF attend de voir quels moyens le gouvernement investira pour revaloriser la profession : « Nous jugerons sur les actes. Si les moyens mis sur la table sont insuffisants pour les négociations conventionnelles, ce discours n'aura servi à rien », a commenté au Quotidien du Médecin son président le Dr Franck Devulder.
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Macron veut redonner de la liberté à l’hôpital et du temps médical en ville
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« En observant cette minute de silence, les soignants alertent que l’hôpital se meurt ! »
Crédit de Une : DR
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Citer cet article: Déçues par Macron, dix organisations annoncent une mobilisation printanière pour sauver l’hôpital public - Medscape - 11 janv 2023.
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