POINT DE VUE

Infarctus du myocarde intrahospitalier : comment réduire encore la mortalité associée ?

Pr Ph Gabriel Steg

Auteurs et déclarations

10 janvier 2023

Transcription

France – Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’infarctus du myocarde et d’arrêt cardiaque.

On parle beaucoup de l’arrêt cardiaque dans l’infarctus du myocarde, mais en général, on fait référence à l’arrêt cardiaque extrahospitalier, un sujet important puisque c’est un domaine où, contrairement à la prise en charge de l’infarctus à l’hôpital, nous n’avons pas encore fait assez de progrès et où la mortalité reste très élevée. Mais qu’en est-il de l’arrêt cardiaque intrahospitalier, chez les patients qui ont été hospitalisés ou qui ont été admis vivants à l’hôpital ?

Plus d'informations sur les arrêts cardiaques intrahospitaliers

C’est un domaine où on a moins d’information et un article intéressant publié par une équipe chinoise en novembre dans le Journal of the American College of Cardiology rapporte les résultats d’un registre observationnel de plus de 40 000 patients avec infarctus du myocarde et sus-décalage de ST.

Ce qui est intéressant, c’est que cet article donne des informations très précieuses sur l’incidence, la létalité, les caractéristiques de ces patients.

D’abord, sur ces 40 000 patients environ 2,2 % ont fait un arrêt cardiaque intrahospitalier, environ la moitié sont morts.

Bien que l’autre moitié ait survécu ça reste une affection extraordinairement grave, même alors qu’on est à l’hôpital et qu’on est encore souvent, d’ailleurs, en soins intensifs ou même télémétrés. Quand on fait un arrêt cardiaque intrahospitalier après un infarctus avec sus-décalage de ST, la mortalité s’élève à un sur deux patients.

 
Quand on fait un arrêt cardiaque intrahospitalier après un infarctus avec sus-décalage de ST, la mortalité s’élève à un sur deux patients.
 

L’autre chiffre qui est frappant, c’est que ceux-ci représentent – ces arrêts cardiaques intrahospitaliers – la moitié des morts hospitalières de l’infarctus. Une proportion assez importante sur laquelle on peut jouer pour continuer à améliorer le pronostic de l’infarctus, dont nous savons tous qu’il a été révolutionné ces 25 dernières années par l’avènement de la reperfusion d’abord pharmacologique, puis mécanique par angioplastie primaire – les stents et stents actifs – et les progrès considérables du traitement adjuvant antithrombotique des stents, notamment les nouveaux antiplaquettaires, mais aussi du traitement de l’insuffisance cardiaque et des complications de l’infarctus et la prévention des récidives.

On a fait des progrès considérables, mais si on veut continuer à progresser, de quoi meurt-on encore ? On meurt de dysfonction VG et de choc cardiogénique chez une moitié des patients, et on meurt d’arrêt cardiaque dans l’autre moitié.

 
On meurt de dysfonction VG et de choc cardiogénique chez une moitié des patients, et on meurt d’arrêt cardiaque dans l’autre moitié.
 

Quelle est l’évolution au fil du temps de ces arrêts cardiaques intrahospitaliers ?

Plusieurs éléments sont notables, puisque cette étude porte sur la période 2014-2019, elle donne donc des informations intéressantes. On voit que l’incidence de l’arrêt cardiaque intrahospitalier baisse au fil du temps et qu’en particulier, elle baisse pour les patients qui n’ont pas eu d’arrêt cardiaque extrahospitalier, car le plus gros facteur prédictif d’un arrêt cardiaque intrahospitalier, c’est d’en avoir fait un avant l’arrivée à l’hôpital. Cette portion-là des arrêts cardiaques intrahospitaliers se réduit au fil du temps. En revanche, les arrêts cardiaques de novo, si je puis dire, semblent stables.

Deuxièmement, on observe que la mortalité n’a pas clairement progressé au fil du temps et que ces patients qui font un arrêt cardiaque intrahospitalier ont sensiblement la même mortalité à la fin de la décennie qu’au début.

Facteurs de risques et facteurs protecteurs

Quels sont les facteurs qui sont associés à la survenue de ces arrêts cardiaques ? Ils sont favorisés ou, en tout cas, ils sont associés avec tous les facteurs de risque traditionnels : l’âge, le sexe féminin, le diabète, la présence d’autres facteurs de risque, et puis la survenue d’un arrêt cardiaque préhospitalier et, enfin, des facteurs plus classiques – tachycardie, hypotension, choc cardiogénique, des choses, finalement, assez attendues.

Parmi les facteurs protecteurs, on retrouve trois facteurs : la réalisation d’une angioplastie primaire, un traitement bêtabloquant et un traitement par ticagrélor.

Concernant l’angioplastie primaire, on comprend et on conçoit que la réalisation d’une reperfusion mécanique, d’autant plus qu’elle sera précoce, soit un facteur protecteur. Les bêtabloquants sont réputés avoir un effet antiarythmique réel.

Le traitement par ticagrélor, est probablement le marqueur d’une prise en charge moderne, si je puis dire, qu’un traitement directement protecteur. En effet, à moins d’imaginer un effet antiarythmique qui n’est pas recensé pour cette molécule, on peut penser que c’est plus le marqueur d’une reperfusion moderne, rapide et efficace et, peut-être, un traitement préventif des réocclusions plus efficace – cela est bien établi.

Quelles leçons peut-on tirer pour l’avenir ?

Si l’on veut continuer à progresser dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde et à réduire la mortalité, il va falloir réduire la mortalité préhospitalière. C’est un énorme chantier dans lequel médecins, urgentistes, acteurs du préhospitalier, mais aussi médecine de ville et, je dirais, citoyens, doivent travailler pour constituer la chaîne de survie qui est indispensable à la prise en charge de l’arrêt cardiaque préhospitalier.

Concernant les patients qui sont hospitalisés vivants et qui vont faire un arrêt cardiaque intrahospitalier, il faudra réduire cette survenue du risque d’arrêt cardiaque par la reperfusion précoce, par l’utilisation des traitements adjuvants modernes qui permettra d’adresser et de prendre en compte la moitié des morts intrahospitalières.

L’autre moitié étant probablement liée à la déchéance myocardique, à l’insuffisance cardiaque et au choc cardiogénique, et relevant plutôt de l’assistance circulatoire, voire de la transplantation ou du cœur artificiel.

Donc on voit bien comment on va pouvoir continuer à progresser pour toujours essayer de réduire plus avant la mortalité de l’infarctus du myocarde dont je rappelle qu’il est toujours, en 2023, la première cause de mortalité au monde, donc un sujet important.

Je vous engage à lire cet article de novembre 2022 tout à fait passionnant, par une équipe internationale menée par des chercheurs chinois, mais avec des chercheurs du monde entier, et, notamment, un Français – Gilles Montalescot, à la Pitié-Salpêtrière.

Voilà. Bonne lecture.

 
On va pouvoir continuer à progresser pour toujours essayer de réduire plus avant la mortalité de l’infarctus du myocarde dont je rappelle qu’il est toujours, en 2023, la première cause de mortalité au monde.
 

 

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